AOC: Féchy sème le petchi
L’«Association de propriétaires de vignes de Féchy» ne veut pas entendre parler du nouveau système des AOC vaudoises. Elle a trouvé un député (libéral) pour intervenir au Grand Conseil vaudois. Et elle a fait envoyer par le biais d’une agence de relations publiques une quinzaine de pages d’argumentaire.
Par Pierre Thomas
Arguments principaux de cette opposition de principe déjà connue? L’aire de l’AOC Féchy pourrait passer de 178 à 368 hectares et le projet prévoit «une extension des AOC à haut potentiel commercial à des vins dont les lieux de production ne permettent pas d’en bénéficier.» Rien que de très louable, à priori. Sauf que… s’il y a une «AOC à haut potentiel commercial» qui bénéficie déjà de l’apport des autres «lieux de production» du cœur de La Côte, c’est bien Féchy!
Selon l’article 12 du règlement du 19 juin 1985 sur les appellations d’origine des vins vaudois, «a droit à l’appellation d’un des dix lieux de production (Aubonne, Perroy, Féchy, Mont-sur-Rolle, Tartegnin, Coteau de Vincy, Bursins, Vinzel, Luins, Begnins) le vin récolté en majeure partie (au moins 51%) sur l’un de ces lieux de production, et pour le reste sur l’un ou plusieurs des neuf autres». Le lieu de production Féchy s’étend sur les communes de Féchy et de Bougy-Villars, sur une partie de Perroy, et en Curzille, sur Aubonne, selon une délimitation par des ruisseaux, contenue dans le même texte.
Féchy, champion du 49-51%
La quarantaine de vignerons qui se répartissent les 178 hectares de vignoble, ont donc largement bénéficié du 49-51%, Féchy répondant à l’image d’une «AOC à haut potentiel commercial» déjà mise largement en valeur sur le marché.
En clair, ses 178 ha actuels sont — théoriquement et légalement — complétés par l’apport de vendange venu de 171 ha (soit 349 ha au total) dispersés entre Aubonne et Begnins, à quoi s’ajoutent les 10% de coupage autorisé par des blancs vaudois AOC (l’équivalent de 35 ha de rab’ achetés au prix plancher et revendus au prix du Féchy !). 95% du vin produit par l’AOC est du chasselas, soit 1,4 million de litres en 2008, qui sont sans doute un bon million de plus (soit 2,5 mios) à se retrouver sur le marché, si l’on déduit les petits vignerons-encaveurs limités dans leurs achats (2'000 litres de vin). Ces derniers ne profitent pas de cette généreuse loi, sur laquelle le tribunal des instances européennes de Luxembourg a mis le doigt.
De tout cela, ni l’argumentaire (dénonçant un «manque de transparence pour le consommateur»… dans la nouvelle législation !), ni l’interpellation du député, ne parlent. Et c’est bien pour dissiper cette hypocrisie que le projet de modification des AOC vaudoises a été mis en chantier.
Une pyramide complexe
La nouvelle pyramide vaudoise répond d’abord à une vision économique, le vin restant un produit. A Lavaux, la négociation régionale pourrait aboutir à un système complexe : pour bénéficier d’un coupage entre vins de tout Lavaux (de Pully à Vevey) de 15%, à quoi s’ajouterait l’ouillage-coupage maintenu à 10%, les vins pourraient conserver un déterminant local en complément du régional (exemple : Lavaux-Epesses).
Au niveau intermédiaire, l’AOC Epesses récupérerait Villette, et l’AOC Saint-Saphorin, Chardonne, tandis que les AOC Lutry et Vevey-Montreux demeureraient.
Au niveau supérieur, les vins portant le nom d’une commune seraient promus Grand Cru (avec ou sans coupage à hauteur de 10%), comme Dézaley et Calamin (déjà grands crus selon la législation). Enfin, dans un futur plus ou moins proche, des domaines ou châteaux, satisfaisant à des critères plus sévères, auraient accès au rang suprême de «premier grand cru».
C’est le dossier chaud qui devrait aboutir pour les vendanges 2009. A moins que Féchy déclenche une réaction en chaîne de Bex ou Yvorne (AOC Aigle) au Vully (AOC Vully).
@www.thomasvino.com/18.12.08
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