AOC vaudoises : en gros, rien ne change !
La Commission interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV) vient de publier un fascicule sur «Les AOC vaudoises de demain». Eh bien, elles ressembleront à celles d’aujourd’hui… si le Conseil d’Etat le veut bien. Et pour l’essentiel, contraires aux règles AOC de l’Union européennes, à laquelle la Suisse devrait rester liée par un accord bilatéral. La pyramide AOC a accouché d’une souris 1er Grand Cru… qui pourraient disparaître.

Dessin de Chapatte en une du Temps du samedi 22 mars 2025, qui annonce que la ministre des finances vaudoises Valérie Dittli se fait retirer les finances.
Par Pierre Thomas
Après avoir présenté sa pyramide en 4 étages, le papier titre «les opportunités d’une modernisation du règlement», avec, au point un : «préserver les acquis en maintenant les principales règles en vigueur pour les appellations régionales — en particulier le 60% – 40% — sous lesquelles une part significative de la production cantonale est valorisée». Le gros de l’enjeu est dit dans cette seule phrase. On y ajoute le fait que ces 60% de raisins récoltés sur un lieu de production (celui qui est mentionné sur l’étiquette, donc !) et de 40% de raisins provenant d’un autre lieu de production de la même région (également mentionnée sur l’étiquette) peut encore être coupé par 10% de vins vaudois répondant aux critères de l’AOC régionale. Comme aujourd’hui et comme nulle part en Suisse ou en Europe en AOC…
Grand Cru renforcé
Ce qui change, toutefois, ce sont les exigences de l’AOC grand cru, réservée aux vins secs (jusqu’à 4 grammes par litre de sucre résiduel), qui doivent provenir à 100% d’un seul lieu de production, et doivent être vinifiés et conditionnés en bouteilles en verre dans le canton de Vaud, avec obligatoirement l’indication du millésime. Ces vins, en fait des «appellations village», auxquelles s’ajoutent les AOC Calamin et Dézaley, seront soumis à une «dégustation d’agrément», ce qui est nouveau. Reste à savoir si ce renforcement de la législation grand cru ne conduira pas à produire davantage de vin assemblés et coupés selon les largesses de l’AOC régionale…
Le MCR bon pour l’Escargot et les 1ers Grand Crus aux oubliettes?
Pour l’AOC Vaud (générique), la gazéification des vins mousseux est autorisée, mais seuls les effervescents en méthode dite traditionnelle et en cuve close peuvent porter l’AOC régionale. L’usage des copeaux ou des morceaux de chêne est autorisée «pour tous les vins de l’AOC Vaud» et le canton peut autoriser l’édulcoration de ces vins (par moût concentré rectifié, MCR). Ce sera sans doute bénéfique à cette hérésie vaudoise qu’est le vin rouge de la marque collective Escargot… Sans oublier les 10% de vin rouge suisse autorisé à titre de « coupage origine ».
Enfin, au sommet de la pyramide, la réforme(tte) ne touche pas les conditions des premiers grands crus… Mais, selon certaines sources, ces 1ers grands crus bien esseulés pourraient purement et simplement passer à l’as! Trop cher à mettre en place et à remettre en cause à chaque millésime, par des dégustations probatoires.
Des cépages sur trois étages
La liste des cépages autorisés est adaptée aux trois étages de la pyramide (hormis les 1ers GC).
En AOC Grand Cru, seul le chasselas est autorisé, et, en rouge, pinot noir (et Servagnin), galotta, gamaret, gamay (et Plant Robert), garanoir et merlot. Les vignerons qui font du viognier et de la syrah, comme ceux qui font de la mondeuse, sont fort fâchés!
Les autres cépages blancs les plus répandus s’ajoutent au chasselas en AOC région. Y compris les «robustes» divona et le souvignier gris, comme en rouge, les ancelotta, cabernello, cornarello, dakapo, divico, gamarello, merello, nerolo, en plus des cabernets (dorsa, franc, sauvignon), carminoir, mara, mondeuse et syrah (ces deux relégués en ligue régionale).
D’autres cépages blancs, comme l’aligoté, l’auxerrois, la marsanne, le sémillon et les muscats sont relégués en AOC Vaud, comme les rouges malbec, cabernet Jura et noir, trousseau, regent et les emprunts valaisans cornalin et humagne rouge.
Des assemblages sont possibles à hauteur de 15% de cépages autres que mentionnés sur l’étiquette — et 10% pour le chasselas — et d’un étage supérieur à un inférieur dans la liste. Une clause plus restrictive (5%) est réservée à des cépages «en expérimentation» qui, après 15 ans au plus, seront «intégrés à la liste AOC Vaud ou exclus de la possibilité d’être vinifiés sous appellation».
Reste à savoir si le Conseil d’Etat vaudois «validera» ces propositions de l’interprofession ou demandera un effort supplémentaire en contre-partie d’un plan de relance viticinicole déjà entamé. Et qui devait confirmer des ambitions, déçues!
©thomasvino.ch