Deux livres sur les vins suisses,
impressionnistes et positifs
L’année 2014 pourrait bien passer pour «horribilis» pour les vins suisses. A deux titres. D’abord, à cause de vendanges «délicates» qui ont exigé une grande vigilance dans la vigne par mauvais temps et en cave désormais. Ensuite par les «affaires» qui secouent le microcosme du vin helvétique. Voici donc deux petits livres (140 et 250 pages) qui mettent, par leur ton résolument enjôlé, un peu de baume sur ces plaies : «Wineglorious !, Switzerland’s Wondrous World of Wines», de la journaliste Ellen Wallace, et «Les Vignerons de «Plaisirs»», du chroniqueur (et notaire urbigène) Philippe Tanner.
Par Pierre Thomas
Ellen Wallace, on la croise, toujours en retard, mais toujours avec une bonne excuse, dans toutes les manifestations et dégustations de Suisse romande. De ces expériences accumulées en quelques années, la bloggeuse, Américaine d’origine, domiciliée entre le Léman et le Valais, en a tiré un petit bouquin astucieusement fait. En anglais et ultra-positif sur les vins suisses dégustés, les cépages (merci au fameux «Wine Grapes» de Jancis Robinson et José Vouillamoz !). Une présentation ludique, qui permet de zapper sur des anecdotes du vin et de l’histoire suisse, et même pour un non-anglophone, d’y prendre plaisir, avec une iconographie souvent insolite.
D’accord, il ne faut pas aller gratter trop loin… Prenez au hasard la double page 102-103. Sous «biodynamic» (en français, on dirait «biodynamie»), «demeter is à swiss biodynamic label» : faux, bien sûr, et la liste des domaines en biodynamie est «very short», sans signaler que Rudolf Steiner, le fondateur de la biodynamie, a fait escale en fin de vie à Dornach, près de Bâle… ce qui pourrait justifier la «suissitude» du label connu à l’international ! Page d’en face, sous «grape varieties», «œil-de-perdrix». Ce serait un vin AOC dans plusieurs cantons… En fait, c’est une définition, reconnue par la Confédération, d’un vin rosé tiré exclusivement du pinot noir, pour lequel, depuis cette année, on tolère légalement un ajout de 10% de vin blanc, alors que les AOC sont, elles, cantonales, au-delà du cadre légal fédéral. On l’a compris : c’est trop compliqué, et pas seulement pour un auteur anglophone, mais pour tout consommateur normalement constitué! Comme de résumer que l’œil-de-perdrix est un rosé de «saignée», ce qu’il peut être, mais aussi de pressurage direct, surtout en 2014, où les conseils œnologiques dispensés en début de vendange ont été de presser rapidement les raisins atteints de la mouche suzukii! 2014, on vous l’a dit, sera une année de rosé, et pas forcément rose!
Disponible (30 CHF) sur http://www.ellen-books.com
Pour juger Philippe Tanner — que je n’ai jamais rencontré… —, il faut éviter de se reporter à la dernière page de son livre où, un rien hirsute, il se cramponne à son verre de vin, en évitant soigneusement de le tenir par le pied… Ce serait faire injure à son talent de portraitiste impressionniste. D’un joli coup de plume, avec parfois quelques effets de manche, tout de même, il brosse les silhouettes de douze vignerons. Il y a les vedettes confirmées, comme les Valaisannes Marie-Thérèse Chappaz, Madeleine Mabillard-Fuchs, les Vaudois Raymond Paccot, Pierre-Luc Leyvraz, et les Tessinois Daniel Huber et Adriano Kaufmann, les irréductibles originaux, comme les Valaisans Didier Joris, Christophe Abbet, le Genevois Stéphane Gros, le Biennois Jean-Daniel Giauque ou le Neuchâtelois Jacques Tatasciore, les Vaudois émergents, comme Philippe Bovet et Guy Cousin, les discrets, comme le Valaisan Jean-Jacques Défayes et l’«effervescent» Jean-Marie Mauler, et les riverains du lac de Neuchâtel, surreprésentés, avec les Neuchâtelois Jean-Pierre Kuntzer, Olivier Brunner et le défunt Vaudois Didier Gaille. Mais cette sélection, qui est davantage un «mix», montre que toutes les régions de Suisse (romande avec la double incursion des deux mousquetaires tessinois) ont quelque chose à dire, en matière de vins. Et si ce sont des vignerons de Plaisirs, avec une majuscule et au pluriel, c’est que ces portraits, illustrés, ont paru dans la revue gastronomique homonyme. Son éditeur, l’Yverdonnais Philippe J. Dubath, les publie à l’enseigne des Nouvelles Editions, et le titre figure aussi au catalogue des Editions Attinger. Ce catalogue promet la livraison offerte, pour toute commande via le site Internet : or donc, le bouquin vaut
39 CHF, via www.editions-attinger.ch
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