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Posted on 9 décembre 2024 in Carte Postale

Carte postale de Toscane: dans les pas d’un «sangiovèsiste»

Carte postale de Toscane: dans les pas d’un «sangiovèsiste»

Je ne vis plus les vendanges chaque année depuis qu’avec des amis, nous avons renoncé à notre domaine (des As) dans le Sud de la France. Mais cet automne, à fin septembre, j’ai fait une exception : j’ai cueilli quelques grappes d’un magnifique sangiovese, au cœur de la Toscane, dans une des propriétés récentes de Frescobaldi. Qui y produit la Grande Selezione Rialzi.

Deux grandes familles viticoles ont pignon sur rue depuis bientôt un millénaire à Florence, les Antinori et les Frescobaldi. Les premiers sont installés solidement dans le Chianti Classico, le cœur des collines toscanes, même si, pendant quelques années, ils ont fait bande à part, tandis que les seconds ont dû attendre 2014 pour mettre pied sur le domaine de la Tenuta Perano, près de Gaiole, sur les «strade bianche» chères aux cyclistes, professionnels ou touristes.

La famille a d’abord loué les vignes, puis les a achetées en 2017 à la faveur d’une vente au tribunal à la suite d’une faillite. Sur les 390 hectares, il y a des bosquets, 10 ha d’oliviers — on n’est pas Toscan si on ne produit pas sa propre huile… Et 90 ha de vignes, dans trois «amphithéâtres» pentus et orientés différemment, entre 500 et 600 m. d’altitude, sur des schistes argileux, l’«alberese» (ou «galestro»), qui ne craignent pas la sècheresse. Ici, il n’est pas nécessaire d’irriguer ces ceps, en majorité de sangiovese, à 85%, complété par du merlot et un demi-hectare de cabernet sauvignon.

Une grande sélection en pur sangiovese

A côté de la cave, modernisée, les 3 ha de sangiovese, orientés sud-ouest, sont destinés en «purezza» à la Grande Selezione Rialzi. On laisse deux rameaux sur les ceps, avec une vendange verte à fin août, pour un rendement limité de 30 à 40 quintaux par hectare (un bon tiers de moins que pour les autres vins du domaine).

Le paysage, son cadre arborisé, sous un ciel plombé par de gros nuages gris, est saisissant… Mais c’est dans le verre que s’apprécie le nectar, en mini-verticale historique, de 2015 à 2020. Si Frescobaldi a repris les vignes en 2014, cette année-là, le vin de Perano ne fut pas mis en bouteille, mais écoulé en vrac. Le premier millésime est donc 2015, une année magnifique, au contraire de 2014…. Sur place, une œnologue sarde, Maria Lucia Puggioni, veille sur la cuverie et les travaux courants, sauf la mise en bouteille, faite, par dérogation de la DOCG, au siège de la maison. C’est le réputé œnologue Nicola d’Afflito, formé à Bordeaux il y a plus de trente ans, qui dicte la ligne des vins. Pour ce «sangiovèsiste», «le fil rouge est le terroir et le vin est l’ambassadeur du millésime».

Des millésimes bien marqués

Et c’est vrai qu’à la dégustation, malgré une vinification classique et un élevage de deux ans en barriques neuves de chêne français, de deux tonneliers, complété par un an en cave, chaque année est bien marquée par ses caractéristiques propres. Dès le 2015, moins structuré que les suivants, les fruits rouges et une note balsamique, plus ou moins marquée selon l’âge et l’évolution, s’imposent, avec, toujours, une belle acidité, qui assure fraîcheur au vin, malgré l’alcool (on est autour de 14%). J’ai bien aimé le 2016, avec une pointe de végétal, des notes de mines de crayon et une légère amertume. Ce graphite, on le retrouve dans le 2017, plus tanique et plus puissant, ferme et d’une belle persistance. Le 2018 m’est paru plus chaud, un peu plus boisé aussi, alors que le 2019 se révèle puissant, sur des tanins compacts, et des notes de cerise noire. Le plus jeune, le 2020, sous son nez profond, est bien balancé entre des tanins fins et l’acidité, déjà drapé dans l’élégance, plutôt que montrant de la puissance.

De Florence à la Maremma

La Tenuta Perano, qui produit aussi un chianti classico et un riserva (élevé 24 mois en grands fûts), ajoute un joyau aux quelque 1300 hectares (20 millions de bouteilles par an) répartis dans les collines fiorentines (l’historique Tenuta Castiglioni), les deux monopoles que sont les Castello Pomino et Nippozano, Montalcino (Castelgioconde), Montepulciano (Calimaia), la Maremma (Ammiraglia), auxquels on peut ajouter Ornellaia, à Bolgheri. Sans compter les huiles d’olive, les pâtes et l’œnotourisme : si Frescobaldi a renoncé à acquérir l’imposant Castello di Perano, un restaurant a été aménagé à l’entrée du domaine, distinct du chai. Plats typiques et dégustation des vins au programme, bien sûr !

Texte et photos (sauf 1 et 4), Pierre Thomas, automne 2024

©thomasvino.ch