Pages Menu
Categories Menu

Posted on 13 décembre 2023 in Tendance

Mi-bière mi-vin, sacré saké !

Mi-bière mi-vin, sacré saké !

C’est une boisson emblématique du Japon : à base de riz, fermenté dans des brasseries par des toji, un peu comme une bière, le saké n’est pas un spiritueux, mais se rapproche du vin. Sa «philosophie», avec des variétés de riz comme cépage et des origines géographiques, en fait un «produit du terroir» au sens où on l’entend en Europe : on l’appelle du reste communément «vin de riz».

Encore mal connu, titrant un peu plus d’alcool que le vin, il commence à être prisé des sommeliers et des cuisiniers, pour accompagner des plats. Chez emons : (à Cologne), Chloé Cazaux Grandpierre vient de publier «111 sakés à ne pas manquer».

Comme le veut la collection, sur deux pages sont présentés par le texte et la photo un choix de breuvages. Les anecdotes fourmillent sur l’origine et la fabrications du produit, au Japon et dans le reste du monde. Les flacons sont présentés dans un environnement japonisant par le photographe Patrick Herreyre, qui a grandi à Bordeaux, mais a vécu au Japon.

Peut-être que si je n’avais pas dû, au moment du Covid, livrer une vingtaine de bouteilles pour mon propre livre, «111 vins suisses à ne pas manquer», les «111 sakés» n’auraient-ils pas vu le jour… La livraison s’est faite à Luxembourg, où avait lieu, en quatre sessions, le Concours Mondial de Bruxelles 2021, où j’ai rencontré Chloé Cazaux, dégustatrice de vin (elle a passé le diplôme WSET 3 et fait partie de l’Union de la sommellerie française depuis 2016) . J’avais appris qu’elle était passionnée par les sakés, pour lesquels, cette Bordelaise, qui a vécu douze ans à Tahiti, a eu le coup de foudre à Vinexpo en 2013. Elle est même devenue rapidement la première femme éducatrice de saké en France. Je l’ai donc présentée à mon éditrice d’emons:, Audrey Hocheder. Et deux ans plus tard, le livre vient de sortir de presse…

Du saké sur table à Lausanne

D’emblée, Lausanne est présents, dans le texte numéro 1, où l’on apprend que dans son restaurant du Beau-Rivage Palace (fermé pour rénovation complète jusqu’à mi-avril prochain), la cheffe Anne-Sophie Pic marie le nihonshu Akashi-tai, un junmai daiginjo genshu à un homard bleu rôti au beurre de crustacé et pêche blanche et amande… Pouce ! Et départ au glossaire, en fin d’ouvrage, qui explique que ninonshu veut dire «alcool japonais», junmai signifie que le saké est pur et sans additif (de l’alcool distillé), daiginjo (riz poli à 50%) est le stade supérieur du ginjo (riz poli à 40%) soit un saké plus délicat et plus complexe que le honjozo (riz poli à 30%). Le choix de la variété de riz et son polissage est une opération capitale pour la qualité du saké… Et la mention genshu atteste que le liquide n’a pas été réduit avec de l’eau, après filtration…

Manque à ce stade, peut-être, le degré d’alcool, qui varie entre 14% et 16% en général, dans une échelle bien plus ouverte, de 5% à 19% d’alcool. Mais, en quelques lignes, on devine déjà la complexité du monde su saké, qui se retrouve dans ses goûts, sa puissance, sa longueur en bouche… et dans les 111 textes, où le no 3 dévoile un breuvage élaboré selon la méthode kimoto, soit la méthode héritée du 18ème siècle, de fermentation alcoolique spontanée, où il faut écraser les grains de riz dans un processus lent, au contraire de la méthode yamahai où le riz n’est pas écrasé et où les levures peuvent être ajoutées pour faire démarrer la fermentation…

