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Posted on 9 juillet 2022 in Tendance

Viticulture vaudoise : un plan de relance quinquennal décidé !

Viticulture vaudoise : un plan de relance quinquennal décidé !

Après plusieurs années difficiles pour la production viticole en Suisse et dans le canton de Vaud, en lien avec les aléas climatiques et une situation du marché tendue, un plan de relance structurel du secteur a été élaboré de concert entre les services de l’Etat de Vaud en charge de la viticulture et la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), a annoncé l’Etat de Vaud, le 7 juillet 2022.

Un maillot jaune dans le Dézaley, pour le passage du peloton du Tour de France, dimanche 10 juillet, sur la Corniche. (photo Lavaux Patrimoine mondial)

Par Pierre Thomas

Le communiqué précise que «ce nouvel élan de soutien à la vitiviniculture vaudoise a été validé lors de la dernière séance du Conseil d’Etat de la législature écoulée et permettra de déployer progressivement d’ici à 2027 des mesures de soutien à la production, à la protection de l’environnement et à la promotion.» Avec la double casquette de ministre des finances et de l’agriculture, le nouvelle conseillère d’Etat du Centre Valérie Dittli rencontrera « prochainement les responsables concernés afin d’évaluer les options retenues et d’étudier conjointement leur mise en œuvre.»

Le dossier a été préparé par le ministre de l’agriculture sortant, Philippe Leuba, la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV) et la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV). Ces partenaires ont élaboré un plan de relance pour les cinq prochaines années qui se décline sur trois axes: le premier concerne la production et la maîtrise de l’offre, le second vise la protection de l’environnement par des techniques plus écologiques. Le dernier axe porte «sur un renforcement de la promotion et de la communication afin d’améliorer encore la notoriété des vins vaudois.»

Trois millions débloqués

Des mesures seront introduites progressivement et des moyens financiers seront mis à disposition du secteur vitivinicole. La mise en œuvre de ce plan est prévue en trois phases qui se déploieront jusqu’en 2027. La première phase prévue jusqu’à la fin 2023 est dotée pour l’année en cours d’un soutien de 3,15 millions de francs pour les trois axes. Ce soutien est financé d’une part par le budget ordinaire de la DGAV et prélevé d’autre part sur un fonds de l’Etat. L’engagement de chacune des phases s’appuiera sur un bilan de situation soumis au Conseil d’Etat, engagement conditionné par l’accord formel de la CIVV et impliquant une large adhésion de l’ensemble de la branche.

Pour le magazine Le Guillon de cet été, nous avion rencontré Olivier Mark, le nouveau président de la CIVV.

Un président au tournant

Après trois ans de pandémie, à la sortie d’un millésime (2021) historiquement peu productif, le nouveau président de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), Olivier Mark, est attendu sur «un plan de relance» de la vitiviniculture, élaboré avec le Canton… qui a pris congé, en juin, du ministre de tutelle du secteur, Philippe Leuba.

Sa désignation, fin 2020, avait surpris : jusqu’ici présidée par un homme du sérail, en alternance selon les «familles», l’interprofession vitivinicole vaudoise se donnait comme président un économiste d’entreprise indépendant, de Montreux, Olivier Mark. «On voulait quelqu’un avec un regard extérieur», après le long bail de Gilles Cornut, directeur technique de la Cave de La Côte, à Tolochenaz.

Une vision pragmatique

A bientôt 58 ans (aux prochaines vendanges), le président de JardinSuisse depuis 2009, est au tournant de ce premier mandat, qui représente 15% de ses activités : « J’ai été nommé parce que les gens attendait une action de ma part. Tout le monde est suspendu à des résultats, sachant que tout projet engendre de l’espoir et de l’énergie.» Lui qui a plusieurs fois participé aux ressats du Château de Chillon, et devrait être intronisé à la Confrérie du Guillon cet automne, dit de son nouveau biotope : «Je peux m’identifier à eux. Je suis proche de la terre. Je connais la sécurité que peuvent apporter les saisons, mais aussi les tensions économiques. Je partage vraiment quelque chose avec les vignerons. Et je n’ai jamais autant bu avec plaisir du vin vaudois que maintenant où je connais les gens.»

