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Posted on 27 septembre 2020 in Vins suisses

«Supervalaisan», une revanche en (grand) or!

«Supervalaisan», une revanche en (grand) or!

Au pays de la dôle (naguère pinot-gamay et qui évolue vers d’autres cépages, par conséquent indéfinissables…), l’assemblage rouge «haut de gamme» est à la mode. On les appelle les «supervalaisans», par analogie avec les «supertoscans». Celui du vigneron-encaveur Dominique Giroud, 50 ans l’an prochain, vient de décrocher une des 79 grandes médailles d’or au Concours Mondial de Bruxelles 2020 (statistiques ici), à Brno, pour le 2016 et une d’or pour le 2015. Le vin suisse le mieux noté de cette édition, en grand or, est le pur merlot tessinois Il Querceto 2016, de Terreni alla Maggia, à Ascona. Dégustation de l’assemblage valaisan.

Par Pierre Thomas

Grâce à Marc Comina, le communicateur de l’encaveur sédunois, j’ai pu déguster quatre millésimes de ce vin, le 2011, le 2012, le 2015 et le 2016, appréciés le matin, puis repris le soir, après aération. Le 2011 avait été lancé lors d’un grand événement mondain, avant que le nom de l’encaveur soit au cœur d’un feuilleton médiatique, sur lequel on ne reviendra pas ici. Juste avant, en 2013, feu L’Hebdo l’avait promu au cercle du Forum des 100. Aujourd’hui, «ce grand or, c’est une belle revanche pour Dominique Giroud!», se félicite Marc Comina.

Assemblage de cabernet sauvignon, de cabernet franc, de syrah, d’humagne rouge, de cornalin et de merlot — selon les dispositions légales suisses, les cépages, s’ils sont mentionnés, doivent l’être dans l’ordre décroissant de leur présence dans le vin… —, ce 2011, aujourd’hui, paraît avoir atteint son apogée : légers reflets bruns, nez boisé et mentholé, attaque sur un peu d’amertume, milieu de bouche pas très structuré, astringent en finale, avec une note d’amertume ; un vin encore «tendu» par le cabernet sauvignon, mais qui s’effiloche, avec un boisé trop marqué… (88/100, aujourd’hui).

Le 2012 offre à l’oeil une robe dense, et paraît non-filtré ; nez de fruits très mûrs, avec une note d’oxydation et de vieux rhum, puis de cuir et de tabac ; attaque sur une matière très mûre, confiturée, avec des notes d’encens, de créosote ; riche, avec une note de sucrosité, mais tanins secs en finale. Un style «exotique» (85/100), qu’on retrouve parfois dans des vins de l’Europe de l’Est (Bulgarie, Moldavie) pour un assemblage de cabernet sauvignon, de cornalin, de merlot et de syrah.

Le 2015, lui, n’annonce que du merlot associé à du cabernet franc (60%-40%) : belle robe foncée, reflets violacés ; le nez est discret, mais complexe, avec des notes florales, puis de graphite et d’encre ; attaque sèche, milieu de bouche structuré, finale sur la réglisse ; un vin puissant, jeune encore, aux tanins avec une pointe de verdeur, pour une finale légèrement astringente… (90/100).

Enfin, le 2016: grande médaille d’or du CMB 2020, pour ce mariage de merlot (50%), de cabernet sauvignon (30%) et de syrah (20%). Robe profonde, à reflets violacés ; le nez est ouvert, flatteur, avec des notes florales de violette, puis de poivre, qu’on retrouve à l’attaque en bouche ; tanins plus fins que sur les trois autres millésimes, jeunes et fermes, serrés ; notes de moka ; long en bouche, bien balancé entre l’acidité et les tanins (95/100), et promis à un bel avenir (de plus de dix ans). Et parfaitement buvable le lendemain, après aération…

Des conseils bordelais

Cet assemblage rouge Constellation (baptisé ainsi depuis le millésime 2012) a bénéficié des conseils suivis de l’œnologue Steve Blais, qui a travaillé vingt ans avec Michel Rolland (jusqu’en 2019)* à Bordeaux.

Si la quantité mise sur le marché (les bouteilles sont bien numérotées, mais sans révéler le nombre total du lot!), comme le «dosage» exact des cépages des premières cuvées, sont tenus par le «secret des affaires» (affirme l’encaveur: ponctuation d’ironie…), on sait que chaque cépage est vinifié séparément, élevé en barriques de chêne français une quinzaine de mois, puis assemblé sur les conseils de l’œnologue bordelais, qui se déplace en principe quatre fois par an à Sion. L’idée est d’exprimer le meilleur de chaque millésime en Valais. Il ne devrait pas y avoir de 2017, mais un 2018, en cours d’élevage.

Chaque année, l’étiquette est dessinée par un artiste et la cuvée est «choisie» par un jury d’invités, sous la conduite d’une vedette, Gérard Depardieu pour le 2015, Alain Delon pour le 2016. Son prix? 82 francs sur le site Internet de Château Constellation.

Quant à la difficulté de créer un assemblage rouge, meilleur reflet du millésime, on a pu la constater, en Valais, avec Electus, inégal d’un millésime à l’autre, davantage que sur le Clos Tsampéhro et ses cuvées numérotées en chiffres romains.

Enfin, parmi ces assemblages rouges, on peut citer en Valais, à Chamoson, Modus Vivendi de Meinrad Gaillard, Ophiucus, de Didier Joris, à Flanthey, le Clos Tsampéhro, à Fully le Grain Noir de Marie-Thérèse Chappaz, à Salquenen le Follissimo de Diego Mathier, le Kuonen One, et une cuvée anniversaire, signés Larissa Kuonen, à Sierre, divers vins de Jacques Perrin chez Maurice Zufferey, Le Tourmentin et Cœur de Domaines, chez Rouvinez et à Sion la Cuvée 1858, de Bonvin, Electus et le Clos Corbassières de Provins, le Château Constellation, sans oublier le nouvel assemblage rouge Château Mont-d’Or 2018, présenté par le Domaine du Mont-d’Or (Schenk) début novembre 2020… Plusieurs obtiennent des médailles d’or dans les concours nationaux (il y a une catégorie spécifique pour les assemblages, rouges ou blancs, au Grand Prix du Vin Suisse) et internationaux. Mais pas à la Sélection des vins du Valais, qui les exclut, préférant mettre l’accent sur les cépages purs et autochtones ou assimilés, en plus de la dôle traditionnelle, que les grands encaveurs veulent voir évoluer vers un vin rouge valaisan générique.

* A propos des activité de Michel Rolland, né le 24 décembre 1947, le magazine Terre de vins expliquait récemment, en mai 2020, que l’œnologue vedette a conservé 40% du capital de son laboratoire, avec son épouse Dany et sa fille Stéphanie (toutes deux œnologues). Cette dernière est cogérante de «Michel Rolland et associés», avec Julien Viaud, qui représente les autres collaborateurs associés (lui-même, Jean-Philippe Fort et Mikael Laizet), majoritaires à 60%.

©thomasvino.ch