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Posted on 18 avril 2009 in Tendance

Oenotourisme en Beaujolais

Oenotourisme en Beaujolais

Le Beaujolais
par vignes et par Vaux

Balade dans le Beaujolais en crise d’identité. Une virée écrite à l’occasion de la venue de certains crus du Beaujolais à Arvinis (à Morges alors) en avril 2009. Et réactualisé en septembre 2017, pour signaler la vente du Château de La Chaize au groupe lyonnais Maïa, de la famille Gruy, qui a l’intention de passer tout ce grand domaine en bio… d’ici 15 ans!
Pierre Thomas
de retour de Villefranche-sur-Saône
Pour beaucoup, le Beaujolais, c’est cet horizon à peine plus haut que la barrière de l’autoroute, sur les 60 kilomètres entre Mâcon et Lyon. Circulez, il n’y a rien à boire!
Et pourtant, ce qu’on appelle l’«œnotourisme», le Beaujolais le pratique comme Monsieur Jourdain faisait de la prose — sans le savoir. «Il y a ici une qualité de paysages magnifique. Côté nature, comme côté patrimoine bâti, avec une centaine de châteaux. Et une tradition de convivialité plus proche de l’Alsace que de la Bourgogne, plus renfermée», confie Fabien Vignal. Ce jeune Ardèchois, marié à une Haut-Valaisanne de souche, a été chargé par Inter-Beaujolais, d’organiser une nouvelle «route des vins». Un guide recensant une centaine d’adresses sera en ligne dès mai sur www.beaujolais.com. Toutes concernent des vignerons : caves ouvertes, tables et chambres d’hôtes.
Entre mâchon et bonnes tables
On y est allé en reconnaissance, par vignes et par Vaux — avec une majuscule. Ce village, à une quinzaine de kilomètres de Villefranche-sur-Saône, est plus connu sous le nom de Clochemerle. Mais qui lit encore le roman de Gabriel Chevallier, narrant les querelles villageoises entre clocher et pissotière? Au caveau des vignerons et son comptoir en cuivre, le temps s’est arrêté vers 1935. Les dessins de Dufour imagent l’histoire et on lève le coude, le samedi soir… Juste à côté, à la suite d’un traiteur qui régalait en «lyonnaiseries» les fêtes de village, un jeune couple a repris l’Auberge de Clochemerle. Il y sert une cuisine imaginative.
Voilà le paradoxe du Beaujolais d’aujourd’hui. Il joue sur deux tableaux, saucisson et mâchon (casse-croûte), d’un côté, cuisine raffinée de l’autre. Même chose pour les vins. La révolution est en marche, de la vigne au verre. Et il ne faut pas se fier aux apparences : ces ceps chenus à ras la terre ocre, si poétiques à l’œil, sont à l’origine des vins les moins naturels… Désormais, le vigneron redresse les branches, tendues sur fil en cordon permanent, pour laisser la place à l’herbe et éviter les traitements chimiques inutiles.
On dirait le Sud
Dans le sud, Pierre-Marie Chermette n’est, à dire vrai, guère optimiste. Il s’apprête à envoyer son fils à Changins ou à Lyon, étudier viti-œno. Mais quant à l’avenir… Dans l’arrière-pays lyonnais, il plante du viognier, après du chardonnay. Des cépages blancs, là où le gamay reste le seul cépage autorisé pour les douze appellations du Beaujolais (simple, villages, et les dix crus). Une partie du blanc devient du «Crémant de Bourgogne». «Les jeunes aiment les bulles, les blancs fruités et le rosé», constate le vigneron, attaché à son Pays des Pierres Dorées.
On le comprend : la campagne alentour prend des teintes chaleureuses, entre Piémont et Toscane, quand le soleil la caresse, dans la brume du matin… A Oingt, le bourg a mis dix ans pour se placer parmi les 150 plus beaux villages de France. Perché sur sa colline, il a ripoliné ses façades en pierre aussi jaune que le calcaire de Neuchâtel. De la terrasse du restaurant Le Donjon, la vue s’étend loin à la ronde. On discerne, ça et là, dans le patchwork printanier des vignes pas encore feuillues et des prairies vert tendre, des carrés en friche. En dix ans, le Beaujolais a perdu 10% de sa surface viticole ; 2’000 hectares arrachés ou abandonnés, soit l’équivalent de La Côte vaudoise. Mais nombreux sont ceux qui s’accrochent et veulent redonner de la gaieté au gamay pur jus : sous la bannière d’«Expressions d’origine», ils seront à Arvinis, à Morges, du 22 au 27 avril 2009.
Sur le renouveau du Beaujolais, lire aussi le blog de Jacques Perrin (16 avril 2009)

