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Posted on 9 janvier 2005 in Tendance

Béatrice da Ros: «Trop de concours dans le monde»

Béatrice da Ros: «Trop de concours dans le monde»

«Il y a trop de concours qui priment
des vins dans le monde!»

Le dixième concours des Vinalies internationales, à Paris a eu lieu à mi-février. Bilan avec Béatrice da Ros, directrice de l'Union française des œnologues et présidente de la Fédération des (dix) grands concours internationaux, auquel appartient le Mondial du Pinot noir, à Sierre.
De retour des Vinalies de Paris, Pierre Thomas
Chardonnay du monde, Riesling du monde, bientôt Mondial du rosé et Mondial du tempranillo… Les concours se multiplient. N'y en-a-t-il pas trop?
Oui, et ça nous inquiète. Par exemple, nous, les Oenologues de France, nous avons lancé le Mondial du rosé, en avril à Cannes, pour éviter qu'un autre organisateur le fasse. Nous sommes conscients que nous arrivons à un point de rupture. Ensuite, il y aura une sélection naturelle. Les producteurs de vin ne participent à un concours que quand ils sont certains d'avoir des retombées.
Comment le consommateur peut-il s'y retrouver, lorsqu'il voit une médaille d'or collée sur une bouteille?
La multiplication des concours est aussi une tromperie pour le client. On sait qu'en France, le consommateur achète plus facilement un vin médaillé. Son prix augmente et il trouve preneur, des études l'ont démontré.
Cette année, les vins suisses ont concouru en force (lire l'éclairage ci-dessous). Vu de Paris, pourquoi un tel engouement?
D'abord, il y a la proximité du marché, même si peu de monde sait que la Suisse produit du vin. Ensuite, les vignerons helvétiques sollicitent la reconnaissance de la France. Je suis surprise des résultats obtenus. Il faut le dire haut et fort: les vins rouges suisses sont remarquables. La Suisse, c'est les vins rouges!
En convoquant des dégustateurs de toute la planète, les concours ne favorisent-ils pas un goût international?
Je ne crois pas au «goût international». Les dégustateurs changent. Il y a 40% d'habitués entre Paris, Montréal ou Vérone. Chacun juge avec ses propres convictions. La confrontation vous amène aussi à voir les choses différemment. Si vous n'aimez pas le boisé dans un vin, vous le dites, mais vous saurez pourquoi d'autres l'apprécient. La dégustation est une école de modestie, et on apprend toujours quelque chose autour d'une table.
A condition de discuter des vins, ce que vous faites à Paris! Pourquoi ne pas se contenter d'une note?
Dès le début, il y a dix ans, nous avons fait une synthèse des commentaires des sept dégustateurs autour de chaque table*. Nous ne serons jamais des machines à déguster. De la discussion naît un enrichissement: à table, une bouteille fait le tour du monde en dix minutes. Je suis opposée à la seule fiche où le dégustateur met des petites croix, comme à la bataille navale.
Après dix ans, les Vinalies internationales ont-elles toujours leur raison d'être?
Plus que jamais! Pour deux raisons. D'abord, pour les producteurs, elles permettent une reconnaissance de la France, à vieille tradition viticole. Ce sentiment vaut pour la Vieille Europe mais est aussi sollicité par les vins du Nouveau Monde. Ensuite, pour le grand public, la récompense signale un produit, ce qui va le sécuriser. Le consommateur est aujourd'hui perdu et n'a plus de repère dans le monde globalisé.

*Les commentaires paraissent en mai chez Hachette sous le titre «1000 vins du monde, la sélection des œnologues» (un guide de 400 pages)

Eclairage
Un autre regard sur la Suisse

Nos vignerons vont chercher à l'étranger la notoriété qu'ils n'ont pas encore en Suisse. A Paris, sur 2300 vins dégustés, avec 94 échantillons librement présentés, quantitativement, la Suisse, sur 35 pays, se plaçait derrière l'Espagne (210 vins) et le Chili (174) et la France, bien sûr, avec 1052 vins. Elle a raflé 9 des 177 médailles d'or et 22 des 502 d'argent. L'Ermitage des frères Rouvinez, à Sierre, s'est même imposé comme le vin blanc sec le mieux noté du concours. Les autres vins médaillés d'or témoignent de la mutation du vignoble suisse. Ainsi les trois genevois, l'effervescent Baccarat Prestige de la Cave de Genève, le merlot de la Caves des Baillets, à Russin et la syrah du Clos des Pins, à Dardagny, et pour l'assemblage blanc en fût «Blanc fumé Tradition» de l'Association viticole d'Ollon (VD). De même pour les valaisans, la Petite Arvine du Domaine la Glapière (René Favre et fils) à Chamoson et les trois de Provins-Valais. Au plus haut niveau, deux rouges, la cuvée de prestige «Mémoire du Temps 2001», faite de diolinoir (nouveau cépage propre à la Suisse), l'assemblage «Rouge d'enfer» 2002, et un blanc, le Heida 2002 de la ligne Maître de chais. Trois vins signés de l'œnologue vedette de la coopérative valaisanne, Madeleine Gay, qui se réjouit de ce succès: «Parfois en Valais, on dit de mes vins rouges qu'ils sont concentrés et tanniques. Les dégustateurs internationaux les apprécient. Je suis vraiment contente.»

Article paru dans Hôtel + Tourismus Revue, Berne, en mars 2004