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Posted on 28 janvier 2010 in Vins suisses

A quoi sert la mise des vins de la Ville de Lausanne?

A quoi sert la mise des vins de la Ville de Lausanne?

Vins de la Ville de Lausanne

Une mise publique 2009
au résultat trompeur

Le deuxième samedi de décembre, la vente aux enchères des vins des domaines de la Ville de Lausanne a enregistré le plus mauvais résultat financier depuis 1998. Vieille de plus de deux cents ans, cette tradition a-t-elle encore un sens ?
Par Pierre Thomas
Une clientèle vieillissante. Un miseur professionnel qui emporte à lui seul plus de la moitié des lots. Et, au final, un résultat financier inférieur à 1,7 million de francs. Seul 2005 a fait moins bien, avec 1 million de francs versés à la caisse communale. Cette année-là, la grêle avait empêché de mettre en vente la plupart des vins de Lavaux. Sinon, sur dix ans, en une matinée, la Ville de Lausanne avait toujours réussi à écouler pour près de 2,5 millions de francs de vins en moyenne. La dernière très bonne année remonte à 1999, avec 3,3 millions de francs encaissés.
La crise a un coup de retard
A quoi attribuer cette baisse ? «Le monde du vin a toujours un an et demi de retard et la crise économique nous a rattrapé», explique le courtier André Linherr. Traditionnellement, c’est lui qui mise le plus de vins, sur ordre de gros acheteurs, y compris les grandes surfaces (Denner et Coop). «Cette année, les vins du millésime 2009 sont très bons et les stocks très bas. Mais cela ne suffit pas à déclencher des offres des acheteurs potentiels», regrette le professionnel qui a emporté plus de la moitié des quelque 170’000 litres. Près de 45’000 litres n’ont toutefois pas été misés.
Faut-il changer de système ? Municipale en charge de la viticulture (et de la culture tout court !), Silvia Zamora ne panique pas. «Cela fait toujours beaucoup de vin à vendre en une seule fois. Après la mise, les vins trouvent preneurs de gré à gré. Ce qui m’inquiéterait, c’est qu’une partie des vins ne soient pas vendus au moment de la prochaine mise. Et que des vins nous restent sur les bras ne nous est jamais arrivé», rassure la politicienne.
Plus ancienne que les Hospices de Beaune
«Seuls les professionnels du milieu manifestent un peu d’inquiétude. Mais cette vente aux enchères publiques est une tradition bien ancrée. Les Lausannois y tiennent ! Elle est tout de même plus ancienne que celle des Hospices de Beaune», rappelle Mme Zamora. De fait, en décembre 2010, les Lausannois procèderont à leur 208ème mise, contre 150 exactement dans la capitale de la Bourgogne viticole. André Linherr reste persuadé, lui aussi, que le système a du bon : «Les lots qui ne sont pas vendus trouvent ensuite preneur au prix de l’enchère la plus haute, augmenté de 10 centimes par litre. A mes clients, je dis toujours que s’ils veulent faire de bonnes affaires, ils doivent miser.»
Et des bonnes affaires, les acheteurs en ont fait pour cet excellent millésime 2009, surtout en blanc : le prix de départ avait été abaissé de 8 à 15%, selon les domaines — mais sans que cette mesure ait été annoncée. De nombreux lots ont été emportés à ce prix de départ. Les Dézaleys, pourtant à 14 francs le litre pour le plus prestigieux Chasselas vaudois, n’ont pas déclenché de passion : 12’350 litres du Clos des Moines et 14’000 litres du Clos des Abbayes n’ont pas été adjugés. En revanche, tous les vins de La Côte (Rochefort à Allaman et Abbaye de Mont-sur-Rolle) ont trouvé preneur à des prix entre 88 ct et 1,36 fr. de plus que le début de l’enchère (prix de départ entre 6,20 et 7 fr.).
Un résultat paradoxal
Pour La Côte, la mise a pleinement servi de baromètre : les négociants sont à la recherche de ces vins, explique Michel Dizerens, de Lutry. Qui constate lui aussi, à propos des Lavaux : «Quant l’année est bonne, le vin se vend mal.» Autre regret, malgré le déplacement du jeudi au samedi et l’offre de petits lots (95 litres), les restaurateurs lausannois (dont une quarantaine sont locataires de la Ville) et les consommateurs privés ne profitent pas assez de l’aubaine. «Ils ne savent pas non plus que 20% des vins de la Ville échappent à la mise et sont proposés en bouteille auprès de nous», déplore Nicolas Rilliet, le responsable technique des domaines. Les «vins d’honneur» et les verrées officielles, eux, n’absorbent que 3% du volume. «Nous devons dynamiser cette vente aux enchères, peut-être en organisant un événement autour des vins de la Ville à un autre moment de l’année», esquisse Silvia Zamora. En 2010, la politicienne assistera à sa dernière mise : au printemps 2011t, elle ne briguera plus de mandat à l’Exécutif.

Eclairage
Lausanne, plus important
propriétaire public viticole suisse

Les cinq domaines propriété de la Ville de Lausanne totalisent un peu plus de 20 hectares à La Côte et 15,5 ha à Lavaux. Selon la nouvelle législation des AOC vaudoises, tous les vins ont droit à l’appellation Grand Cru, et non seulement les 9 ha du Dézaley, dont les vins sont par définition classés Grand Cru.
De ces domaines, le Clos des Abbayes (4,8 ha), fut attribué à la ville quand les Bernois annexèrent le Pays de Vaud, en 1536, et, protestants, sécularisèrent les biens des couvents catholiques. Trois autres furent acquis, en vente aux enchères mise sur pied par le Canton du Léman, après la «libération» par les Bernois, en 1802 : à Lavaux, le Domaine du Burignon (6,3 ha) à Saint-Saphorin et le Clos des Moines (4,3 ha), qui fait de Lausanne le plus important propriétaire du Dézaley, et l’Abbaye de Mont (15 ha), à Mont-sur-Rolle (La Côte).
Le dernier domaine, le Château de Rochefort (5 ha), fut donné en héritage en 1838, à la «bourse des pauvres», auxquels furent rattachés tous les domaines. Ceux de Lavaux sont plantés à plus de 85% en Chasselas, ceux de La Côte, aux deux tiers. Au total, ces domaines produisent entre 300’000 et 350’000 litres de vins par an (en vente pour 2009 : 175’000 l. de blanc et 40’000 l. de rouge). Des vignerons, responsables de chaque domaine, travaillent les vignes, tandis que les vins de La Côte sont vinifiés au domaine par Œnologie à façon SA, à Perroy, et ceux de Lavaux par les Frères Dubois S.A. à Puidoux.

Paru dans le Journal vinicole suisse, février 2010.