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Posted on 11 juillet 2016 in Vins européens

Ces portos qui défient le temps

Ces portos qui défient le temps

Une dégustation historique, voilà ce que proposait l’œnologue Bento Amaral de et à l’Institut des vins de Porto, qui vient d’ouvrir une œnothèque dans son «palais» du centre de la deuxième ville du Portugal, où il est possible, depuis l’été dernier, de déguster et d’acheter à emporter sa bouteille de nectar. Les flacons débouchés, fin février 2016, à l’occasion du salon Essenciâ do Vinho, au Palais de la Bourse voisin, étaient exceptionnels.

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On le sait, le monde du porto est un univers en soit, qui défie le temps. «Combien de vins au monde possèdent une telle persistance?», a lancé Bento Amaral. La quintessence du porto est incontestablement le «tawny». Le plus souvent, il est la signature de son éleveur. 90% de la mise en marché du porto se concentre sur ces grandes caves et leurs quelque 150 marques, dont les entrepôts de vieillissement sont à Vila Nova de Gaia, en face de la vieille ville de Porto.

Une des plus anciennes AOC du monde

En huit exemples, on est remonté de 150 ans, jusqu’au milieu du 19ème siècle. L’existence de la région de production du Porto, dans la vallée du Douro, est plus ancienne, puisqu’elle partage avec le Chianti (300 ans cette année !) et Tokay, en Hongrie, le record de longévité d’une délimitation d’appellation contrôlée.

Le porto, vin muté à l’alcool, et surtout dans sa version d’ oxydation ménagée par une lente maturation en fûts de chêne, sur le modèle de la «solera» (une pyramide de fûts d’années diverses), est, par définition, extrêmement complexe. Ainsi, un «simple» tawny totalise 5 à 7 ans de fûts ; les 10, 20, 30 ou 40 ans, un élevage moyen équivalent. Les plus remarquables peuvent être millésimés sous le nom de «Colheita». A ne pas confondre, toutefois, avec le porto millésimé, appelé «Vintage» qui, lui, n’aura passé que deux ans en fûts avant d’être mis en bouteille et qui, s’il se conserve longtemps, doit être bu rapidement, car non protégé de l’oxydation.

Colheitas hors du temps

Une dégustation de vieux tawnies ne ressemble donc à rien de connu. Sur le Noval Colheita 1937, le plus «jeune» dégusté ce jour-là, l’intensité, l’acidité et l’acidité volatile, forment un tiercé commun à tous les vieux tawnies. Suivait un «ovni», un Kopke Colheita 1935, un rare porto blanc, aux arômes de fleur d’oranger, avant de revenir à une essence d’une grande puissance, aux arômes de figue et de curry — marque du sotolon, commun au vin jaune du Jura et au Jérez —, d’une interminable longueur.

Le 5 G du metteur en marché Wine and Soul, daté de 1890, sans certitude, offrait un nez de cèdre, de pain d’épices, et même de «crème brûlée aux fruits rouges». Le Porto muito velho d’Agri Roncâo, probablement de 1885, provenant d’un «fût perdu», s’est avéré suave, opulent, sur des arômes de sucre brûlé et de moka, d’une stupéfiante complexité.

Aucune date pour le Bulas, sinon la notion de «very old», pour ce numéro 8 parmi 200 flacons dûment numérotés, au nez d’écorce d’orange, de bois de cade, avec des notes persistantes de cacao. Le Tributa Adelaide de Vallado, 1866, affichait la plus haute acidité, frisant les 10%, pour une des plus volumineuses liqueurs (près de 300 g/litre de sucre résiduel), un vin voluptueux et fringant à la fois. Enfin, de Nieppoort, un VV very old tawny de 1863, élevé longuement en fûts de châtaignier, au nez profond d’elixir d’herbes médicinales, aux goûts de chocolat à la menthe, de camphre et de poivre.

Jaime Costa et le coffret collector des tawnies 10, 20, 30 40 ans de Vasques de Carvalho.

Jaime Costa et le coffret collector des tawnies 10, 20, 30 40 ans de Vasques de Carvalho.

L’exercice, unique, incite à la méditation. Sur le marché, des tawnies de 40 ans (de Calem ou de la nouvelle maison à suivre de près, Vasques de Carvalho en photo l’oenologue Jaime Costa, longtemps chez Burmester et nommé «winemaker» des vins fortifiés en 2005 ) ou des «colheitas» plus «jeunes», comme le Kopke Colheita 1966, le Burmeister Colheita 1952 ou l’exceptionnel Barros 1938, sélectionnés tout au long de l’année 2015 par le magazine Wine, «valent le détour», comme dit Bibendum.

©thomasvino.ch