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Posted on 28 janvier 2010 in Vins suisses

Interprofession des vins suisses: pas prête!

Interprofession des vins suisses: pas prête!

Interprofession de la vigne et des vins suisses

C’est reparti pour un tour
… de table

L’Interprofession de la vigne et des vins suisses (IVS) devait être fondée à Berne le 14 décembre dernier. La séance a été reportée et le dernier projet esquissé, suspendu. Les partenaires vont rediscuter. La première séance du groupe de travail aura lieu à mi-février, présidée par le Vaudois Thierry Walz.
Par Pierre Thomas
A écouter la Fédération suisse des vignerons et son nouveau président, le conseiller national Laurent Favre (interview  ci-dessous), et la présidente de l’Association suisse des vignerons-encaveurs, la Genevoise Claude Bocquet Thonney, l’affaire paraissait en bonne voie. Pourtant, quelques jours avant la séance constitutive, fin novembre 2009, les délégués de l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV), en assemblée extraordinaire, se sont prononcés à l’unanimité contre le projet proposé. Et la Société des encaveurs suisses, présidée depuis septembre par le Sédunois Philippe Varone — ancien président de l’Interprofession suisse du vin, de 2004 à 2006 — a demandé le renvoi de la séance constitutive.
La voie ouverte à des blocages
Il n’en a pas fallu davantage pour que, dans le reste de la Suisse romande, le bruit se répande que «les Valaisans font de l’obstruction». Cette manière de présenter les choses irrite le président de l’IVV, Eric Germanier. Pour lui, c’est davantage la forme que le fond qui était contesté : «On doit avoir une interprofession nationale pour le lobbying. On ne peut pas être fondamentalement contre. Mais encore faut-il que cet organisme fonctionne et ne conduise pas au blocage systématique. Avec les doubles casquettes des interprofessions régionales, d’une part, et des associations nationales, d’autre part, le risque était grand que les points de vue s’opposent et s’annulent. Comment auraient dû voter les délégués à la fois impliqués dans une interprofession régionale et dans une association nationale, si l’une et l’autre avaient un point divergent sur une question?»
Une interprofession sans le Valais?
D’aucuns, en Suisse romande, ont alors imaginé mettre sur pied une interprofession nationale, mais sans le Valais, qui pèse 35% des vins suisses. «Personne n’a intérêt à ne pas avoir tous les cantons ensemble», affirme Eric Germanier. «Nous ne sommes pas très nombreux à pouvoir siéger dans de telles instances et à y consacrer du temps», précise le président de l’IVV, qui est aussi président de la Fédération valaisanne des vignerons. Cette dernière n’a toujours pas rejoint la Fédération suisse (FSV). Les Valaisans reprochent à l’association faîtière d’avoir défendu des points de vue contraires aux intérêts du plus important canton viticole suisse dans les discussions sur de la politique agricole (PA 2011). «Cette rupture, qui remonte à près de trois ans, a laissé des traces. Mais à terme, on a intérêt à être présents au niveau national», affirme Eric Germanier. Des tractations auront lieu pour y parvenir.
Autour d’un projet de promotion nationale
Le dossier de l’IVVS n’est pas enterré non plus. Un groupe de travail formé de délégués des six régions, des cinq associations nationales (Fédération suisse des vignerons, vignerons-encaveurs, Association nationale des coopératives, Société des encaveurs suisses, Association du Commerce des vins) et de Swiss Wine Promotion, va plancher sur un nouveau projet plus simple. Pour Ernest Dällenbach, secrétaire à la fois des encaveurs et des commerçants, «il faut limiter les compétences de l’IVVS à celles fixées par la loi fédérale sur l’agriculture, soit la promotion du produit et l’observation du marché.» Au niveau européen, les interprofessions ont des rôles plus importants dans la régulation du marché. En Suisse, le système fédéraliste donne des compétences aux cantons, notamment pour gérer les AOC (appellations d’origine contrôlée). «Dans le vin, ça n’est pas comme dans le lait ou la pomme de terre : 80% des compétences sont cantonales», rappelle Ernest Dällenbach.
Une question de gros sous
Pour le Valaisan Eric Germanier, il faut d’abord parler d’un projet concret avant de monter une structure. Ce projet devrait être celui de la promotion des vins suisses au niveau national. Et pour Ernest Dällenbach, il devrait comporter un volet d’autofinancement : «Si nous percevons 1 centime par m2 de vignes et 1 centime par kilo de raisin encavé, nous pouvons dégager 2,5 millions de francs de fonds propres.» Car, se fondant sur l’Ordonnance sur l’aide à la promotion des ventes de produits agricoles, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) exige 50% d’autofinancement pour les mesures nationales et 75% pour les mesures régionales. Ainsi, en 2010, l’OFAG apportera 1,446 millions de francs sur un budget total de 3,265 millions. L’office fédéral analyse, tous les quatre ans au moins, le portefeuille de chaque produit à promouvoir. Pour le vin, la dernière analyse remonte à avril 2009 et porte sur le financement 2010 à 2013. Mais l’OFAG, précise à Berne Alessandra Silauri, a annoncé «qu’il envisage d’augmenter par étapes le financement pour la promotion des vins suisses jusqu’à 3 ou 4 millions de francs par an», pour autant qu’aucune mesure d’économies budgétaires ne soient adoptées par le Gouvernement ou le Parlement.
«Il faut aller chercher ces 3 millions restants!», lance Ernest Dällenbach. Les projets présentés doivent obtenir l’aval de l’OFAG : celui-ci ne soutiendra plus les projets de promotion dans la grande distribution, comme Swiss Wine Promotion, association constituée par les offices régionaux de promotion, les a présentés en 2008 (financés en partie par la Confédération) et 2009 (encore en suspens). La preuve que toute la filière doit offrir un front uni et s’entendre sur un projet commun pour obtenir gain de cause.
 

