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Posted on 27 novembre 2005 in Conso

Des mousseux à sabler!

Des mousseux à sabler!

Dégustation, «Tout Compte Fait», novembre 2005
Des mousseux à sabler

La vente de Champagne a diminué, ces dernières années en Suisse. Les vins effervescents les remplacent avantageusement. Plus de fraîcheur, moins d’alcool : Clairette-de-Die et autre Prosecco valent bien qu’on les sable.
Par Pierre Thomas
Sabler ou sabrer ? Le français connaît les deux verbes. Le premier indique qu’on boit du Champagne en abondance. Le second rappelle qu’à l’époque où le mousseux le plus célèbre était bu à toutes les cours d’Europe, il était de bon ton de trancher le goulot d’un coup de sabre… Et c’est Jo Siffert, le populaire coureur automobile fribourgeois, qui a inauguré la douche des pilotes de Grands Prix. Anecdotes folkloriques… Précisément, le mousseux reste un produit festif, invité des apéros de fin d’année (la moitié des ventes sont réalisées sur le dernier trimestre !).
Des effervescents moins chers
Faut-il à tout prix sacrifier au rite du Champagne ? On peut boire pour moins de 10 francs une bouteille d’effervescent de qualité, alors que la plupart des grandes marques de Champagne tournent autour des 35 francs. En tête de notre dégustation, une Clairette-de-Die précède un Prosecco de Vénétie. Les six premières places sont occupées par ces deux produits.
Rien d’étonnant à cela. Le vin de la Drôme (à deux heures de voiture de Genève) est, peut-être, le plus ancien mousseux du monde… Il s’en produit, bon an, mal an, plus de 8 millions de bouteilles. A son avantage, un faible degré d’alcool (7,5° seulement), une sucrosité basse (pas de «dosage», qui permet d’arrondir le goût des champagnes par une «liqueur d’expédition») et des arômes flatteurs, dus à l’utilisation, à 75%, de muscat blanc à petits grains, un raisin aromatique. La méthode traditionnelle implique une prise de mousse par refermentation en bouteille. Pour l’anecdote, le cépage clairette existe aussi, mais il donne le rare Crémant-de-Die.
Au nom du raisin
Avec le Prosecco, c’est encore une histoire de raisin. Les meilleurs vins de ce type proviennent des collines des environs de Trévise. On y produit 30 millions de bouteilles l’an d’un vin sec, marqué par un goût d’amande amère propre au raisin homonyme. La prise de mousse se fait en «cuve close», selon la méthode Charmat, du nom de son inventeur. Entre Conegliano et Valdobbiadene s’est ouverte la première route des vins de toute l’Italie, il y a quarante ans. Les deux régions de production ne forment désormais plus qu’une seule DOC (dénomination d’origine contrôlée). Le Prosecco est un effervescent rafraîchissant, titrant 11,5° d’alcool, sans complication ni complexité. Mais que demande le peuple ? Sur les terrasses de Venise ou de Vérone, puis depuis quelques années, de Zurich, il fait un malheur, qui se traduit par une présence accrue dans les supermarchés.
Comparaison difficile
Après cette rafale de produits au goût bien défini (aromatique pour la Clairette, franc et sec pour le Prosecco), les autres vins, pourtant plus chers, ont souffert de la comparaison. Vrai pour les Cava, dont le très décevant produit du géant catalan Codorniu (27 millions de bouteilles de Cava, dont 25% à l’export), lancé à grand renfort de publicité, cet automne en Suisse. Egalement élaboré en cuve close, le «blanc de blancs» (pur chardonnay suisse) de la Cave de Genève, a peiné, à cause d’une bulle envahissante et d’une certaine évolution, au détriment de la fraîcheur.
                                               
Eclairage
En Suisse, le champagne se boit moins,
mais coûte toujours autant!

Si les prix des Champagnes ne baisse pas, le plus prestigieux des effervescents a perdu, en absolu, 3 points sur 100 en quatre ans, sur l’ensemble du marché des mousseux vendus en grands magasins en Suisse. C’est l’«Observateur du Vin» (www.swisswine.ch) qui l’indiquait dans son numéro de l’hiver 2004-2005.
Si l’on exclut les mousseux aromatisés (à la pêche, aux litchees, etc…), qui représentent 28% du marché (en progression), l’Italie (42% de parts de marché, dont 29% pour le seul Prosecco) devance la France (28%, dont 19% pour le Champagne) et l’Espagne (24%), en recul ces dernières années. Les produits suisses ne représentent que 4%.
Selon l’institut d’étude du marché ACNielsen, les Romands dépensent 82 fr. par an pour du Champagne, contre 55,60 fr. pour les Alémaniques. Au total, les Suisses ont consacré quelque 130 millions de francs par an en mousseux divers dont 55 millions pour le seul Champagne. Cette étude, publiée en avril 2005, confirme l’«énorme progression» du Prosecco italien sur ces cinq dernières années.

Dégustation
12 mousseux de supermarché, entre 7,95 et 14,95 CHF
1) Clairette de Die, Aymard Duperrier SCA, Denner, 9,95 fr., 14,2 points/20 points
2) Prosecco di Valdobbiadene, Col del Sol, Denner, 10,95 fr., 13,8/20
3) Prosecco di Conegliano, Carpené-Malvotti, Coop, 11,90 fr., 13,4/20
4) Clairette de Die,  Jaillance, PickPay, 14,45 fr., 13,2/20
5) Prosecco di Valdobbiadene, Bartolomiol, Denner, 7,95 fr., 13/20
6) Clairette de Die, Carod, Aligro, 12,70 fr., 13/20
7) Cava Cordon Negra, Freixenet, Denner, 12,95 fr., 12,8/20
8) Prosecco Capricio, Conte Cavour, Aligro, 8,70 fr., 12,4/20
9) Clairette de Die, SCA, Coop, 13,90 fr., 12/20
10) Baccarat Brut, Cave de Genève SA, Aligro, 12,30 fr., 11,6/20
11) Cordon Or Brut, Mauler, Aligro, 14,60 fr., 11,2/20
12) Cava Reserva Reventos, Codorniu, Coop, 14,90 fr., 11

Jury: Nathalie Borne, meilleur sommelier romand 2003, Nicolas Bourassin, sommelier Le Jaan, Montreux, Frédéric Compain, sommelier, Vétroz, Claudio De Giorgi, président de l'Association romande des sommeliers, Pierre Thomas, journaliste spécialisé.
Echelle: de 11 à 14, satisfaisant, de 14 à 16, bon; de 16 à 18 très bon, de 18 à 19,9, excellent, 20, parfait