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Posted on 11 octobre 2014 in Vins suisses

Domaines Rouvinez, Sierre et Martigny (1 )   L’irrésistible ascension d’une dynastie

Domaines Rouvinez, Sierre et Martigny (1 )
L’irrésistible ascension d’une dynastie

Début septembre 2014, à Berne, les Domaines Rouvinez ont été la première PME romande à recevoir le Family Business Award, un trophée remis par le distributeur d’automobiles Amag, en hommage à son fondateur. La preuve que la famille Rouvinez s’est désormais installée dans le paysage vitivinicole valaisan, dont elle est le principal acteur privé.

Ce trophée tombe au moment où la troisième génération entre en force dans l’entreprise. Mi-août, Frédéric et Philippe Rouvinez, fils de Jean-Bernard, ont orchestré l’inauguration du nouvel espace de vente des Caves Orsat, à Martigny. Leur sœur, Véronique Besson, avait fait le voyage depuis Shanghai, où cette jeune mère de famille, qui a eu son troisième enfant en Chine, accompagne son mari dans un projet industriel jusqu’en automne 2015.

L’origine du premier domaine, à la colline de Géronde, près de Sierre, en 1947, créé par Bernard et Hermine Rouvinez, est modeste. Dès les années 1970, et l’achèvement de leurs études d’œnologie et de viticulture à Changins, leurs fils, Jean-Bernard et Dominique, assureront l’expansion de l’entreprise à un rythme soutenu. Parmi leurs réussites, deux assemblages en blanc et en rouge. Le premier, la Trémaille, et l’autre, le Tourmentin, lancé en 1983, «font le buzz, par leur packaging et le marketing utilisé à l’époque, et sont encore des best-sellers de la maison», explique Philippe Rouvinez. S’y ajoutent, depuis 2011 deux nouveaux assemblages hauts de gamme, «Cœur de Domaines», blanc et rouge, tirés des meilleurs raisins de plusieurs terroirs, non pas élevés en barriques, mais en grands fûts de chêne suisse.

Un portefeuille de domaines

Dès la fin des années 1980, les premiers domaines d’un seul tenant sont achetés, tel le Château Lichten, près de Loèche, en 1990, puis Crêta-Plan, à Sierre, en 1994. Premier président de Vitisswiss, le label de la production intégrée — respectueuse de l’environnement, sans être bio —, Jean-Bernard Rouvinez replante le vignoble de Château Lichten, où il effectue de nombreux essais, comme le goutte-à-goutte à la vigne et l’élimination des herbicides racinaires. Aujourd’hui, parmi les Domaines Rouvinez, quelque 15 hectares sont cultivés en bio pur.

La reprise d’Orsat en 1998 (lire ci-dessous) amène dans la corbeille de la mariée de beaux domaines, comme Montibeux, Ravanay et l’Ardévaz, soit une trentaine d’hectares situés dans les meilleures expositions, entre Leytron et Chamoson. Tous seront replantés en fonction du principe d’«un terroir, un cépage». Au total, les Domaines Rouvinez représentent aujourd’hui 110 hectares de vigne. Les vins qui en sont issus sont vendus dans une gamme propre. Parallèlement, Rouvinez reprend un autre Sierrois, Imesch, dont une partie de la gamme subsiste. Puis Charles Bonvin et Fils, à Sion, qui garde son indépendance (lire ici).

Des activités centralisées à Martigny

A leur zénith, les Caves Orsat, à Martigny, recevaient, chaque année, la vendange de quelque 1800 fournisseurs. Ils sont 1200 aujourd’hui, à périmètre viticole égal, de sorte qu’un kilo de raisin sur dix produit en Valais y est vinifié. La gamme Primus Classicus est restée sous la marque Orsat. La troisième génération des Rouvinez — une famille originaire du val d’Anniviers — est fière d’avoir été choisie, cette année, pour cultiver la vigne de la bourgeoisie de Martigny, qui sera replantée en païen, le savagnin blanc aussi connu en Valais sous son nom alémanique de heida, moins exigeant, en terme de choix d’exposition et de culture, que la petite arvine.

Et que reste-t-il de la petite cave sierroise ? Sur la colline de Géronde, les assemblages de prestige sont encore élevés en barriques et en fûts. C’est là aussi que les Rouvinez reçoivent leurs hôtes, dans des locaux rénovés en 2008. Le tunnel à barriques s’ouvre sur un jardin dominant la ville de Sierre et la plaine du Rhône. Des vignes des fondateurs est toujours tiré un pinot noir.

Une grande entreprise moderne

L’ensemble des activités occupent plus d’une centaine de collaborateurs. «La philosophie est restée la même: terrienne, familiale, qualitative, innovante», explique le dernier arrivé dans l’entreprise l’an passé, Philippe. Au contraire de leur père et de leur oncle, sexagénaires toujours présents, les trois enfants trentenaires de Jean-Bernard ont une formation hors milieu vitivinicole, en sciences économiques, à Saint-Gall, pour Philippe, et à Lausanne, pour Frédéric. Depuis six ans en cave, Véronique Besson-Rouvinez, responsable en œnologie et qualité, est diplômée de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich en sciences alimentaires et a parfait sa formation en œnologie à Changins.

«Les vignes replantées arrivent à l’optimum de leur âge et donnent des raisins pour élaborer les meilleurs vins», se félicite l’œnologue «senior» Dominique Rouvinez. Pour son neveu Philippe, l’un des objectifs est aussi de passer à l’œnotourisme: «Nous devons faire venir les gens sur nos domaines. Nous avons besoin d’ambassadeurs. Nous avons une histoire, qui mérite d’être vue et sue avant d’être bue.»

Sur Internet : www.rouvinez.com et www.cavesorsat.ch

Grandeur et décadence d’Orsat

Ce fut une des plus grandes caves du Valais, dès les années 1920 jusqu’à son effondrement brutal au milieu des années 1980. Fondée en 1874, à Martigny, par Alphonse Orsat, en plus de cultiver ses domaines propres, la cave fonctionna comme une sorte de coopérative, grâce à sa constitution en société anonyme (S.A.) au capital ouvert aux fournisseurs de vendanges. On disait alors d’Orsat, qu’elle était la cave des radicaux, alors que Provins était celle des conservateurs. A la constitution de la coopérative, voulue par le conseiller d’Etat Maurice Troillet, en 1930, Orsat avait déjà la capacité de vinifier 3 millions de litres, soit un quart de la vendange valaisanne d’alors. En 1980, les installations de Martigny, gigantestques, pouvaient en accueillir 8 millions.

Les vendanges pléthoriques de 1982, puis de 1983, conduisirent l’entreprise au bord de la faillite. Après des épisodes d’annonce de reprise rocambolesques, Orsat passa dans les mains des frères Rouvinez en 1998. Derniers descendants dans l’entreprise qu’ils durent quitter au plus fort de la tempête, les frères Jacques-Alphonse et Philippe Orsat réapparaissent alors à la Cave Taillefer SA, à Charrat. Début 2014, ils vendent cette raison sociale, qui s’est muée en Cave Renaissance SA. Cette dernière est présidée par Léo Farquet, qui conduit également Les Fils Maye SA, à Riddes, une cave fondée en 1889, et devenue société anonyme en 1937, toujours en mains des descendants des trois familles à son origine.

©thomasvino.ch