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Posted on 8 janvier 2005 in Vins italiens

L’aggiornamento du Brunello di Montalcino

L’aggiornamento du Brunello di Montalcino

L'aggiornamento du roi de Toscane
Né à Montalcino, à 40 km au sud de Sienne, le “brunello” est un des vins mythiques d'Italie. Reportage, à l'occasion de la sortie du millésime 1997, à mi-février, au cœur d'une région qui se modifie profondément.
Par Pierre Thomas
La Toscane reste étonnante. Elle vient de demander à l'UNESCO le classement de ses collines au patrimoine mondial. Dans la diversité du paysage, moutonnant de la mer aux Apenins, on devine à peine les vignes, tapies dans les replis, derrière des bosquets d'arbre, tandis que le devant de la scène est occupé par la polyculture, du blé aux prairies. Quelques oliviers et la découpe des cyprès sur les crêtes complètent le tableau.
Ainsi, Montalcino, petite cité seigneuriale couronnée d'une citadelle, ne laisse presque rien deviner de ses près de 3000 ha de vignes, dont la moitié est inscrite sous la dénomination de Brunello. Vu du haut des 560 m.  d'altitude de la cité, l'hiver, le vignoble se fond dans le paysage. Pourtant, Montalcino ressemble un peu à la Bourgogne. Tout autour de la colline principale, les expositions et les terroirs sont très divers. Une vraie mosaique…
Du sangiovese et du génie
Ici, le dénominateur commun, c'est le sangiovese local. Car l'histoire du Brunello est liée à une multiplication d'un seul clone de ce cépage répandu dans toute la Toscane. Le vin cru est né en même temps que l'Italie moderne, celle que défendait, au côté de Garibaldi, Ferruccio Biondi Santi, dans les années 1870. Dès le départ, le sort du Brunello est aussi lié à la technologie. Car Biondi Santi non seulement décide de faire un vin exclusivement à partir du sangiovese local, mais il renonce à la méthode du “governo”, très en vogue dans le Chianti voisin, qui consistait à faire repasser le moût de l'année sur les pulpes de raisins passerillés, pour le fortifier en couleur notamment. L'œnologue préfère mettre en fûts sa récolte et attendre patiemment le résultat.
Presque cent cinquante ans plus tard, le Brunello s'appuie encore sur le raisin traditionnel – dont on a développé de nouveaux clones — mais aussi sur les connaissances modernes des œnologues — conseils, plus ou moins séduits par la nécessité d'élever longuement le vin en bois.
Condamné au bois
Ce vieillissement caractérise le Brunello: il n'y a aucun cru au monde qui attend si longtemps — cinq ans! — pour être mis sur le marché. Heureusement, depuis 1998 (pour le millésime 95), le Brunello n'est plus condamné au bois durant quatre longues années, mais au minimum deux ans, complété par un élevage en bouteille. La qualité du contenant n'est pas précisée non plus: les producteurs peuvent jouer sur des barriques de chêne neuf ou sur de grands vases ancestraux. Quant aux œnologues, ils donnent leur personnalité aux meilleures étiquettes: Franco Bernabei à Lisini, Maurizio Castelli chez Mastrojanni, Vittorio Fiore à Caparzo et Paolo Vaggagini au tout jeune et prometteur domaine Le Gode, par exemple.
Aujourd'hui, presque tout est possible à Montalcino. Rançon de cette liberté curieusement favorisée par une appellation qui paraît rigide sur le papier, il y a presque autant de styles de vins que de producteurs — 140 vignerons-encaveurs mettent en marché 5 millions de bouteilles de Brunello. Le jeune Giancarlo Pacenti, qui fait faire à son vin la deuxième fermentation en barriques, déplore la contrainte des vingt-quatre mois sous bois. Depuis dix ans, ses vins culminent au sommet de l'appellation: le 97, à la matière dense et suave, est un pur chef-d'œuvre qui se paie plus de 45 euros (près de 70 francs suisses).
Tradition et évolution
Héritier d'un des rares domaines, la Fattoria dei Barbi, hors du “consorzio”, mais qui, avec Biondi-Santi, perpétue la tradition, Stefano Cinelli Colombini ne tarit pas d'éloges sur ses essais de vinification en cuve de bois, dès réception de la vendange, pour mieux marier les tanins du bois à la matière première. Et les Frescobaldi, marquis florentins très impliqués dans la viticulture toscane, ont beau développer, au pied de la colline de Montalcino, une “joint venture” avec l'Américain Mondavi, leurs Brunellos traditionnels, les riservas Castelgiocondo, enthousiasment toujours. Et davantage que le Luce, “supertoscan” né du choc de deux cépages, le sangiovese et le merlot, et de deux cultures, l'italienne et l'américaine. C'est bien en respectant la tradition mâtinée de modernité que le Brunello conservera ses lettres de noblesse d'un grand vin de garde.
Eclairage
Grandes années
Les grands vins se magnifient encore dans les grands millésimes. A Montalcino, pour fêter la sortie de cave du cru, cinq ans après la vendange, on pose une plaque, scellée dans la tour du palais du centre de la petite ville, siège du consorzio. Après le photographe provocateur Toscani, le dessinateur d'autos Giugiaro, le styliste de mode Missoni ou la championne de ski Deborah Compagnoni (!), c'est la styliste Miuccia Prada qui a signé l'œuvre 2001, apposée dans la liesse, à mi-février dernier. 2001 (en vente dès 2006…) obtient une étoile de moins (quatre) que ses prestigieux prédécesseurs, 97, 95, 90, 88, 85 et 75, qui sont les années “cinq étoiles” du Brunello.   

Article paru dans Hôtel + Tourismus Revue, Berne, en mars 2002