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Posted on 17 juin 2009 in Vins suisses

Genève — Le Zurichois qui vend la Cave

Genève — Le Zurichois qui vend la Cave

Martin Wiederkehr, le Zurichois
au service des vins genevois

A 45 ans, l’œnologue zurichois Martin Wiederkehr a été choisi pour reprendre la Cave de Genève SA. Il nous dit pourquoi il croit aux vins genevois.
Par Pierre Thomas

«Il y a tout, ici, pour bien faire. A la Cave de Genève, nous vinifions dix-neuf cépages et la diversification des produits est bien présente. Avec la rive gauche du lac, favorable aux cépages aromatiques, la région entre Arve et Rhône aux vins minéraux, et le pied du Jura, plus calcaire, qui convient au pinot noir, nous disposons d’un assemblage de climats et d’un bassin d’arômes pour des vins très intéressants», s’enthousiasme-t-il. «Ce sont des vins complémentaires aux valaisans et aux vaudois, comme le sauvignon blanc, l’aligoté ou le viognier, et, en rouge, le gamaret, cultivé depuis vingt ans.»
A 45 ans, Martin Widerkehr a occupé un «éventail de postes de la production à la vente», y compris à l’étranger, dans un petit vignoble de la Loire comme dans un vaste domaine de Requena (Valence, Espagne), tous deux aux mains de Suisses, et un poste de cadre chez Transgourmet. Désormais, il se réjouit de maîtriser une entreprise «de la vigne aux clients».
La métaphore de Cointrin

Et la situation des vins de Genève, il la décrit en une image : «Elle est identique à celle de l’aéroport de Cointrin après la faillite de Swissair. On a vu que Cointrin a mieux réussi que Zurich parce qu’elle avait l’esprit plus ouvert !» La métaphore est loin d’être anodine. Le père de Martin Wiederkehr était commandant de bord de Jumbo Jet de feue la compagnie nationale, et son dernier vol, il l’a effectué entre Kloten et Cointrin (et retour). C’est son père aussi qui ramenait de ses escales à Genève du gamay. «La base du vignoble genevois reste le chasselas et le gamay. Pour le blanc, il y a un marché, même dans le chasselas romand. Pour le consommateur moyen, ce vin blanc n’est pas dévalorisé. Quant au gamay, il est lié intimement à Genève, soit pur, soit en assemblage, comme dans l’Esprit de Genève.»
Le nouveau directeur n’est à pied d’œuvre que depuis un mois et demi. «Je ne vais pas tout changer en un an. Il faut continuer sur la lancée de mes prédécesseurs, Francis Jacot-Guillarmod et Daniel Santschi. Il faut progresser marche après marche», dit-il, non pas en franglais («step by step»), mais dans un français avec une pointe d’accent alémanique. «Il n’y a jamais de révolution à la vigne. Quand on plante, c’est pour une génération !», explique celui qui fut président de l’Union suisse des œnologues, juste après le légendaire Jean Crettenand.
Objectif : la Suisse alémanique

La Cave de Genève, société anonyme depuis 15 ans, épaulée depuis sept ans par une Cave des viticulteurs de Genève qui a renoué avec le mouvement coopératif, transforme et met en marché le produit de près de 350 hectares, travaillés par une centaine de fournisseurs de vendange. «Cela représente 35% du vignoble et une responsabilité politique». Quant aux débouchés, ils sont clairement en Suisse alémanique : «Avec nos œnologues, nous allons créer des produits qui plaisent aux consommateurs. Heureusement, le marché local est un marché très fort sur lequel on peut s’appuyer : il y a un grand patriotisme pour les vins genevois. Comme par exemple à l’Ecole hôtelière de Vieux-Bois, qui ne sert que des vins genevois : c’est un signe!» Comment le Zurichois va-t-il aborder ce nouveau marché? «Il faut aller chez le client ou l’inviter à Genève. C’est moins un problème de réputation des vins que de réseau de vente. Il n’y a de vins genevois ni en grandes surfaces, ni dans les oenothèques ou les restaurants. Nous devons aller au-devant du consommateur qui n’a de Genève que des clichés, le jet d’eau, les banques, le salon de l’auto ou l’aéroport.»
Eclairage
Quatre bonnes raisons en faveur des vins suisses

Quels sont les bonnes raisons de croire aux vins suisses? Martin Widerkehr en cite quatre :
1) «Le prix des vins a plus augmenté dans les autres pays qu’en Suisse»
2) »En 20 ans, la viticulture et l’œnologie suisses ont fait des progrès considérables»
3) «La génération des quadras qui a travaillé ailleurs et voyagé donne une impulsion très favorable»
4) «On assiste à une renaissance des valeurs et un recentrage sur la famille», dit ce père d’une fille de 8 ans et d’un garçon de 4 ans, qui vit depuis vingt-cinq ans avec son épouse. «Nous retrouvons les racines de la vie suisse, y compris dans la consommation, et le besoin de boire un verre de chez nous!»
Paru dans Hôtel Revue du 18 juin 2009.