Interview de Laurent Favre, président de la FSV
«Une interprofession suisse est nécessaire»

Laurent Favre, 38 ans, de Fleurier, est le nouveau président de la Fédération suisse des vignerons (FSV), depuis le printemps 2009. Il est directeur de la Chambre neuchâteloise de l’agriculture et de la viticulture à Cernier et préside l’Interprofession viti-vinicole  neuchâteloise. Il est conseiller national libéral-radical depuis l’hiver 2007, où il avait succédé au futur conseiller fédéral Didier Burkhalter, élu alors au Conseil des Etats.

Etes-vous déçu de ne pas avoir réussi à mettre sur pied à fin 2009 une Interprofession de la vigne et des vins suisses ?
C’est une petite déception. Nous avons travaillé sur ce projet durant six mois, depuis mai 2009. Nous étions parvenus à proposer une structure équilibrée et allégée par rapport au projet de départ.
Une interprofession nationale avec les seules interprofessions régionales est-elle envisageable ?
Du point de vue légal, les «deux familles» (production et commercialisation) doivent avoir voix au chapitre. Et dans les faits, ce sont ces associations, l’Association suisse du commerce des vins (ASCV) et la Fédération suisse des vignerons (FSV), et leur secrétariat, qui préparent les dossiers et font le travail.
Mais avant de parler structure, ne faut-il pas parler du rôle à jouer ?
C’est le sens de la demande de l’Interprofession du Valais : discuter de la promotion, de son financement et du rôle de Swiss Wine Promotion. Ces mêmes questions ont fondé la relance de l’Interprofession suisse, il y a un an… Si les Valaisans veulent des garanties d’efficacité, nous ferons l’effort de les leur donner. Mais il ne faut pas se perdre en de  nombreuses séances de groupe de travail. Au printemps, on doit se retrouver ensemble.
Ces garanties données, la structure proposée est-elle la bonne ?
Oui, la structure est bonne. Avec 24 délégués aux interprofessions régionales, en fonction du nombre d’hectares, et 6 délégués pour les associations nationales, les deux familles sont représentées. Pour éviter des décisions prises à légère, on propose un quorum de 65% et une majorité des deux tiers. Il serait faux de regrouper seulement les interprofessions régionales. Quand la première interprofession a été lancée, elle n’était formée que des associations nationales. On ne peut pas dire qu’elle fonctionnait mal, malgré la faillite de Swiss Wine Communication.
Existe-t-il des thèmes de discussion suffisants ?
Outre la promotion nationale, il y a suffisamment de dossiers, comme l’harmonisation du droit suisse avec le droit européen, la prévention de l’alcoolisme ou la définition des vins de pays et des vins de table. Il faut être capable de rassembler les forces, de trouver une position commune pour défendre les intérêts de toute la branche de façon solidaire. C’est ce qui manque aujourd’hui! S’il y a d’un côté des interprofessions régionales, même avec un organisme commun, qui disent blanc, et, de l’autre côté, des associations nationales qui disent gris ou noir, le lobbying sera mauvais. Les parlementaires diront «Vous voyez, la vitiviniculture est incapable de s’entendre !»
Et si le projet n’aboutit pas, quelles conséquences pour la FSV ?
Pour moi, si on veut éjecter les associations nationales, une interprofession est inutile. Je le dis sans provocation. Car si le projet d’interprofession n’aboutit pas, le poids politique de la Fédération des vignerons sera renforcé : elle continuera à gérer le groupe parlementaire et la formation professionnelle.
                                                                                             Propos recueillis par Pierre Thomas

Dossier paru dans le Journal vinicole suisse, édition de février 2010.