Des blancs dégustés «en Suisse»
Vins blancs de tous horizons
Des blancs dégustés «en Suisse»
Pierre Thomas
Cette dégustation s’est concentrée sur des vins blancs aromatiques, de Suisse romande principalement, et de quelques échantillons du reste du monde. Ni chasselas, ni chardonnay, ni sauvignon, ni même pinots, blancs et gris, qu’il a fallu se résoudre à ne pas soumettre au jury, tant les vins à évaluer étaient nombreux (près de 80 !). Voilà qui montre la diversité des vins proposés, notamment par les vignerons vaudois.
Aromatiques en délicat équilibre
Dans ce genre de vins, de surcroît secs, la puissance et la structure le disputent à la finesse et à l’élégance. Et les œnologues eux-mêmes ne sont pas tendres pour les déviations aromatiques, comme le (trop) recherché goût vanillé du chêne, et la fermentation malolactique, sensée arrondir les angles, là où une acidité permet, justement, de contrebalancer l’opulence un peu molle des arômes… Ces vins s’apprécient sur leur fraîcheur de fruit : de la vingtaine de 2007 soumis par les vignerons (ou les distributeurs de vins étrangers), deux, seulement, ont réussi à se qualifier pour la finale. Et seul un gewürztraminer de Lavaux termine parmi les huit premiers, au dernier rang.
Le palmarès résume le spectre des vins aromatiques helvétiques. Comme en Alsace, le gewürztraminer, le plus flatteur de tous, se plaît sous nos latitudes. La petite arvine ne mûrit correctement qu’en Valais. Et le viognier, sauvé de son abandon programmé dans les années 1950 du côté de Condrieu, en vallée du Rhône, remonte le cours du fleuve jusque sur les rivages lémaniques. C’est un cépage exigeant à la vigne, avec ses grappes lâches, à petits grains, mais à gros rendement. Et qui ne supporte guère le fût de chêne, même si nombre de vignerons s’obstinent à le loger si luxueusement…
Petites arvines du Valais en force
Restait à désigner les vainqueurs du tournoi : qui du duc alsacien, du vidomne valaisan ou du chevalier rhodanien allait l’emporter ? Les jurés de 24 heures ont mieux apprécié la petite arvine que ceux du Grand Prix du Vin Suisse (palmarès proclamé le 23 octobre à Berne), qui ne l’ont même pas citée parmi les six finalistes, pas plus que le viognier d’ailleurs — et ont privilégié des sauvignons et des chardonnays.
Le tiercé est clair : un gewürztraminer de La Côte, médaille d’or, une petite arvine, médaille d’argent, et un viognier, de La Côte encore, médaille de bronze. Les vignerons ont cédé le pas, cette fois, devant les «grandes caves», Uvavins réussissant à placer deux vins dans le trio de tête, depuis que la coopérative de Tolochenaz a repris la vinification de sa voisine d’Aubonne. Mais les «petits» sont en embuscade : ex æquo, à la quatrième place, un grand classique, le viognier genevois de l’œnologue vaudois Didier Cornut, au Domaine du Paradis, à Satigny, et une petite arvine de Christian Crittin, de la Cave de la Pleine Lune, à côté de l’église de Saint-Pierre-de-Clages, qui en signe régulièrement de magnifiques. Pourtant, la puissance de ces deux vins a autant enthousiasmé que désarçonné l’un ou l’autre des dégustateurs.
Un païen, mais pas de pirates
Quand il est bien élaboré, le païen (heida ou savagnin blanc) peut être pris pour une petite arvine : tel fut le cas du très élégant, signé Pierre Clavien (mari de l’œnologue cantonale valaisanne Corinne Clavien), de la Régence-Balavaud, à Vétroz. Enfin, juste devant le gewürztraminer 2007 du Château de Glérolles, repris par un investisseur, d’abord passionné de vin, Daniel Rey, encore une petite arvine d’une cave sédunoise, Charles Bonvin Fils, rachetée cet été par les frères Rouvinez de Sierre.
Ce palmarès a fière allure, même si Alain Gruaz, œnologue de Schenk (à qui appartient la Cave Saint-Pierre à Chamoson), souligne qu’en 2008, année à l’été frais, «la maturité des raisins n’a pas été facile à atteindre». Pour le Valaisan de service, Christian Dénériaz, la dégustation a montré «trois quarts de vins moyens et peu enthousiasmants et un quart de vins de qualité, avec de belles expressions de cépage». Cette fois-ci, des pirates comme le Torrontès argentin, le Grüner Veltliner autrichien, le Riesling allemand (de la Moselle) et australien, et le Verdejo espagnol n’ont rien pu contre l’invincible armada des blancs romands. Prochain match: des assemblages rouges d’ici et d’ailleurs. Pour Noël !
Grand Jury mode d’emploi
Fidélité aux deux tours
De cette finale, jugée par l’ensemble du collège de dégustateurs, 8 vins sont commentés ci-contre et notés sur 20 points (note la plus élevée et la plus basse éliminées). Quatre vins sont restés sur le carreau : deux de La Côte, le riesling X sylvaner Néphélè, de la Cave de La Charrue, à Commugny, et le gewürztraminer du Domaine de la Capitaine, à Begnins, et les deux seuls rescapés étrangers, le grüner veltliner autrichien de la ville de Krems (distribué par Moevenpick, à Crissier), tous de 2008, et le gewürztraminer 2007 alsacien de Kientzler (distribué par Mosca, à Crissier). La liste des vins ayant obtenu des points figure sur le site www.thomasvino.com (comme tous les résultats des sessions du Grand Jury de 24 Heures).
Paru dans 24 Heures du samedi 3 octobre 2009.