Malgré la pandémie, le président de la CIVV a pris son bâton de pèlerin pour aller à la rencontre, «pas toujours en suivant le canevas hiérarchique», de nombreux acteurs d’un milieu économique «très hétérogène». Pas facile dans cette vitiviniculture qui n’aime pas être bousculée et où «qui ne dit mot consent» est la règle, quoique même parfois… «Mon assurance-vie, c’est la transparence !», assure ce self-made man, d’abord horticulteur, puis chef d’entreprise horticole dans le Chablais, qui subit de plein fouet la libéralisation  — et la mondialisation — du marché des fleurs coupées, il y a quinze ans, avant de se former comme économiste d’entreprise, spécialisé dans la gestion de la qualité et les stratégies de management. «Cultiver un rosier ou un cep, c’est la même chose. Mais la comparaison s’arrête là.» Pourtant, le «challenge fondamental reste de valoriser le travail», reprend-il devant un verre de chasselas.

Intérêt général et concurrence

Encore faut-il, dans un monde partagé entre petits et grands acteurs, tous concurrents, peu ou prou, faire comprendre «que ce qui peut profiter à votre voisin ne vous fait pas forcément du tort».

Ministre sortant, Philippe Leuba avait exigé de la CIVV qu’elle fournisse « un plan de stratégie qui crée de la valeur sur la durée », pour s’assurer du soutien administratif et financier du Canton. La CIVV a remis au ministre un catalogue de 27 mesures, en automne 2021. Ce dossier a été ensuite travaillé en collaboration avec la Direction générale de l’agriculture, de la viticulture et des affaires vétérinaires (DGAV) et les hauts fonctionnaires Frédéric Brand et Olivier Viret et le nouveau directeur général (depuis septembre 2021), Pascal Hottinger. Un trio passé par des secteurs professionnels différents : l’administration fédérale pour le premier, Changins pour le deuxième et Nespresso pour le troisième.

Début avril, au moment de cet entretien, le projet s’articulait sur trois axes, avec des objectifs clairs. D’abord, la viticulture «veut maîtriser sa production, innover et valoriser le terroir grâce à des appellations transparentes». Y parvenir peut passer par plusieurs mesures : la reprise du dossier des AOP – IGP (modifiant les AOC), la réduction «des surfaces inappropriées» du vignoble et l’utilisation du raisin en-dehors du vin. Ensuite, «la viticulture veut réduire son impact environnemental tout au long de la filière». Cela signifie la réduction des produits phytosanitaires, mais aussi moins d’énergie de la vigne à la cave, et l’encouragement du «circuit court» dans la distribution. Enfin, «la viticulture se rapproche des clients et les fidélise grâce à une promotion fédératrice et des infrastructures adaptée». Cette «promotion est soutenue par des infrastructures physiques et virtuelles permettant un accueil optimal de la clientèle.»

Une plate-forme Internet sur orbite

Cela peut paraître de belles paroles… mais ce dernier chapitre, par exemple, est déjà entré dans le concret. L’Office des vins vaudois (OVV) développe avec des partenaires vaudois une plate-forme Internet de visibilité immédiate et de mise à disposition rapide des vins. Le projet, annoncé pour cette année 2022, pose — évidemment ! — les délicates questions de concurrence entre caves, grandes ou petites, et, plus prosaïquement, de logistique pour l’acheminement et la distribution des vins. L’idée fondamentale, résume Olivier Mark, est de mettre en valeur le vignoble vaudois en formant du personnel dans le terrain, en favorisant l’œnotourisme, en proposant une formule de dégustation pour faire découvrir plusieurs vins par thèmes (cépages, régions, mode de vinification, etc.), puis en fidélisant le client en l’informant régulièrement sur les vins vaudois, par des moyens que les outils informatiques facilitent.

Un accord… durable

Ce «plan de relance», prévu pour cinq ans, devrait être scellé par un partenariat entre le Canton et la CIVV, sous forme d’une convention appuyée sur des textes législatifs à modifier. A la clé, le financement ciblé des mesures par l’Etat, en tenant compte de la taxe dévolue à l’Office des vins vaudois et de moyens financiers incitatifs.

Olivier Mark, qui n’a pas été élu ce printemps au Grand Conseil où il s’était présenté sur une liste radicale, avait milité contre les initiatives anti-pesticides, rejetées par le peuple suisse en juin 2021. Il précise aujourd’hui : «Je comprends la nécessité de la réduction de la charge environnementale et les désirs des consommateurs pour des produits sains et qui impactent le moins possible l’environnement. Le vignoble vaudois est un patrimoine, à la valeur paysagère, certes, mais surtout profondément identitaire. S’il venait à disparaître, c’est l’identité du pays qui ficherait le camp.»

©thomasvino.ch