Deux salons de vins de part et d’autre de Lausanne? Intenable!
18’000 visiteurs d’un côté, pour 135 exposants, sous tente, à Morges, il y a trois semaines, au salon Divinum. 16’500 visiteurs officiellement annoncés, de l’autre côté, pour 200 exposants, au Centre des Congrès de Montreux, ces derniers jours, au salon Arvinis. Les organisateurs des deux manifestations positivent. Mais l’avis de certains exposants est tranché : il n’y a pas de place pour deux salons. Pire : l’agglomération lausannoise fait barrage entre les deux «zones de chalandise».
Par Pierre Thomas
«Morges est au cœur d’une région viticole et les gens de la région, plus ceux de La Côte jusqu’à Genève, se sont volontiers déplacés. Il y avait une bonne ambiance, conviviale, à Morges. C’était plus local, plus paysan et les gens venaient avec leur cœur. Et leur porte-monnaie: ils ont acheté, aussi», explique un producteur tessinois, qui a tenu personnellement son stand dans les deux salons. Un autre Tessinois renchérit : «L’an passé, j’avais déjà réalisé 60% de mes commandes à Morges, où ma clientèle était habituée à me rencontrer puisque Arvinis s’y est déroulé durant plus de vingt ans, et 40% à Montreux. Cette année, je compte 80% de commandes à Divinum pour seulement 20% à Montreux.»
Déguster plutôt qu’acheter
Et le premier ajoute : «Ici, à Montreux, les gens paient leur entrée pour déguster le plus possible. Beaucoup parlent anglais. Mais je n’ai jamais réussi à vendre une seule bouteille à un visiteur anglophone», confie le producteur italophone.
Autre avis d’un petit producteur valaisan, qui n’a jamais exposé à Morges :«Montreux est mal placée : les gens de la région ont tous des chalets en Valais et passent acheter leur vin directement à la cave.» Et celui d’un exposant, de vins italiens cette fois : «On avait fait l’impasse sur Arvinis à Morges et on est revenus à Montreux. Mais comme nous sommes basés dans l’ouest lausannois, notre clientèle n’est pas venue en masse. Malgré les avis positifs de plusieurs sommeliers qui nous ont amené du monde au stand, nous n’avons pas vraiment rencontré de visiteurs intéressés à acheter, plutôt des curieux, tout heureux d’un apéro à gogo pour 15 francs (prix de l’entrée avec rabais sur invitation).»
Payer le double pour vendre autant
On l’oublie un peu, mais ces deux événements sont, pour les exposants, avant tout des manifestations commerciales. Et le sentiment qui prévaut, c’est que ces deux salons de vins obligent les exposants qui font les deux, à payer le double d’espace aux organisateurs, à y consacrer le double de temps, avec le double de personnel, pour un chiffre d’affaires global égal à un seul salon qui ferait le plein de clients potentiels.
Le sentiment que l’agglomération lausannoise coupe en deux la zone de chalandise domine aussi… La balance penche plutôt vers l’ouest de Lausanne, et donc vers Morges. Autre «détail» qui compte : s’il était aussi facile de se rendre en train dans les deux villes, avec un léger avantage à Morges, cette dernière offrait de nombreuses places de parc gratuites pour les voitures.
Montreux peut-elle renverser la vapeur ?
Cette année, Divinum a bénéficié d’être le premier salon inscrit dans le calendrier. L’an prochain, ce sera l’inverse, Arvinis, à Montreux, du 3 au 8 avril 2019, précèdera Divinum, à Morges, du 24 au 29 avril, alors que les «caves ouvertes» vaudoises, traditionnellement à Pentecôte, seront placées plus tard, autour du 10 juin (contre du 18 au 20 mai cette année).
Les organisateurs des deux salons, qui se regardent en chiens de faïence, affirment que leur manifestation aura lieu aux dates prévues en 2019. L’année suivante, en 2020, Arvinis et Divinum annoncent leur salon aux mêmes dates : obligation de choix assurée pour les exposants et… le public ! La défection de l’un ou l’autre exposants ou «parrains» institutionnels, et notamment vaudois et valaisans, scellera, alors, le sort du lieu d’un salon printanier à l’ouest ou l’est de Lausanne. Morges, fort d’une «tradition»établie sur un quart de siècle et du soutien massif des vignerons de sa région, tiendra-t-elle la corde ? Ou Montreux arrivera-t-elle à reprendre la main ? Les organisateurs eux-mêmes ne sont pas maîtres de leur sort : le public, et plus encore les chalands, et par contre-coup les exposants, décideront pour eux.
Reste une autre carte à jouer : agender l’un des deux salons en automne, après les vendanges. Morges, plus éloignée de Bulle et de son Salon des goûts et terroirs (cette année, du 31 octobre au 4 novembre), où le rayon vins prend de l’importance, pourrait être plus adéquate que Montreux et son grand «marché de Noël» le long des quais, qui fait déjà le plein durant un mois, du 22 novembre au 24 décembre.
Mais Morges, jusqu’à ce jour, n’a pas l’intention de plier. L’organisateur y bénéficie de l’adage «qui va à la chasse perd sa place»: le nouveau venu depuis deux ans, Divinum, recueille les dividendes de celui, Arvinis, qui a choisi de quitter le lieu après vingt éditions…
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