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Posted on 31 octobre 2007 in Vins espagnols

Tempranillos: Don Quichotte de supermarché

Tempranillos: Don Quichotte de supermarché

Dégustation, parue dans Tout Compte Fait, octobre 2007
Don Quichotte de supermarché
Le tempranillo est l’étendard des vins ibériques et pas seulement de la Rioja! Un tour d’Espagne via les rayons des grandes surfaces.
Une légende prétend que le délicat tempranillo serait le descendant du pinot noir, amené sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle par des pèlerins bourguignons. Aujourd’hui, ce cépage rouge plutôt précoce, fin et équilibré, sans trop de couleur, ni de sucre, est qualifié d’autochtone. On le retrouve aux quatre coins de l’Espagne, souvent sous un nom local, «cencibel» dans la Mancha, le pays de Don Quichotte qui est aussi la plus vaste étendue viticole du monde à l’est de l’arrière-pays de Valence, ou «tinto (rouge) fino» à Madrid, «tinta del pais» dans la Ribera del Duero, «tinta de Toro», «tinta roriz» au Portugal et «ull de llebre» en Catalogne.
Plus royaliste que le roi
Précisément, c’est un vin catalan qui s’impose dans notre dégustation, d’une maison prestigieuse, Torres. Une étiquette centenaire et plus royaliste que le roi : si elle affiche «tempranillo»— montrant par là que le nom du cépage est porteur ! —, la contre-étiquette précise que ce «Coronas» est composé de 86 % du cépage mentionné, complété par 14% de cabernet sauvignon. Rien n’interdit un tel ajout dans d’autres vins, notamment d’indication géographique typique (IGT) que sont les «vinos de la Tierra», tandis que chaque «dénomination d’origine» (DO) espagnole a son propre cahier des charges, plus ou moins sévère. Mais 15% d’un cépage autre que le principal dans un vin tend à se généraliser : l’Union européenne a admis la réciprocité avec les Etats-Unis et le Nouveau Monde ; même la Suisse suit…
En Espagne, deux mouvements s’opposent : dans la Rioja, certains producteurs poussent leurs vins vers le tempranillo «en pureté» (lire l’encadré), à la manière des chiantis toscans 100% sangiovese, tandis que dans le reste de l’Espagne, le cépage est volontiers assemblé à d’autres, plutôt locaux (grenache, mourvèdre) ou internationaux (cabernet sauvignon, syrah). Reste que notre dégustation a retenu des vins qui se réclamaient généralement sur la contre-étiquette «100% tempranillo», à l’exception du vainqueur. Le plus cher, qui était censé être le vin le plus intéressant — il avait remporté, avec le millésime 2003, un «Tempranillo de Oro» à Cologne en 2006 —, le «Portia» 2004, bien fatigué et exagérément boisé, s’est classé dans le peloton de cette «vuelta», ce tour d’Espagne hors Rioja dominé par les IGT.
Trois éliminés sur défaut
La plupart des vins dégustés, compris entre 7 et 10 francs, sont certes bien faits, mais linéaires, avec des arômes flatteurs, une bonne acidité (parfois «aidée» par l’ajout d’acide tartrique à la vendange, procédé trop répandu), et plus maigres qu’élégants en bouche. Avec son étiquette ambigüe, le «Crin Roja», qui joue sur les mots rioja et «crianza» (vin vieilli en fûts), s’en sort champion du rapport qualité-prix. Il est de l’excellent millésime 2005, à l’instar du «Riscal 1860», qui a perdu sur les routes de Castille et Leon le titre de «marquès» de son aîné de la Rioja. Et il ne suffit pas de se réclamer du titre de marquis pour s’élever au rang de grand d’Espagne : la preuve par deux cuvées du même grand producteur, Gandia, mal classées.
Enfin, première dans ce genre de tests, on a renoncé à noter trois vins (un quart des partants !) : deux étaient oxydés, «La Marca» et le «Suarenas», du médiocre millésime 2003, où la canicule n’a pas convenu à l’Espagne. Le dernier cité a sans doute souffert d’écarts de température au stockage : les bouchons des deux flacons achetés étaient colmatés par un épais dépôt… Quant au «Don Luciano» 2004 de la chaîne PAM, à 4,60 fr., il ne figure même pas à notre tableau. Garni d’un bouchon en aggloméré riquiqui, il était bouchonné à 100% et on l’a senti au service, avant de le déguster!
                                                                           Pierre Thomas

