Fribourg (FR) — L’Hôtel-de-Ville
Casalinga… a casa
Le café du Cercle de l’Union, le premier étage du bâtiment voisin du siège du Grand Conseil fribourgeois est assuré de demeurer une bonne adresse. Quittant l’Auberge de Zaehringen, après treize ans en cuisine, le chef Frederik Kondratowicz (15 points sur 20 au GaultMillau 2005) va le reprendre au printemps prochain. Cet historien d’art qui avait restauré une fresque de l’auberge, avant de devenir cuisinier, entend (se) faire plaisir avec une cuisine du marché inventive et légère.
Il aura été précédé au même endroit par deux autres artistes. Giovanni Cambioli, 60 ans, et sa jeune épouse Monica, de 27 ans sa cadette, ne collent à aucun cliché. Au service, la jeune mère d’un petit Dorian (un an bientôt…) est musicologue et joue de l’alto dans deux orchestres de chambre. Elle a aussi suivi l’Ecole hôtelière de Vieux-Bois, à Genève et assisté le légendaire Joseph Righetto à l’Hostellerie de la Vendée. Son mari, lui, a un parcours de vie hors norme. D’une famille de commerçants d’Urbino, «la cité natale de Raphaël», il est venu en Suisse par amour. Et est devenu cuisinier par nécessité.
Charcuterie maison
Petit à petit, depuis cinq ans au cœur du Fribourg, il s’est fait lui-même. «Je suis né en pleine deuxième guerre mondiale. Chez moi, dans les Marches, il n’y avait plus d’homme au village. Nous avons dû tout apprendre et tout savoir faire avec plus rien.» Tout, ici, est réalisé a casa : tagliatelles, gnocchis et ces fabuleux raviolis, pliés à la main, farcis de bolets, chanterelles et ricotta (26 fr.). Les papardelle de farine bise sont au civet de lièvre (28 fr.), à cette époque chasseresse. Le lundi, le chef s’enferme dans ses cuisines pour apprêter des saucisses à rôtir de gibier (22 fr.) à base de sanglier et de cerf enrichis de lard. Sel, poivre, vin rouge, une gousse d’ail, et basta ! Il fabrique aussi son propre jambon cru, sa coppa et ses salamis. Il renoue ainsi avec Corpataux, le boucher, qui, avant d’être peintre, apprêtait ici un «boudin champion du monde» d’anthologie. Et puis, Giovanni fait venir, ces jours, ses truffes blanches des Marches : «A 38 ans, j’avais tout plaqué pour devenir truffier professionnel durant quatre ans», rigole-t-il. Les Piémontais lui achetaient ces diamants, vendus, bien entendu, sous le nom d’Alba…
Jusqu’à fin mars, le duo d’artistes occupera ce lieu magique, avec sa véranda en à-pic sur la Basse-Ville. Après, le couple recevra chez lui, à Pensier, dans une maison de 1790. Seulement le soir : un grand menu, pour vingt personnes, du mercredi au samedi. Et un brunch le dimanche. On se réjouit d’y revenir. Doublement, en ville et à la campagne.
La bonne adresse
Restaurant de l’Hôtel-de-Ville
Grand’rue 6, Fribourg
Tél. 026 322 10 26
Fermé dimanche soir, lundi et mardi midi
Le vin qui va avec…
Cheval fougueux des Marches
Sur les étiquettes des Terre Cortesi figurent trois meneaux, symbolisant les trois châteaux des villages qui abritent les caves de cette coopérative des Marches. Avec près de 1’750 ha de vignes, elle représente un tiers du Verdicchio dei Castelli di Jesi, un blanc local, un cinquième du Rosso Piceno et plus de la moitié du Rosso Conero. Ce rouge, produit au sud d’Ancône, sur les flancs du Monte Conero, est issu à 85% de montepulciano et 15% de sangiovese. Les deux cépages du centre de l’Italie ont un lointain cousinage. Sur le versant adriatique, la culture de la vigne remonte à Hannibal. Ses soldats soignaient leurs chevaux avec ce vin, dit-on… Aujourd’hui, avec l’appui de l’œnologie moderne, ce rouge robuste, qui peut vieillir de cinq à dix ans, donne des vins d’un agréable volume. La coopérative de Moncaro les décline en diverses cuvées, en fonction des parchets et de l’élevage en cuve, en foudre ou en barrique. Ce Riserva 2000, importé par La Treille d’Or, à Villars-sur-Ollon (VD), joue le continuo en harmonie avec les mets marchesi ci-contre.
Chronique de Pierre Thomas parue dans Le Matin-Dimanche du 24 octobre 2004