Des sakés non-japonais aussi

Mais il n’y a pas de saké que du Japon ! L’entrée no 5 proclame en titre et sous-titre : «Arizona Sake, le meilleur saké du monde produit en-dehors du Japon». Ou le no 58, «Le Vent», mélange de «saké français et de savoir-faire nippon», produit dans la région… du Condrieu, où l’on apprend que son géniteur aime les kansake, les sakés chauds. La température de service fraîche (autour de 10-15 degrés) convient bien aux breuvages légers, servis en été, tandis qu’en hiver, les sakés plus structurés s’accommodent de 20 et 35 degrés, voire bien au-delà, un mode de dégustation que certains Japonais réhabilitent, tordant le cou au cliché de cet alcool (souvent de bas de gamme…) servi tiède après un plat de sushis…

Car les sakés, comme on l’a vu avec Anne-Sophie Pic, peuvent accompagner de nombreux mets non seulement asiatiques, mais occidentaux, comme certains fruits de mer, des fromages à pâte dure (comme le parmesan), voire la truffe, sur fond d’umami, la cinquième saveur japonaise, obtenue notamment par ajout de glutamate, à côté du quatuor occidental, acide, amer, salé, sucré, et même, atteindre le kokumi, ce «goût riche» et complexe, acmé d’une complexité longuement mitonnée.

Et pour qui voudrait plonger dans le monde fascinant du saké, sur les traces d’un photographe suisse, Mathieu Zellweger, signalons le splendide album, à la formidable mise en page «Secrets de riz et d’eau, les artisans du saké», où on suit pas à pas l’élaboration du breuvage nippon. (www.tillschaapedition.ch, 160 pages, 70 illustration, relié à la chinoise, 85 fr. — L’auteur expose ses œuvres récentes à la Galerie de la Cathédrale, à Fribourg, jusqu’au 23 décembre 2023).

Le saké? Un boom (aussi) en Suisse !

En chute libre dans son pays d’origine, entre 1990 et 2010, «attaqué» par de nouveaux modes de consommation de la bière, des vins (d’abord français), et des autres alcools (whisky), le saké remonte la pente au Japon et, surtout, à l’exportation. Selon les chiffres du site de la JSS, l’association du saké et du sochu japonais, les exportations ont doublé vers la Suisse entre 2021 et 2022, passant de 71’000 à 141’000 litres, et de 67 à 106 millions de yens (soit 636’000 francs).

La Suisse ne fait pas partie des 15 plus gros importateurs, emmenés par la Chine et l’Asie d’une part, et par les Etats-Unis et le Canada, d’autre part. L’exportation en volume représente tout de même le tiers de la France (427’000 litres, qui pointe au 14ème rang)) ou de l’Italie (494’000 litres, 13ème, mais de moindre valeur que pour la France, 12ème du classement).

111 lieux à ne pas manquer : Fribourg après Lausanne

Chez emons:, on signalera encore le livre sur «111 gins à ne pas manquer», rédigé par le journaliste de Cologne Jens Dreisbach (qui a rédigé aussi «111 cocktails à ne pas manquer»), illustré par Tobias Fassbinder (qui a réalisé les photos des vins suisses).

Et dans la foulée, si l’on peut dire, de «111 lieux à Lausanne à ne pas manquer», que j’ai co-signé avec mes amis Uli Doepper et Michel Zendali, avec des photos de Martine Dutruit, voici Fribourg au portillon, par Tatjana Erard, «fille de la Basse-Ville», qui avait publié un livre sur l’animateur populaire Hubert Audriaz, «l’enfant libre» en 2010, «Méandres» en 2016, une vingtaine de portraits et «Inspiration» en 2019, sur Emmanuel Schmutz.

Tatjana Erard signe aussi 106 des 111 photos. Il me semble toutefois que la date du carnaval, alignée sur le 11.11, est celle de Cologne et non celle des Bolzes, qui décompte les jours qui restent jusqu’en février sur son site internet officiel (www.carnavaldesbolzes.ch). Une fantaisie de la correction ?

Pierre Thomas

©thomasvino.ch