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Posted on 13 novembre 2019 in Vins suisses

Vin suisse : contre la crise, une campagne de promo !

Vin suisse : contre la crise, une campagne de promo !

Des stocks importants, une consommation en baisse et la réduction des quotas (vaudois et valaisans) mettent à mal la production vitivinicole suisse. Une campagne de promotion de plusieurs millions de francs, étalée sur deux ans, démarre, sous le contrôle de Swiss Wine Promotion. Elle vise d’abord les grandes surfaces, où 60% des vins suisses s’écoulent.

Par Pierre Thomas

Il suffirait de deux bouteilles de vin suisse achetées en plus pour que la situation se rétablisse, a-t-on entendu à Bex, le jeudi 7 novembre 2019, lors des assises de la Fédération vaudoise des vignerons, particulièrement courues cette année. Y compris par des jeunes producteurs qui menacent de se mobiliser et de marcher sur Berne, début décembre… «N’effrayons pas le consommateur, ne le dressons pas contre nous, mais mettons-le de notre côté !», a-t-on également entendu.

Et c’est bien par des stands, des dégustations, une meilleure mise en valeur des vins suisses, en les regroupant sous un slogan : «Swiss Wine, sans hésiter», que Swiss Wine Promotion entend faire progresser la consommation de vins suisses. La consommation elle-même, même si elle régresse inexorablement de 1,5% par année, reste très haute : avec 32 litres par tête, la Suisse est le quatrième plus gros consommateur au monde. Mais la part des vins indigènes a reculé ces cinq dernières années, à 36,6% selon les statistiques 2018.

Les vignerons pointent du doigt les petites récoltes, particulièrement 2015 et 2017 (79 millions de litres, la plus basse de l’histoire, pour une consommation moyenne de 90 millions de litre par an de vins suisses), qui ont détourné les grandes surfaces des vins suisses. Avec l’arrivée des vins de 2018, pourtant d’excellente qualité, de gros volume, les stocks ont augmenté. La grande distribution n’a pas racheté ou alors au fur et à mesure.

A la veille des vendanges 2019, des grandes caves ont renoncé à prendre en charge la vinification de raisins de certains de leurs fournisseurs. La crise est là, même si elle n’est pas chiffrée ! «Bien que la consommation de vin suisse ait augmenté en 2018, elle est restée bien en dessous de la récolte de 2018. Cette dernière était supérieure de 12,6 % à la moyenne. Même si elle s’annonce comme moins abondante que la précédente, la récolte de 2019 devrait se situer légèrement au-dessus de la consommation annuelle de vins suisses», souligne Berne dans une communication de fin novembre 2019.

Une aide d’urgence hors budget

D’ordinaire, la Confédération met à disposition de Swiss Wine Promotion trois millions de francs pour des projets cofinancés à 50% par la branche vitivinicole et à 50% par la Confédération (3,2 mios pour 2019). Pour cette «action d’urgence» déclenchée aujourd’hui, après une rencontre fin septembre chez le ministre de l’économie, le conseiller fédéral, ex-paysan-viticulteur vaudois, Guy Parmelin, plusieurs millions seront mis à disposition, hors budget.

D’ores et déjà, Coop, Denner (Migros), Spahr et Landi se sont montré disposés à favoriser les vins suisses par des actions ciblées, coordonnées par Swiss Wine Promotion. Cet office national de promotion des vins vient d’être repris par l’ancien conseiller aux Etats genevois Robert Cramer, qui connaît bien la situation viticole, et un nouveau directeur, le Vaudois Nicolas Joss. Pour ce dernier, il s’agit de montrer que «la Suisse est fière de son vignoble et de ses vins». Il en appelle à la «cohésion nationale» et conclut : «boire du viun suisse est un geste concret pour la planète», allusion au «circuit court» qui permet à la plupart des consommateurs suisses d’aller chez le producteur, et à la «vague verte» dans les rues et au Parlement.

Il n’empêche, 60% des vins s’achètent en supermarché, le plus souvent lors d’«actions», des promotions sur des prix plus ou moins «cassés». Il sera du reste intéressant de vérifier si la GD brade les vins, eux-mêmes fournis pour déstocker les caves, entraînant alors une spirale perverse de pression à la baisse sur les vins suisses.

Les projets soumis à SWP concerneront aussi la gastronomie, via des opérations orchestrées par les associations faîtière, tel Gastrosuisse. «Devoir décider sur chaque projet imaginé par chaque distributeur serait ingérable», explique Nicolas Joss. Qui n’articule pas de chiffres sur l’enveloppe que Berne est prête à mettre à disposition, entre octobre 2019 et fin 2020, sur 15 mois : le travail se fait au coup par coup… Selon des estimations, la somme supplémentaire mise à disposition pourrait atteindre les 3 millions de francs, soit autant que le budget mis à disposition de SWP.

A noter qu’en France, une loi sur la promotion des produits frappe directement les champagnes, qui ne peuvent plus être proposés à prix cassés en supermarché!

Impossible de bloquer l’importation

La veille (6.11.19), le Conseil fédéral avait répondu, une fois de plus, qu’il n’est pas question de réduire le «contingent tarifaire» d’importation de vins étrangers, fixé à 170 millions de litres indifféremment en blanc ou en rouge. Depuis 2001, ce contingent n’a jamais été épuisé. Le Conseil fédéral estime que «la sensibilisation du consommateur aux richesses de la vitiviniculture suisse peut entraîner une augmentation des ventes de vin suisse et que ce potentiel peut encore être mieux exploité».

La Fédération suisse des vignerons, présidée par le conseiller national vaudois Frédéric Borloz,  soutient la demande des conseillers d’Etat romands d’inclure dans le contingent de 170 millions de litres les mousseux (soit 20 millions de l.). Toutefois, ces vins effervescents paient une taxe spéciale, qui tomberait s’ils sont intégrés dans le contingent tarifaire… La FSV veut aussi intervenir pour que Berne limite à nouveau l’importation en franchise (sans droit de douane) de vin à 2 litres (et non à 5 litres, comme depuis quatre ans).

La production, notamment vaudoise, plaide aussi pour une «réserve climatique», soit la possibilité de récolter davantage sur une année, à l’intérieur des quotas fédéraux, et de pouvoir libérer cette quantité sur le marché dans un délai de trois ans. Il faut une base légale fédérale pour ce faire et les vignerons ne l’ont pas encore obtenue. Avec quatre petites années sur six, même cette «réserve climatique» n’aurait pas suffi, estime M. Borloz.

Les Vaudois ne veulent pas, non plus, de désengagement de l’Etat dans le système des AOC. On savait déjà que Berne avait renoncé au nouveau système des AOP-IGP : ce projet, a été retiré du message sur la politique agricole 2022 +, qui sera discuté par le Parlement nouvellement élu dès le printemps prochain. Reste que les vignerons suisses doivent se préparer à ce dossier qui les divise: ils ont notamment émis un catalogue de conditions difficilement compatibles avec un nouveau système

Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 13.11.2019, complété le 28.11.19.

©thomasvino.ch