Ovronnaz (VS) — L’Hostellerie de l’Ardève
Fin de parcours au sommet
Coucou, le revoilà ! Jacques Zurbuchen, après un long itinéraire dans le canton de Fribourg, de l’Hôtel Cailler, à Charmey au Petit-Marly, dans la banlieue du chef-lieu, en passant par La Berra à Cergniat et le Vignier, à Avry-devant-Pont, sans oublier le pavillon agricole d’Expo 02 à Morat, vient de poser, il y a quelques semaines, son «alpenstock» à 1400 m. d’altitude, aux Mayens de Chamoson. De quoi lui rappeler davantage un séjour à Aspen (Colorado) que sur des bateaux de croisière des Caraïbes… Car ce chef de cuisine, forte tête avec une moustache grise, a roulé sa bosse. Né sous gare, à Lausanne, fils de restaurateurs au Vieux-Chaudron à Moudon, il a bourlingué, après son apprentissage au Montreux-Palace, et son premier job de chef, au Chalet Suisse à Lausanne, à 26 ans. «Cela fait trente ans que je suis référencé dans les guides gastronomiques», dit-il fièrement.
Salle comble
Après un tel parcours, inutile de dire que ce qu’il propose, c’est du bien mitonné solide, genre valeur sûre. Et le voilà reparti dans une aventure. A 56 ans, il dit vouloir terminer sa carrière, avec son épouse. Erika, à la tête de ce grand chalet, posé dans un virage, avec vue plongeante sur le cône de déjection qui a donné naissance au meilleur vignoble du Valais, des hauts de Chamoson au bas de Saint-Pierre-de-Clages. «On y venait en séjour avec ma femme et puis, j’ai vu qu’il était à remettre», explique le chef. Au téléphone… Car lors de notre passage, on ne l’a qu’entr’aperçu. Ce samedi soir, la salle à manger boisée cosy et la brasserie, étaient pleines à craquer. Et s’ils n’étaient que deux, le patron et une apprentie, en cuisine, cela ne se voyait pas…
La formule est habile : ici, des entrées chaudes et froides aux desserts, les bonnes choses vont par trois. C’est aussi, un peu la ville à la montagne : les lacets des virages à monter via Ovronnaz ou Chamoson n’ont plus de secret pour les livreurs de poisson de Lausanne ou de Zurich… Epices thaï à l’assiette du jour (17,50 fr.) ou crevettes, joliment aromatisées aux parfums d’Asie, sur une soupe froide de petits pois (24 fr.) : la cuisine s’évade des montagnes valaisannes, même s’il suffit de se baisser (dans la plaine) pour ramasser légumes et fruits. Les langoustines dynamisées par un jus réduit au persil, sur une purée de céleri, étaient parfaites (28 fr.). En plus classique, des goujonnettes de sole rôties avec quelques artichauts (au vinaigre) et de grosses câpres, dites «cornichons du câprier», écrasées, genre grenobloise revisitée (42 fr.). Moelleux, épais, bien entremêlé, le steack de veau de Chermignon (44 fr.) faisait un mariage davantage terroir avec des morilles et de la crème de la Gruyère. Pour terminer, un parfait à la Williamine (13 fr.) et des sorbets artisanaux (y’a bon cacao !).
Logement sur place
Deux menus, servis à partir de deux et pour toute la tablée, à 84 fr. et 56 fr., reprennent la carte. Le dernier est inclus dans un forfait gastronomique à 310 fr. pour deux, avec une nuitée et l’entrée aux bains thermaux d’Ovronnaz. Hébergement un peu dispendieux, certes, mais bien pratique, surtout si on met à contribution la carte des vins de la région, élargie de Martigny à Sierre. Depuis dix ans, le maître d’hôtel, Antonio, veille sur cette kyrielle de demi-bouteilles et de bouteilles, en blanc et en rouge, de millésimes épuisés chez les encaveurs, tels le (magnifique) 2000 et 2001. Et le lendemain, départ pour l’alpage de Loutze et son jus de pomme, ou la cabane Rambert, «du cep à la cime», slogan du sentier didactique de Chamoson…
La bonne adresse
Hostellerie de l’Ardève
Ovronnaz-Mayens de Chamoson
Tél. 027 305 25 25
www.hotelardeve.ch
Brasserie ouverte tous les jours, restaurant fermé lundi et mardi.
Le flacon tiré de sa cave…
Triplé d’or
A la tête d’un petit domaine familial de 3 hectares, à Saint-Pierre-de-Clages, Meinrad Gaillard, de la Cave du Vidomne, en vingt ans, en a modifié fondamentalement l’encépagement, à l’image du Valais, qui produit aujourd’hui 60% de rouge pour 40% de blanc. Aux récentes Vinalies de Paris, où il participait pour la première fois, trois de ses vins ont remporté une médaille d’or. «C’est formidable pour Chamoson et pour les vins rouges !», s’exclame ce vigneron de 45 ans. Il faut dire qu’une belle émulation règne au village. Pour s’en convaincre, consultez le site www.chamoson.com, ouvert il y a un mois par la jeune fondation «L’Homme et le Vin». Deux syrahs en barriques (2002 et 2003) et un assemblage rouge (2003) ont permis à Meinrad Gaillard de décrocher ces trophées. D’inspiration bordelaise, avec 50% de cabernet sauvignon, 5% de cabernet franc, 30% de merlot et une touche finale de syrah, ce vin, élevé lui aussi en barriques, tient la route. Le 2000, goûté à l’Ardève, atteignait la plénitude gustative, avec des tanins fondus et une belle jeunesse de fruit. Une réussite, à force de travail et de recherche, véritable «Modus vivendi», comme le dit si bien l’étiquette.
Paru dans Le Matin-Dimanche du 11 juin 2006.