Crans/Montana (VS) — La Diligence
Les sapins du Liban
C’est l’histoire d’une rencontre. Celle d’un jeune Libanais venu en Suisse pour travailler une saison au Casino de Montreux, puis en Valais, où il rencontre, dans les années 1960, une «demoiselle de Sion». Farhan Lamaa et Danièle de Sépibus, auront deux enfants, Françoise et Sami. Les quatre conduisent en attelage, main dans la main, depuis quinze ans, cette Diligence, un petit hôtel familial, sur la route de Montana.
En voyant ce chalet au bord de la route, rien ne laisse deviner qu’un des plus raffinés restaurant libanais se niche si près des sapins. Depuis peu, M. Lamaa père, l’œil bleu et bientôt 70 ans, se retire sur la pointe des pieds… La famille est allé chercher un chef à Beyrouth. Elle l’a trouvé à l’ambassade américaine. Curieux? Pas tant que ça, explique M. Lamaa fils: «La cuisine libanaise est très traditionnelle. Chaque famille apprête les mêmes plats, mais avec des nuances. Et nous voulions pouvoir faire passer les nôtres.» Mais pas question d’helvétiser cette cuisine : «Nous avons des clients de Londres, New York ou Paris qui assurent que nous sommes parmi les meilleurs», sourit Françoise, passionnée de vins valaisans (jolie carte!) et libanais.
La fraîcheur des ingrédients saute aux yeux quand la table se couvre de mezze froids et chauds. Le pain (libanais) est fait maison. Le taboulé contient plus de persil que de semoule de blé, comme il est d’usage à Beyrouth. On sert la fattouche, les feuilles extérieures de la salade, et le labné, le yoghourt à la menthe du jardin. En plus sophistiqué, le makdouss, des aubergines farcies de grenade, d’ail et de noix, pressées à l’huile d’olive: un pur régal ! Avec ça, homumos, la purée de pois chiches, baba ghanouj, le caviar d’aubergine ou mjadara, la purée de lentilles et de riz. Le fromage piquant, chankliche, fleure le thym, et la bastourma, la viande sèchée au paprika a pour origine de l’agneau du Haut-Valais !
Les mezze chauds débutent avec l’exquis arayes, une galette fourrée d’herbes et de viande d’agneau hachée et se déploient en samboussek et fatayer, des rissoles au fromage et à la viande. Ca et là, le sumac, saupoudre les plats d’une tache rouge foncée, acide et épicée. On peut suivre avec un chich taouk, brochette de poulet attendrie par la crème d’ail et l’huile d’olive ou le kafta, viande d’agneau hachée, prise dans l’épaule. Pour finir, la ronde des pâtisseries libanaises, baklawa, namoura et halva, des meilleurs artisans beyrouthins, avec une infusion de menthe du jardin bouillante. Compter entre 30 et 75 francs par personne, en fonction du nombre de mezze. Dépaysement garanti !
La bonne adresse
La Diligence, Montana
Tél. 027 485 99 85
Ouvert tous les jours, toute l’année
www.ladiligence.ch
Le vin qui va avec…
Un château au Liban
C’est Elie Maamari, œnologue, dégustateur patenté des concours internationaux et directeur à l’export du Domaine de Château Ksara qui nous a fait découvrir ce restaurant «valaisan». S’il y a 3000 ha de vignes au Liban (moins que dans le Pays de Vaud), principalement dans la plaine de la Bekaa, comme pour les vins italiens et les grecs, le rayonnement des crus du pays est assuré par les restaurants libanais — une vingtaine en Suisse, dont un tiers rien qu’à Genève. Ksara, 343 hectares (2 millions de bouteilles par an) compte parmi les meilleurs domaines, importé en Suisse par SAME à Arzier (VD). La «Réserve du Couvent» rappelle que ce sont les jésuites qui ont fondé Ksara en 1857. La version 2001 de cet assemblage rouge, à la fois méditerranéen et bordelais (50% de syrah, 15% de carignan, alliés à 30% de cabernet sauvignon et 5% de cabernet franc) a remporté une médaille d’or aux Vinalies internationales de Paris 2003. Soyeux et chaud, un rouge parfait pour l’accord mezze et vin.
Chronique de Pierre Thomas parue dans Le Matin-Dimanche à fin septembre 2004