Cinq suggestions en Beaujolais
Manger
Auberge surprise

Romain Barthe s’est installé dans cette «Auberge de Clochemerle», il y a deux ans, avec Delphine Cretin. Le jeune couple (à peine trentenaire) a travaillé chez Didier de Courten, à Corin, puis au Terminus à Sierre. Les compositions du chef surprennent par leur légèreté, ponctuée d’épices bien choisies. La patronne, qui fut sommelier à Sierre, sélectionne les meilleurs beaujolais, mais aussi des flacons épatants hors région. Sept chambres. Une très bonne adresse (menu Plaisir, 45 euros, chambre, 75 euros).
Auberge de Clochemerle, Vaux-en-Beaujolais, tél. 0033 474 03 20 16
www.aubergedeclochemerle.fr
Déguster
Beaujolais vrais

Pierre-Marie Chermette, sosie de Gérard Jugnot, signe quelques uns des meilleurs beaujolais actuels. Sept vins, du Beaujolais-Villages Cuvée Tradition 2008 au Moulin-à-Vent 2007, gourmands, épicés et bien bâtis sur leur colonne vertébrale d’acidité. Basé dans le sud, le vigneron a pu racheter des vignes dans les crus du nord (Brouilly, Fleurie et Moulin-à-Vent). Ses vins sont importés par Jean Solis, à Pully, qui élabore sur place la cuvée dite «primeur», et par Divo, à Penthalaz. Membre d’«Expressions d’origine».
Domaine du Vissoux, Saint-Vérand, tél. 0033 474 71 79 42
www.chermette.fr
Se loger
Chambres au vert

Entre grands arbres du parc et vignes: la Cadolle de Palladio se révèle insolite, au calme entre Régnié et Morgon. Avec sa colonnade, la vaste bâtisse pourrait être italienne (de Palladio). Et une «cadolle» est ce que les Vaudois nomment une capite, et les Valaisans, une guérite. Aux trois chambres d’hôtes, dans un ancien chais, va s’ajouter d’ici l’été un appartement. Petit-déjeuner dans le salon aux papiers peints aux paysages alpestres. Accueil chaleureux du jeune couple propriétaire (85 euros la nuit).
La Cadolle de Palladio, Vernus, Régnié-Durette, tél. 0033 474 04 36 16
www.alaclairmaison.fr
Visiter
Vastes chais

Si le Château de La Chaize ne se visite pas, le cuvage, ses cuves en inox et ses grands fûts en chêne, sous la charpente de 1772, valent le coup d’œil. Fondé en 1670 par le sénéchal de Lyon François de la Chaize d’Aix, le domaine a toujours été aux mains de la famille. Le château et ses jardins, dus à l’architecte et au jardinier de Versailles, Jules-Hardouin Mansart et André Le Nôtre, est classé monument historique depuis 1972. Bras droit de la marquise de Roussy de Sale, le régisseur du domaine, Mme Raymonde Martray, fait déguster les vins, importés en Suisse Hammel SA, à Rolle. Son fils aîné, Laurent, est un des sept métayers du domaine de 99 hectares (membre d’«Expressions d’origine») : il reçoit en liquide la moitié du produit des vignes qu’il cultive et signe une élégante «Cuvée Corentin».
Vérifier si les caves sont encore à visiter: le château et le domaine ont été vendus, en automne 2017, au groupe immobilier et hôtelier lyonnais Maïa (dont le patron est Christophe Gruy). 
Château de La Chaize, Odenas, tél. 0033 474 03 41 05
www.chateaudelachaize.com
Se promener
A travers le vignoble

Entre Villefranche-sur-Saône, sa Rue Nationale animée et ses arrière-cours, et Vaux-Clochemerle, Salles-Aubuissonnas, comme plusieurs villages, offre des itinéraires pédestres dans les vignes. A partir du bourg, construit au-dessus de l’église d’un prieuré clunysien, au clocher emblématique, des parcours de quatre, trois ou deux heures de marche entre vignes et forêts. Des sentiers balisés «les caudalies» : le terme exprime, en secondes, la longueur d’un vin en bouche. Exercice pratique dans un des domaines ou caveaux du Beaujolais…
Infos touristiques
www.beaujolais.com
Y aller de Lausanne ou Genève
Sans voiture, difficile de sillonner le Beaujolais. De Lausanne à Villefranche-sur-Saône, compter 233 km, sans sortir de l’autoroute (A 40, puis A 42, et A 6 ; 16,40 euros de péage). Sinon, quitter la A 42 à la sortie no 8 et prendre la D 904 par Chalamont et Villars-les-Dombes. Retour par la A 40 de Mâcon, via Bourg-en-Bresse. Le TGV Genève-Paris s’arrête à Mâcon-Loché, mais seulement l’après-midi (départ 16 h. 14 de Genève). Au retour, à 16 h. 43 ou 20 h. 46 en gare de Mâcon-Loché.

Paru dans le quotidien 24 Heures du samedi 17 avril 2009