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Posted on 17 novembre 2022 in les5duvin

Un rare cépage blanc qui franchit les Alpes

Un rare cépage blanc qui franchit les Alpes

Ma chronique hebdomadaire du 17 novembre 2022 sur le blog les5duvin, qui reprend les propos de ma colonne dans encore!, parue le 13 novembre.

A noter que Sacha Pelossi sera à Festivins, à Belfaux (FR), ce week-end , 19 et 20 novembre (www.festivins.ch).

Sauf chez les Romains, jusqu’au 19ème siècle, on mentionnait peu les cépages, se contentant, au mieux de blanc et de rouge. Dans son livre «Cépages suisses, histoires et origines» (paru chez Favre, 2017), le généticien de la vigne, José Vouillamoz, en cite treize reconnus comme «patrimoniaux» et propres à la Suisse. Onze blancs, et deux rouges seulement, à partir de 1313 et un manuscrit du Val d’Anniviers (Valais). Juste après, apparaît dans les archives de l’évêché de Coire, le completer, qui fait son grand retour dans le vignoble suisse.

Son nom vient des «complies», les dernières prières de la journée. L’automne passé, le généticien de la vigne avait organisé un «sommet» pour le 700ème anniversaire du cépage, au Château de Reichnau (GR). A cette occasion, on avait pu déguster diverses expressions de ce vin blanc, flatteur et bien structuré dans sa jeunesse, qui, grâce à son acidité, «tient» dans le temps, voire s’améliore, ou du moins s’exprime sous un nouveau jour. Sa rareté (un peu moins de 10 hectares en production) fait aussi que chaque vinificateur l’interprète à sa façon…

De La Côte vaudoise en passant par Zurich, le Valais et la Vallée d’Aoste, on rencontre désormais le completer un peu partout. Des pionniers l’avaient déjà implanté au Tessin. Sacha Pelossi, vigneron-encaveur de 54 ans, formé à Changins, puis au service du Fribourgeois Meinrad Perler au Sud du Tessin, avant de se mettre à son compte en 2010, en a fait planter mille pieds par le viticulteur Nevio Poli, au pied du Monte San Giorgio, sur terrain calcaire, au bord du lac de Lugano, d’où son nom «Vigna al Lago».

Le deuxième millésime (2021) vient d’être mis en bouteille (900 flacons), après un élevage d’un an en barriques usagées. Il en résulte un vin d’une belle densité, gras, aux notes balsamiques, puissant et souple à la fois, avec une finale sur le zeste de citron confit.

Récolté en même temps que le merlot, soit après les autres blancs plantés au Tessin, le completer supporte une certaine surmaturité : «On le cueille quand il flétrit, quand il «caille», comme on dit en Valais», explique le vigneron luganais. Le cépage se justifie d’autant que le Dr Vouillamoz a démontré que si le completer est orphelin de père et de mère (comme le chasselas !), il a une prolifique descendance. Au Tessin, croisé à la bondola locale (signalée en 1785), il a engendré la bondoletta (identifiée en 1989), deux rouges indigènes plus rustiques que leur géniteur blanc et que l’encaveur luganais tient en piètre estime…

(photo ©Martine Dutruit) 

©thomasvino.ch