Genève (GE) — Beau-Rivage, Le Chat Botté
La fête des papilles à Genève
Sur la scène genevoise, derrière Philippe Chevrier, qui fait feu de sa précoce maturité, le nouveau venu, Fabrice Vulin, au Parc des Eaux-Vives, et Dominique Gauthier, au Chat Botté, se livrent un duel à couteaux tirés par-dessus la rade. Vulin est le chouchou du guide Michelin, qui lui a accordé deux macarons coup sur coup. Gauthier a obtenu une troisième toque et la promotion romande de l’année 2005 chez GaultMillau et l’Académie internationale de la gastronomie vient de le proclamer «chef de l’avenir».
Surtout, le jeune Français de 38 ans, a su s’affranchir de l’influence de Richard Cressac, longtemps chef du palace genevois. Au point qu’il pourrait reprendre à son compte la devise de Mouton-Rothschild : «Premier je suis, second je fus» (dix ans durant).
La simplicité estivale
Ce compatriote de Berlioz, natif de la Côte-Saint-André, non loin de Grenoble, connaît la musique. «Nous avions un grand jardin, on se chauffait au bois. Mon père était chasseur et champignonneur. Longtemps, j’ai mis tout ça de côté, jusqu’à ce que je me rende compte que ce sont les vraies choses de la vie.» Et ça tombe bien, puisque «l’été est une saison simple à cuisinier, au restaurant comme à la maison». Surtout quand on a une terrasse, prise d’assaut lors des Fêtes de Genève (du 4 au 14 août), la seule à donner sur la rade, le jet d’eau, le Mont-Blanc et la vieille ville. Ceux d’en face ne peuvent en dire autant…
Voici donc un défilé de plats. Une langoustine aux éclats de tomates séchées et olives noires, qui tire son génie d’un melon blanc espagnol rôti, fameux ! Suit un Saint-Pierre au simple jus de carottes, au goût bien affirmé. Puis un foie gras d’Alsace, aux cerises Brulat, accompagné d’une crème brûlée au foie gras sublime. Et un lapereau, tendre et juteux, roulé à la tapenade et aux éclats d’olives de Sicile, avec un mille-feuille de pommes de terre. Une glace à la fraise, avant une compote d’abricots et une glace au thé à la pêche, très frais. Ces plats de plein été embaument la Provence et l’huile d’olive de Saint-Rémy. Toutes choses apprises dans les meilleures brigades de France, de Jo Rostang à Georges Blanc, en passant par Jacques Chibois : «Chez lui, j’ai eu le déclic. Il m’a appris qu’avec pas grand’chose, on peut faire un plat exceptionnel.»
Une cave d’anthologie
Si le décor de la salle à manger évoque Sissi, l’impératrice d’Autriche qui rendit dans ces murs historiques son dernier soupir, la terrasse, elle, permet d’humer l’air du large. Mais c’est ou bien, ou bien : tous dehors ou tous dedans. Service de haut rang et cave faramineuse, gérée par Jean-Christophe Ollivier, sommelier stylé. Et les prix ? A la hauteur du lieu et d’une grande table genevoise. A midi, lunch à 60 fr. C’est le prix de quelques plats à la carte, avec des menus entre 130 et 180 fr., et un végétarien à 90 fr. Personne n’est obligé de boire un Cheval-Blanc 1947 à 15'000 fr., ou un Mouton-Rothschild à 10'000 fr., deux vins sinon de musée, du moins d’anthologie.
La bonne adresse
Beau-Rivage
13, quai du Mont-Blanc, Genève
Tél. 022 716 69 20
Ouvert tous les jours, toute l’année
www.beau-rivage.ch
Le vin tiré de sa cave…
Un classique genevois
Genevois beaucoup, bordelais un peu. Ainsi peut-on qualifier le Bertholier du Domaine Les Hutins, à Dardagny. Un classique du renouveau du vignoble du Mandement ! Aux récentes Sélections des vins de Genève, parmi les 90 vins médaillés d’or, ce domaine a placé quatre vins, tous rouges : un pinot noir, d’une belle finesse, un merlot, un gamaret pur, de 2004 et le Bertholier (du nom d’une parcelle de Dardagny), version 2003. Jean-Christophe Ollivier nous a fait déguster le 2002, dans un élégant flacon de 5 dl. Un vin à forte personnalité. Le nez est bien balancé entre le fumé du chêne et les fruits rouges. Le rapport fruité, acidité et boisé reste dynamique et augure d’un bon potentiel… s’il n’était déjà bu ! C’est la fille de Jean Huttin, Emilienne, qui vinifie ce rouge : gamaret et cabernet-sauvignon macèrent ensemble, font leur malo en barriques (un tiers de bois neuf), et, en fin d’assemblage, après un an de fûts, s’ajoute le merlot. «Le gamaret (70%) bien mûr est souple, le cabernet (15%) le raffermit et lui donne du pep, tandis que le merlot (15%) ajoute de la complexité», résume la jeune femme.
Paru dans Le Matin-Dimanche du 31 juillet 2005.