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Posted on 12 septembre 2005 in Adresses, Restos

Lausanne (VD) — La Table d’Edgard, Lausanne Palace

Lausanne (VD) — La Table d’Edgard, Lausanne Palace

La Table d’Edgard, Lausanne
L’air vif de Nice-sur-Léman

Méditerranée ou Léman? Cap de la Côte ou rive française? Le nez dans l’assiette, où se prélassent une délicieuse fleur de courgette emplie d’un délicat mélange de ricotta et de chèvre, une tomate, une courgette et un artichaut, à chaque fois farcis avec une duxelle de leur propre chair, on se dit que, décidément, oui, nous plongeons dans la Grande Bleue. Et pourtant, nous ne sommes qu’à la «Table d’Edgard», le restaurant haut de gamme du Lausanne-Palace, qui vient de rouvrir après huit semaines de vacances — un luxe que ne peuvent s’offrir que les grandes maisons qui ne vivent pas du menu du jour.
Cet Edgard, frais quinquagénaire (depuis le début de l’été), tutoie tout le monde. Il est aux commandes du paquebot lausannois depuis neuf mois. A son arrivée, le «gastro» était condamné… Il a pu convaincre le directeur Jean-Jacques Gauer de la nécessité de le maintenir, à condition de l’alléger, dans la forme et le fond, en le limitant à une quarantaine de couverts, répartis entre la haute véranda et deux terrasses — abritées de la bise ! —, à l’arrière du vrai bar-fausse bibliothèque lui aussi rénové ce printemps.
Le pourquoi d’une conversion
Mais pourquoi un chef valaisan, de Saint-Léonard, qui a fait toute sa carrière sur et outre-Sarine (à l’Olden de Gstaad, durant neuf ans, puis quatorze ans à l’Ermitage de Küssnacht am (Zürich)See) a-t-il pris l’accent niçois? Parce qu’il y a vingt ans, Dominique Le Stanc a débarqué à Zurich avec sa brigade pour populariser, au Nord des Alpes, la cuisine du Sud : produits simples, magnifiés par les herbes aromatiques, l’huile d’olive et les agrumes. Le Valaisan ne s’en est jamais remis et Nice fut son chemin de Damas! Le Stanc, lui, s’est rangé des brigades du Négresco à la Merenda, sur une plage niçoise, sans téléphone, où il faut passer pour réserver une des douze tables. Edgard Bovier a failli réaliser le même parcours : on l’a vu dans cette rubrique, il y a quelques mois, au milieu de «sa» brigade du Buffet de la Gare de Saint-Léonard. Il y garde toujours un œil…
Beaux produits d’abord
Le Lausanne-Palace, c’est une autre paire de toques. Pas moins de quarante cuisiniers dans quatre espaces distincts au plus profond des cales. Cuisine centrale, puis, l’une pour la brasserie du Grand-Chêne, l’autre pour le Côté Jardin, résolument italien depuis ce printemps, avec buffet d’antipasti, risotti, pasta et tutti quanti. Enfin, un espace «nickel» pour les six cuisiniers affairés à cette «Table d’Edgard,» qu’on peut voir à l’œuvre, si on réserve le carnotzet qui surplombe le chef…
A toute reprise, nouvelle carte. Celle de cet arrière-été n’affiche pas encore la canette de Challans aux citrons confits, ni le cerf sauvage d’Ecosse, ni le chevreuil frais d’Autriche. De nobles plats de résistance qui tournent autour de 50 francs, alors que les menus du soir sont à 130 et 160 fr. Mais à midi, le «menu plaisir», à 68 fr, comprend une entrée, un plat, un dessert, en variations qui vont du tout poisson au tout viande, en passant par le tout végétarien. Chacun y pêche ce dont il a envie et panache son menu.
L’autre midi, ce furent donc les facétieux farcis, suivis d’un épais, moelleux et parfait loup à l’huile d’olive et pistou, sur une galette de pomme de terre, et une nectarine rôtie au miel de lavande, glace au lait et crème brûlée. Trois plats pour rappeler qu’Edgard avait trois toques GaultMillau à Küssnacht (ZH). A propos : l’adresse n’a pas résisté à son départ, il y a trois ans. En ce mois de septembre, l’hôtel ferme et sera transformé en résidence de luxe. Pauvres Zurichois !

La bonne adresse
La Table d’Edgard
Lausanne-Palace
Rue du Grand-Chêne 7-9
Lausanne
Tél. 021 331 31 31
Fermé le samedi midi, le dimanche et le lundi

Le vin tiré de sa cave…
Un blanc «de sorte»

Dans la cave du Lausanne-Palace, on aurait pu choisir un des nombreux vins du Sierrois (de Miège) Gérald Clavien, le préféré de plusieurs grands chefs. Ou un des crus vaudois, servis au verre au bar du Grand-Chêne, et qu’Edgard Bovier ne snobe nullement. Mais on lui a demandé une curiosité. Et il nous a sorti ce flacon dodu : un blanc des hauts de Nice, accordé à la table — «de sorte», comme disent les Vaudois. Le domaine du Château de Bellet, dans la minuscule AOC homonyme (40 hectares), résiste à l’urbanisation. Depuis quatre siècles s’y succèdent les héritiers de la même famille, aujourd’hui Ghislain de Chamarcé. Son blanc, à l’égal du Château Simone, dans la micro-AOC Palette, voisine d’Aix-en-Provence, vieillit fort bien. Ce Bellet blanc tire son jus du rolle, parent supposé du vermentino corse et sarde, élevé en fût de chêne. Le 2001 tenait encore parfaitement ses promesses, bien balancé entre le boisé discret et la fraîcheur vive. Le même domaine cultive aussi de rares cépages locaux, braquet pour le rosé, et folle noire, mélangée au grenache, pour le rouge.

Paru le 11 septembre 2005 dans Le Matin-Dimanche.