20 ans de la Baronnie du Dézaley
Les vertus de l’âge
Tout au long de cette année 2015, les 12 producteurs de la Baronnie du Dézaley, AOC Grand Cru, fêtent leurs vingt ans. Dire que l’âge n’a pas de prise sur le «roi des chasselas» serait une méprise : les «barons» en tirent, au contraire, un argument et revoient régulièrement la cotation des millésimes. Encore faut-il être sensible à ces «vieux millésimes» (lire un avis pour le moins discordant tout en bas…).
On connaît ces tabelles qui n’engagent à rien et distribuent les étoiles à tout va. Les millésimes évoluent. Pour être considéré comme «grand» selon la nomenclature de la Baronnie, présidée par Luc Massy, un millésime doit passer sept ans complet de purgatoire. Or donc, cette année, une petite commission présidée par François Murisier a coté les derniers millésimes, en juin, et en a revu quatre autres. Verdict : le 2006 est laissé au purgatoire et le 2007 jugé à trois étoiles (sur cinq). Quatre vins sont appréciés à l’aveugle, deux choisis parmi les membres du groupement, deux autres parmi les producteurs (ils sont une soixantaine). Soumis à la sagacité de ce jury, 1997 et 1996 ont été confirmés à quatre et trois étoiles. Mais chambardement en remontant le temps : les 1987, gratifiés d’une seule petite étoiles, en gagne une alors que 1986 tombe à trois étoiles. Ces grands millésimes ont droit à une cravate verte autour du col de la bouteille, munie d’un sceau de cire portant l’année.
Lancée à l’initiative de cinq vignerons, la Baronnie, en a réuni neuf à ses débuts en mars 1995, puis est montée à 12 membres aujourd’hui (qui tous ont signé une charte de respect de la tradition). Le nombre tombe pile, puisque que chaque année, la Baronnie propose une caisse du millésime, avec une bouteille de chacun des membres. La 2013 est en vente à 310 francs, et il reste encore des caisses de 2006 (490 fr.), 2005, l’année de la grêle et donc d’une série limitée (660 fr.), 2004 (410 fr.) et 2001 (480 fr.). Les douze producteurs mettent en marché quelque 170’000 bouteilles. Et le stock des millésimes, au-delà des deux plus récentes années, doit avoisiner 30’000 bouteilles, avec une demande accrue ces dernières années, où «les grands millésimes ont largement contribué à l’anoblissement du chasselas».
En remontant le temps, les prix grimpent, passant de 40 francs à 7 – 10 ans et jusqu’à 142 fr. pour les derniers 1982 encore disponibles. S’il faut sept ans pour que les «grands» dézaleys s’expriment, c’est pour que «le fruit, la fraîcheur du vin jeune, cèdent le pas, entre autres, à des notes qualifiées de minérales, de cire d’abeille, de fruits secs, d’amandes, de noisettes.»
Prochaines manifestations : cinq soirs de dégustation, du 29 juin au 3 juillet, au Cercle de la Voile de Moratel-Cully, dès 17 h. (20 francs), proposé par Lambelet et Fils. La Baronnie du Dézaley organise un brunch du 1er août, un samedi, dès 11 h. 30 dans la cour de l’école d’Epesses (40 fr. par adulte, vin non compris), inscription à 20ans@baronnie.ch jusqu’au 20 juillet 2015.
Grands Millésimes de la Baronnie (état 2015)
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1992, 1990, 1983
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2005, 2003, 2000, 1998, 1997, 1995, 1985
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2007, 1999, 1996, 1989, 1986, 1982 (1ère année qualifiée)
Bon pour les «vieux machos»!
Il n’y avait que des hommes à la présentation des «grands» millésimes des barons du Dézaley. Auteure d’un livre récent sur le chasselas, avec comme fil rouge Louis-Philippe Bovard, Chandra Kurt n’était pas présente. Coincidence, dans notre courrier, adressé par la Fédération suisse des aveugles (FSA), on a découvert un texte d’une édition spéciale du magazine Le Menu, sous le titre «Une question d’étiquette». Pas piqué des hannetons!
On cite : «Lorsqu’elles dégustent, les femmes sont beaucoup plus franches que les hommes : elles ont moins de peine à avouer que tel ou tel vin leur plaît moins, indépendamment de l’étiquette. S’ils s’intéressent aussi au goût, les hommes sont également très, voire encore plus, sensibles à l’appellation. Plus un cru est rare, imposant, prestigieux et cher, plus ils lui tressent des louanges. En aucun cas, ils ne reconnaîtront qu’il n’est tout simplement pas bon. La gent masculine défendra donc mordicus ces millésimes de prestige, même s’ils sont inférieurs à un vin complètement inconnu. J’ai pu m’en convaincre moi-même lors de nombreuses dégustations. Pour moi, le statut d’objet culte qu’ont acquis certaines bouteilles dépasse l’entendement. Elles sont ainsi placées sur un piédestal et admirées indépendamment de leur qualité. Or, la plupart des hommes les plébiscitent. (…) Autre spécificité de la clientèle masculine, elle chérit tout particulièrement les vieux millésimes, de préférence d’un château réputé. Peu leur importe que le vin soit déjà légèrement oxydé ou dominé par des notes tertiaires de champignon, de terre, de cuir ou de tabac. Ce qu’elle convoite par-dessus tout, c’est un cru combinant âge vénérable et rareté. Si je puis me permettre de donner un conseil aux lectrices, ce serait de laisser les hommes entre eux lorsqu’ils dégustent des vins. Les femmes, en effet, ont tendance à briser la belle harmonie qui règne dans cette société virile, surtout lorsque ces messieurs ont bu quelques verres.»
Une réécriture de l’improbable proverbe «au royaume des vieux millésimes, les jeunes années sont reines.»
©thomasvino.ch