Lancement des «grands sites du goût» suisses
Faire de la Suisse une «destination gourmande» à travers des «grands sites du goût», tel est l’objectif d’un projet de la Fondation suisse pour la promotion du goût. Elle se donne trois ans pour réunir 25 destinations, en collaboration avec les instances suisses, cantonales et régionales du tourisme.
Le projet a été mitonné par Sylvain Gaildraud, 58 ans, un «monteur de projets», qui a travaillé, par le passé, sur mandat pour des associations de développement régionales vaudoises. Il est soutenu par le fonds du Secrétariat fédéral à l’économie (Seco) appelé Innotour, pour lequel les Chambres fédérales ont débloqué 30 millions de francs pour la période 2016 à 2019.
L’ossature du projet a été présentée le 8 mai, à Lausanne. Le projet répond au besoin de promouvoir une Suisse gourmande, une forme de «swisslifestyle», résume son concepteur. Pour obtenir ce résultat, il s’agira de fédérer les partenaires d’un projet commun et de diriger les touristes-consommateurs vers des «territoires à déguster». Et il faudra convaincre les acteurs dans le terrain, autour de lieux, de produits typiques et d’offre touristiques, qui seront recensées sur un site Internet dédié, une plate-forme avec des liens informatiques renvoyant chez les participants.
En France depuis 25 ans
Le projet n’est pas unique au monde… Il reprend même une idée française, concrétisée en 1995 par une liste de «100 sites remarquables du goût», arrêtée par divers ministères. Aujourd’hui, 71 sites ont adhéré à une association nationale et ses membres peuvent se prévaloir d’utiliser la marque collective, à condition de respecter une charte. Ce texte énumère les critères à respecter : un produit emblématique du terroir, qui valorise un patrimoine sur le plan environnement et architectural, un accueil du public permettant de faire connaître les liens entre le produit, le patrimoine culturel, les paysages et les hommes (selon Wikipedia). Les marais salants de Guérande, l’huître de Cancale, l’ail rose de Lautrec, la truffe de Richerenche, l’anis de Flavigny, le safran du Quercy, et des lieux vinicoles emblématiques, Beaumes-de-Venise (muscat) et de la Champagne, Epernay et Les Riceys (pour son rosé) en font partie.
Absinthe, sel des Alpes, truffes…
En Suisse, les truffes de Grandson (VD), l’absinthe du Val-de-Travers (NE), le fromage du val d’Entremont (VS), le sel des Alpes du Chablais (VD), la damassine d’Ajoie (JU) ou la tête-de-moine de Bellelay (JB), sont les premiers sur la liste… Deux projets, l’absinthe du Val-de-Travers, en collaboration avec Pontarlier (qui n’est pas site remarquable du goût au sens où l’entend la France), et le fromage à raclette d’Entremont, au cœur du pays du Mont-Blanc, ouvert sur la France et l’Italie, sont transfrontaliers. «Dans tous les cas, observe Sylvain Gaildraud, ces produits régionaux phares se sont dotés d’une maison, comme celle des terroirs à Grandson (réd. : un projet auquel il avait participé à l’époque…) ou le nouveau musée suisse des fruits et de la distillation O Vergers du Jura, et sa collection d’alambics, à Porrentruy».
Les vins pourrait suivre rapidement, cépage par cépage, avec le Merlot du Tessin, hébergé depuis deux ans dans la «Casa del Vino Ticino», à Balerna, et la chartreuse d’Ittingen, en Thurgovie, qui produit ses propres vins (sur 10 hectares), fromages et confitures. Autre réseau mis en place récemment en Suisse, «Les plus beaux villages de Suisse», fondé en 2015 à Lugano, associée depuis deux ans à l’association internationale «Les plus beaux villages de la Terre», qui a édité un livre avec la maison Art & Culture, à Crissier (VD). Ce printemps, l’association comptait 36 villages, dont 17 en Suisse romande, 5 en Suisse italienne et 14 en Suisse alémanique.
Un réseau attaché à la Fondation du Goût ?
Reste à donner un cadre «légal» au projet, dont la concrétisation devrait s’étaler sur les trois prochaines années. Une association nationale, comme en France ? Ou plutôt, l’affiliation, selon un statut à définir, à la Fondation pour la promotion du Goût. C’est elle qui chapeaute pour l’instant la Semaine suisse du goût, du 12 au 22 septembre 2019, avec pour Montreux comme «ville suisse du goût». Mais, avec ses nombreux partenaires qui sont déjà dans le domaine, comme Gastro Suisse et Gastro Vaud, elle pourrait devenir le chapeau de toutes les activités suisses autour du goût. Ce regroupement permettrait aussi de donner de l’étoffe à une fondation dont le conseil est présidé par le Genevois Robert Cramer, et dirigée par le Lausannois Josef Zisyadis. L’ancien conseiller d’Etat genevois (65 ans), et conseiller aux Etats jusqu’à cet automne, et le fondateur vaudois de la Semaine du Goût (63 ans), atteignent tous les deux l’âge de la retraite, même s’ils sont toujours aux fourchettes, pardon, aux manettes…
Sur le net :
Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo, le 8 mai 2019.