Dans la cour des grands d’Espagne

Pour ses 25 ans, l’Institut d’exportation des vins (ICEX) a invité à Madrid, en février dernier, une brochette de journalistes de toute l’Europe. On y était, seul Suisse avec René Gabriel, l’expert-acheteur de Moevenpick. Comme on était à Cologne, aux «Tempranillos al Mundo» en mai 2006, concours qui, après Copenhague et avant Shanghai, a désigné parmi 355 vins son champion du monde, le Pago de los Capellanes Riserva 2002, DO Ribera del Duero.
A Madrid, à noter parmi les réussites, en 100% tempranillo, le Gran Fontal 2001 (DO Mancha – 12 euros), l’Abadia Retuerta Pago Negralada 2003 (VT de Castilla y Leon, propriété de Novartis, 60 euros) et deux vins de Mariano Garcia, l’ex-œnologue du légendaire Vega Sicilia, le San Roman 2003 (DO Toro – 20 euros) et l’Aaltos PS 2001 (DO Ribera del Duero – 60 euros), ainsi que le Pago la Jara 2003 (DO Toro – 34 euros) d’une autre vedette, Telmo Rodriguez. Et parmi les riojas, le Mirto 2004 (30 euros), moins onéreux que les icônes de la même région que sont la Vina El Pison 2004 des Bodegas Artadi (155 euros) ou le Cirsion 2001 des Bodegas Roda (150 euros). Des vins rares mais qui démontrent que l’Espagne a les moyens de ses ambitions. (PTs)

Le jury de TCF
Nathalie Borne, meilleur sommelier romand 2003, Auberge communale d'Aclens
Nicolas Bourrassin, sommelier, Chardonne
Jean Solis, double champion suisse de dégustation, Pully
Frédéric Compain, sommelier, Vétroz (VS)
Pierre Thomas, journaliste spécialisé, www.thomasvino.ch

Le classement des tempranillos de supermarché
1) Coronas 2004, Torres, DO Catalunya; Aligro, 10,80 fr.; 16/20
2) Crin Roja 2005, Bodegas Roqueta, Vino de la Tierra (VT) de Castilla; Denner, 6,95 fr.; 14,2/20
3) Riscal 1860 2005, Biancos de Castilla; VT de Castilla y Leon; Coop, 10,90 fr.; 14,2/20
4) Santerra 2005, Bodegas Murviedro, DO Utile-Requena; HyperCasino, 7,90 fr.; 14/20
5) Rasgon de Maria 2005, Bodegas Rasgon, VT de Castilla; HyperCasino, 6,95 fr.; 13,5/20
6) Portia 2004, Bodegas Portia, DO Ribera del Duero; Aligro, 17,20 fr.; 13,5/20
7) Marquès de Chive 2003, Gandia, DO Utiel-Requena; Aligro, 6,90 fr.; 13/20
8) Fortius 2004, Bodegas Valcarlos, DO Navarra; Aligro, 7,30 fr.; 12,5/20
9) Marquès del Turia 2004, Gandia, DO Utiel-Requena; Coop, 7,50 fr.; 12,5/20
10) Cano 2003, Bodega Vina Bajoz, DO Toro; Denner, 8,95 fr.; 11,5/20
La Marca 2003, Bodegas Castejon, DO Vinos de Madrid, et Suarenas 2003,  DO Cigales, éliminés pour mauvais goût.