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Posted on 29 mai 2009 in Récemment dégusté

Vaud — Nouveau règlement AOC adopté

Vaud — Nouveau règlement AOC adopté

Règlement sur les vins vaudois
L'Etat met de l'eau dans son vin

Adopté par le Conseil d’Etat vaudois le 27 mai 2009, le «règlement sur les vins vaudois» (no 916.125.2) a été publié dans la Feuille des Avis officiels (FAO) le vendredi 5 juin alors qu’il est entré en vigueur le 1er juin, conformément aux vœux de Berne. En consacrant le 60 – 40% pour les «lieux de production» à l’intérieur de six AOC régionales, le Conseil d’Etat a «retoqué» la plupart des oppositions formulées par des groupes d’intérêts.
Par Pierre Thomas

Fédéralisme d’abord, libéralisme ensuite! Le règlement vaudois permet de nombreuses interprétations. Le législateur s’est même réservé une porte de sortie dans le 60ème et antépénultième article : «Dans les cas exceptionnels, les mentions conformes aux dispositions de l’ancien droit et qui ont fait l’objet d’un long usage paisible (…) peuvent subsister». Qui va décider de ce «long usage paisible»?
Ce qui est sûr, c’est que la discussion, après la proposition faite à la commission de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), fut loin d’être paisible.
Déboutés sur presque tout

Aux quatre coins du Pays de Vaud — entité qui ne peut plus figurer sur les étiquettes, pour éviter la confusion avec les «vins de pays» précisément sans indication d’origine ! —, les groupes d’intérêts ont fait leurs observations.
Renvoyés à leurs carnotzets, ceux de La Côte qui voulaient soit une subdivision différente des aires de production, soit un assemblage pour le seul «cœur de La Côte» et non de ses ailes morgienne et nyonnaise.
L’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) en prend aussi pour son grade: il est débouté quant à son vœu d'une seule AOC Vully pour les deux cantons de Vaud et Fribourg (la balle est dans le camp des Fribourgeois, qui cultivent les deux tiers de la surface…) et quand il fait remarquer que le 60%-40% des AOC n’est pas conforme au système européen (les 85%-15% actuels devraient même passer à 100% dans le cas de la mention d’un nom de commune dans le nouveau régime européen).
Six AOC régionales confirmées

Premier échelon de l'AOC, six régions: Chablais, Lavaux, La Côte, Côtes-de-l’Orbe, Bonvillars et Vully. Fait nouveau par rapport au projet: les minimas de teneur en sucre s’appliquent à l’ensemble de l'AOC régionale, sans distinction de lieu de production ou de commune.
Echelon intermédiaire: le «lieu de production», qui regroupe plusieurs communes ou parties de communes. Les lieux de production d'Epesses et de Saint-Saphorin ont obtenu, eux seuls, une extension de leur périmètre, à 27 ha, respectivement 20 ha. Le vin portant le nom d'un «lieu de production» peut être issu de 60% des raisins récoltés sur ce lieu de production et 40% d'un autre lieu de production de la même région viticole.
Echelon supérieur: la mention communale. Dans ce cas, «60% proviennent de la commune et 40% d'une autre commune du même lieu de production». Mais attention, les noms des lieux de production recoupent ceux des principales communes: exemple, Féchy qui concerne des vignes sises sur Féchy, Bougy-Villars, une partie de Perroy et d’Aubonne (lieu-dit Curzilles). Pour se singulariser, un vin d'une seule commune aura tout intérêt à viser les exigences du Grand Cru (lire ci-dessous).
A noter que, comme l’exige Berne, le mot «appellation d’origine contrôlée» devra être écrit en toutes lettres sur l’étiquette. L'obligation de mentionner l'AOC, devenue régionale, n'est pas clairement précisée dans le texte, mais elle va de soi, puisque seules les six régions sont considérées comme AOC. Et l'exception Champagne dont la mention indique, dans ce cas, que les raisins ont été exclusivement récoltés sur le territoire de cette commune, subsiste dans le règlement: les vins étiquetés Champagne ne peuvent être coupés.
Le blanc reste bien vaudois

Pour le coupage des vins, l’Etat renonce à la possibilité de laisser couper les blancs avec du vin blanc de toute la Suisse: le coupage est restreint aux seuls vins vaudois (de toute région). En rouge, en revanche, possibilité de 10% de vins de toute la Suisse «de classe équivalente», au prétexte que le cépage est plus important que l'origine.
Incongruité du projet mis en consultation, le «dorin» était un chasselas au rabais : il a été remonté aux minimas des AOC régionales. Quant au «Salvagnin», il ne pourra pas associer un nom de lieu de production ou de commune, mais de région ou «vaudois».
Grands Crus et Premiers GC

Pour les Grands Crus et les Premiers Grands Crus, le règlement est renforcé par rapport au projet mis en consultation.
Deux grands crus sont des AOC à part entière, le Dézaley et le Calamin, comme actuellement. Mais que tous les clos, domaines et châteaux répondent obligatoirement aux exigences des Grands Crus (ou des Premiers Grands Crus) n'a pas été retenu. Un vin portant la mention Grand Cru devra avoir une teneur en sucre supérieure aux AOC de 5% (le projet allait moins loin, avec 2%…), pourra être un assemblage de vin issu à 90% du lieu de production ou de la commune mentionnée et de 10% au maximum de la même région viticole, mais ne pourra pas être coupés au-delà.
Quant aux Premiers Grands Crus, limités à des vins issus d'une mention précise, clos, château, abbaye, domaine ou nom cadastral, y compris un nom de commune, ils devront être vendangés à la main. Ils ne pourront excéder 0,8 litre/m2 pour le chasselas et 0,64 litre/m2 pour le pinot noir et le gamay, ces trois cépages étant les seuls tolérés à ce plus haut niveau, et ne pourront pas être mis en bouteilles de 50 centilitres («désirées»). Une commission des Premiers Grands Crus sera constituée. La mention de Premier Grand Cru sera octroyée sur la base d'un dossier technique (critères pédo-climatiques, densité de 6'000 pieds à l'hectare et notoriété avérée du produit) pour chaque parcelle.
L’entrée en vigueur des articles sur les Premiers Grands Crus vaudois sera fixée ultérieurement par voie d’arrêté gouvernemental, donc pas avant 2010.
Pragmatique d’abord

Reste à savoir si certains milieux déboutés vont attaquer le nouveau règlement devant le tribunal administratif vaudois, puis le Tribunal fédéral, avec le risque d’effet suspensif.
Tel quel, ce pragmatique règlement vaudois illustre la boutade selon laquelle «les meilleures lois ne rendent pas les vins meilleurs». On en est réduit à supposer qu'ils ne seront pas moins bons. L'éternelle histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein!
©Pierre Thomas — www.thomasvino.com — 02.06.09