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Posted on 9 janvier 2005 in Vins français

Le Beaujolais veut redresser la tête

Le Beaujolais veut redresser la tête

Le Beaujolais veut redresser la tête
Le Beaujolais, à deux pas de Lyon et de la Suisse romande, est en crise. Mais il veut redresser la tête, grâce à un vaste programme de rénovation du vignoble. Prise de température sur place.
Par Pierre Thomas
«Rendez-vous en Beaujolais»: la manifestation, la semaine dernière, était une première, appelée à se renouveler tous les deux ans. Elle a eu le mérite de faire sortir les vignerons de leurs caves… Car un vigneron seul dans sa cave, ça peut déprimer. Ceux du Beaujolais en savent quelque chose. S'il faut illustrer la crise, il suffit de citer les importations en Suisse: en cinq ans, de 1998 à 2002, les quantités ont été divisées par deux (de 13 millions à 7 millions de litres).
La Suisse, deuxième marché
La moitié du beaujolais est bue hors France. Avec l'Allemagne, la Suisse reste pourtant un bastion commercial (26% et 17% de l'export, en 2001). Ce sont, du reste, les Suisses alémaniques qui sont le plus friands de beaujolais, à rebours de la consommation des autres vins français que les Romands préfèrent.
La structure du Beaujolais est particulière: 83% du vin est écoulé par une centaine de négociants, dont les dix plus importants représentent 70% du volume. Les coopératives livrent au négoce, de sorte que la vente directe par les vignerons ne représente que 17% du volume.
La crise contre le plaisir
Négociant, le président de l'Union interprofessionnelle des vins du Beaujolais, Michel Bosse-Platière affiche le sourire: «Nous sortirons les premiers de la crise. Le beaujolais a des atouts: il est coloré, concentré et fruité. On peut dire qu'il occupera un marché de niche. Mais une grande niche: le vin de plaisir!»
Depuis 2000, le Beaujolais a connu trois millésimes particuliers. En 2001, la crise économique a conduit les producteurs à éliminer par distillation plus de 11,5 millions de litres de vin. En 2002, des vendanges sous la pluie ont obligé à trier les raisins pourris. Et en 2003, le Beaujolais, comme toute l'Europe, a connu la sècheresse et la canicule, abaissant la récolte à 85 millions de litres (contre 135 en année normale).
Le prix du primeur
Le Beaujolais, qui distingue le générique des «villages» et des dix crus, ne mise que sur une couleur, le rouge, et sur un seul cépage, le gamay. La vinification en grappes entières a conduit les producteurs à remettre au goût du jour le «Beaujolais nouveau», ou primeur, à fin novembre déjà. Dès 1970 et jusqu'au milieu des années 1990, la formule a carburé à fond: plus de la moitié du beaujolais s'arrachait au quatre coins du monde dans sa forme «primeur» (lire l'encadré).
Aujourd'hui, les producteurs insistent sur le travail à la vigne, en favorisant la «culture raisonnée» (équivalent à la «production intégrée» suisse) et misent à nouveau sur les crus, en abaissant les rendements (entre 58 et 56 hl/ha). Un plan de 22 millions d'euros (33 millions de francs suisses) a, du reste, été mis en place l'an dernier.
Pour une des vedettes locales, Jean-Paul Brun, le chemin est encore long: «La région s'est discréditée. Seuls les vrais vignerons la recrédibiliseront. Quand on jugera leurs vins à l'aveugle, sans préjugés, ils reviendront au premier rang. Mais il va falloir beaucoup travailler. C'est une question d'une génération, peut-être…»

Eclairage
Un bien mauvais procès

Coup de tonnerre en été 2002: le mensuel Lyon-Mag donnait la parole à François Mauss, le fondateur du Grand jury européen de dégustation. Celui-ci accusait les producteurs de beaujolais d'avoir «voulu faire du fric à tout prix» en étant «tout à fait conscients de commercialiser un vin de merde».
Piqués au vif, 56 syndicats viticoles ouvraient une procédure civile. En janvier 2003, le tribunal jugeait qu'il y avait «dénigrement d'un produit de consommation, d'une marque, reconnus mondialement.» Au total, la «réparation» du tort subi devait s'élever à 254'000 euros, une somme colossale représentant un euro par hectolitre de vins produits par les syndicats.
Ce jugement a fait le tour de la planète, clouant au pilori une justice française incapable de prendre en compte la liberté d'expression. La «victoire» s'est retournée contre le beaujolais. Le jugement, confirmé en appel, n'a pas encore été exécuté. Le dossier est en cassation. «Nous ne demanderons jamais le règlement de ces sommes. Nous en avons marre de cette affaire que nous trainons comme un boulet», assure le président Michel Bosse-Platière. Encore faut-il que le journal lyonnais et tous les syndicats signent une convention pour stopper la machine judiciaire. Cela ne paraît pas acquis, et le soufflé n'est pas retombé…
Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue, en avril 2004

Complément en juillet 2005
La liberté de presse triomphe!
«La publication de critiques, mêmes sévères, concernant un vin ne peut constituer une faute dans le contexte d’un débat public sur l’opportunité d’une subvention de l’Etat en faveur des viticulteurs». C’est par ce motif que la Cour de cassation française a donné raison, à mi-juin 2005, au journal «Lyon-Mag», dans le procès qui l’oppose depuis trois ans aux producteurs de beaujolais. Le dossier de Lyon-Mag citait le fondateur du Grand Jury Européen, François Mauss, pour qui certains beaujolais sont du «vin de merde». Les viticulteurs avaient vu rouge… La condamnation du journal au paiement de 150'000 francs suisses aux syndicats de producteurs, reprise par la presse du monde entier avait fait du tort… aux producteurs, selon le scénario de l’arroseur arrosé. La Cour de cassation a estimé que le jugement, même amoindri par la cour d’appel de Lyon, violait l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui protège la liberté d’expression.