Gstaad (BE) — By Dalsass, Le Chlösterli
Dalsass le Transalpin
Que le contribuable Halliday s’exile, c’est comme si on avait pris à Paris, l’Alsace et la Lorraine… L’«idole des jeunes» n’aura pas, pour autant, à se contenter de fondues à Gstaad. Certes, son compatriote Alain Ducasse a fait moins de bruit en délaissant, en catimini, ses cuisines, que le chanteur n’en a produit, non pas en poussant la chansonnette, mais en s’établissant dans son coquet chalet.
Un autre Français, disciple de Philippe Starck, Patrick Jouin, avait luxueusement transformé, il y a trois ans, la vénérable disco du Chlösterli, à quelques kilomètres sur la route de Gsteig, en bar-lounge-restos, pour le compte du Monégasque Michel Pastor. L’un des restaurants, aménagé tout spécialement à l’étage, revenait à Ducasse, qui y installa un de ses lieutenants. Et le «Spoon des neiges» devait fonctionner en alternance saisonnière avec celui de Saint-Tropez… Formule boiteuse, rapidement abandonnée. «Spoon» revu et corrigé
Sans tambour ni trompette, au dernier Noël, le chef le plus toqué du Tessin (18 sur 20 au GaultMillau), Martin Dalsass, a repris les luxueuses infrastructures délaissées par l’équipe française sur les berges de l’impétueuse Sarine. A 50 ans —en octobre 2006 — cet Italien de Bolzano n’entend pas reproduire les erreurs de son prédécesseur. «En janvier et en février, on ferme le Santabbondio (à Sorengo, près de Lugano). Donc, je suis là et je ne tiens pas à faire deux choses à la fois.» Raison pour laquelle, il forme un second, Günter Piccolruaz, 28 ans, pour tenir la boutique jusqu’au 10 mars.
Il y a toujours deux cuisines, l’une pour l’«Alpen Bistrot», au rez, l’autre pour «By Dalsass», au premier, mais les dix cuisiniers (deux fois plus qu’au Tessin !) passent de l’un à l’autre sans complexe. Du reste, le premier n’est ouvert que le soir. Si Ducasse avait voulu greffer sur Gstaad son concept de zapping culinaire bon pour Paris, New York ou Hong Kong, Dalsass n’est pas un extra-terrestre parachuté dans l’Oberland. C’est même là, en 1975, qu’il a gagné ses premiers galons de sous-chef de cuisine, à 19 ans, avant de revenir à 24 ans au Bellevue comme chef. Au total, sept ans à Gstaad, avant l’ouverture du Santabbondio, il y a plus de vingt ans (en 1985).
La même carte qu'au Tessin
Attaché aux produits authentiques, apôtre de l’huile d’olive, le chef, transalpin dans le plein sens du terme, sert la même carte qu’au Tessin. Avec des prix majorés de 10%… A ce tarif, le menu à 158 francs (par personne, pour deux) s’impose. Parcours sans faute, l’autre soir… Choc des textures et des goûts d’abord, avec une chicorée catalane, un thon rouge moelleux et des volutes de lard immaculé de Colonnata. Puis, des «cavatelli» (petites pâte grossières) aux coquillages et mini-calamars dans un jus dense et bien relevé. Du lac de Lugano — mais on en pêche parfois dans le lac de la Gruyère ! —, le sandre, justement cuit, s’accompagnait de quelques écrevisses et d’une tonique purée de livêche, l’«herbe à maggi». Gras, enduit de miel de châtaignier clouté de poivre noir, le canard était souple sous la dent, au caractère bien affirmé.
Choco et… huile d’olive
Après un sorbet au «raisin américain» et son arôme inimitable, un chef-d’œuvre de mousse au chocolat montée à l’huile d’olive, dans les proportions de 55% de noir pour 45% d’huile. Amuse-bouche (délicieuses olives vertes aux herbes), pains (un plein panier à l’italienne et à la française) et mignardises sont maison. Quant au service, il assure tour à tour en italien, français, anglais et, bien sûr, allemand ou dialecte. Passé le joug d’un linteau de porte de chalet, l’atmosphère est conviviale, au coude à coude de pull cashmere dans les petites chambres boisées de ce chalet du 18ème et sur la galerie surplombant la piste de danse à jeux de lumières. Pour les aficionados, une grande table jouxte le piano (de cuisine). Les prix ? Une entrée, un plat, un dessert, pour 150 francs ; un vin rouge pour 100 fr. Pas moins : eh dis, t’es à Gstaad, Johnny, et tu peux y dépenser tout ce que tu économises! (Lire aussi: Gstaad mise sur le gastro)
La bonne adresse
By Dalsass
Chlösterli
Grund bei Gstaad
Tél. 033 748 79 79
Fermé le mardi
(ouvert jusqu’au 10 mars 2007)
Le vin tiré de sa cave…
Merlot toujours
Le merlot tessinois a tourné la page de son centenaire. Mais il reste, plus que jamais, un des meilleurs vins rouges suisses. Cette aspiration à l’excellence ne date pas de bien longtemps! Et Martin Dalsass a l’intention de proposer quelques uns des meilleurs (et chers) vins tessinois. Parmi eux, ceux de la famille Zanini. Père et fils se prénomment Luigi : ils se sont offert un «château», le Castello Luigi, dont les vins, blanc et rouge, sont les plus chers de Suisse. Luigi père, venu dans le sud de la Suisse en 1964 pour vendre des contingents de vins italiens, fut parmi les premiers à révéler aux Tessinois le potentiel de «leur» merlot. Sa première vendange date de 1971. Mais c’est à partir de 1985, et l’adoption de la vinification en barriques, que la qualité se confirma. Les Zanini font travailler leurs vignes en propriété, en location et en achat de raisin, par des Tessinois, les Vinattieri. Depuis 1995, une cave, à Ligornetto, permet l’élevage du merlot dans un chais de huit cent barriques de chêne (www.zanini.ch). La cuvée Vinattieri 2000, avec sa note végétale délicate, et un boisé fondu sur une matière première élégante, atteste que les merlots tessinois sont à leur apogée à moins de dix ans.
Chronique parue dans
Le Matin-Dimanche du 14 janvier 2007.