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Posted on 18 février 2006 in Adresses, Restos

Genève (GE) — Il Lago, Hôtel des Bergues

Genève (GE) — Il Lago, Hôtel des Bergues

Il Lago, Hôtel des Bergues, Genève
Un pacte italo-suisse
L’adresse est déjà une des plus courues de Genève. Avant La Paix et Le Richemond, dans le même quartier, les Bergues est le premier des palaces genevois rénovés à grands frais à avoir réouvert. Ici, le prince saoudien Al-Walid, gros actionnaire de la chaîne Four Seasons, dont fait partie, de facto, l’hôtel et le milliardaire malais Ananda Krishnan, se partagent les murs. Au bord du Rhône, le restaurant affiche son enseigne italienne, Il Lago. Pas de doute, le lac de Genève est un lac majeur. On est allé chercher le directeur de l’hôtel à Montréal (Québec), celui des restaurants à Sao Paolo (Brésil) et le chef à Carrare (Italie). Marco Garfagnini est une étoile montante de la gastronomie italienne. Il a délaissé son minuscule restaurant de Toscane, Ninan, désormais aux mains de son épouse. Et les deux adjoints du chef sont aussi transalpins.
Douze «nouveaux cépages» au verre
Heureuse initiative, le sélect Bar des Bergues sert des vins sélectionnés par le jeune sommelier Federico Colombo, de Côme. Un enthousiaste! Il a inauguré son offre de crus au verre par la Vallée du Rhône. Et puis, pour une première approche des vins suisses (servis jusqu’à mi-mars), il a demandé à votre serviteur, de lui concocter une carte de douze vins. J’avoue m’être bien amusé à l’exercice, centré exclusivement sur les vins, confidentiels, issus des «nouveaux cépages» développés à Changins depuis 1970. En principe, ils ne sont servis au verre qu’au bar. Avantage : on y tient la même carte qu’au restaurant, réparti dans deux salons en enfilade, dessinés, à neuf, mais à l’ancienne, par Pierre-Yves Rochon. Le premier, rococo et napolitain, est tapissé de papiers peints à la main montrant le Vésuve ; le second, bleu clair, aux lustres de cristal de Murano. Belle vaisselle, bon service, jeune et enjoué : pour l’ensemble de l’établissement, on compte près de deux employés pour un hôte…
Suspense : comment allaient se comporter ces crus romands face à des plats italiens ? «J’adore vos vins, droits, nets, comme les Suisses», pose d’emblée le sommelier. Et le charmont en barrique d’Olivier Ducret, de Chardonne (VD), à la fois charnu et vif, tient parfaitement son rôle sur des langoustines posées sur des haricots coco blancs, qui jouent sur les textures. Racé, le gamaret de la Capitaine (lire ci-contre), accompagne le risotto, à la cuisson parfaite, de homard, souligné d’huile au basilic. Le carminoir de Jean-Camille Juilliand, de Chamoson (VS), plus minéral et juvénile que puissant, s’accorde fort bien avec les tortellis aux trois fromages (une farce de parmesan, pecorino et ricotta), sauce citron et menthe. Pâtes fraîches casalinga, évidemment.
Entre Valais et Toscane
Ensuite, duel au sommet de la cuvée «Passion», de Romain Papilloud, de Vétroz (VS), et du Domaine Evêché, de Provins-Valais, «arbitré» par un pigeon à la cuisson du croustillant au moelleux, même si la sauce cacao aurait pu être plus amère que sirupeuse, sans que les vins dussent en souffrir. Car ces deux rouges, 2003, sont déjà épanouis. Federico Colombo s’extasie devant l’assemblage carminoir (60%), gamaret et merlot, passé 24 mois en barriques, de Romain Papilloud : «On dirait un grand vin toscan !» Le diolinoir, partiellement passerillé et maturé en fût de mélèze neuf, de l’œnologue Madeleine Gay, se révèle baroque, exubérant et hors norme. Il se paie le luxe de rester vaillant au dessert, pourtant très doux : deux coupoles de meringue inversées, séparées par un ananas rôti et une crème glacée (semifreddo) au nougat (torrone). Ce menu, de dégustation, est facturé 125 francs sans les vins (avec, en prime, des fromages). Ca n’est pas donné, certes. Mais on s’offre aux Bergues, dans un décor luxuriant et pour un service haut de gamme, une escapade dépaysante. A 5 minutes de la gare Cornavin sans embarquer dans le Cisalpino.

La bonne adresse
Il Lago
33, quai des Bergues
Genève
Tél. 022 908 71 00
Ouvert tous les jours midi et soir

Le vin tiré de la carte spécial CH
Tout bio, tout bleu

Les vins des «nouveaux cépages» suisses ont-ils un avenir commercial ? Le Vaudois Reynald Parmelin, 40 ans cette année, répond à la question de belle manière. Son gamaret 2004 met tous les atouts de son côté. D’abord, le vigneron de Bougy-Villars cultive son domaine de La Capitaine, 11 hectares d’un seul tenant, en «bio» (label bourgeon). Une «niche» qui lui permet d’écouler près de 10% à l’export, surtout en Allemagne. Ensuite, ce pro, qui est passé par la Californie et l’Australie, et a enseigné à Changins, soigne le «packaging». Ses cuvées «haut de gamme» sont logées dans des bouteilles bleues! Reynald Parmelin fut un des premiers à planter du gamaret. L’an passé, il en a produit plus de 10'000 litres. «On a dû apprendre à le vinifier : on n’avait aucune référence», explique le vigneron, épaulé désormais par le jeune œnologue Laurent Sommer. Raisins cueillis très mûrs, macération à froid pour extraire des baies tous leurs arômes, cuvage long de deux semaines, deuxième fermentation en barriques confèrent à ce rouge une belle étoffe. Et reconnue par ses pairs : le 2004 a obtenu 95 points sur 100 à la dégustation OVV-Guillon.

Chronique du Matin-Dimanche du 19 février 2006.