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Posted on 6 janvier 2005 in Adresses, Restos

Fribourg (FR) — Le Bel’Asia

Fribourg (FR) — Le Bel’Asia

Le Bel’Asia, Fribourg
Melting pot boltze
Au sommet de la grande muraille de la Sarine, le Belvédère se partage en strates. Une cave, au rez, un lounge au bar et au mobilier en plastique moulé «seventies» et, à l’étage, un restaurant asiatique. Au(x) sens large(s) du terme… Décor hétéroclite, mêlant le rouge qui met en appétit, comme les Chinois le savent, des plafonds et des parois en bois lavé, un piano à queue, des bonzaïs et des tentures indiennes. Dans ce melting pot boltze (les Fribourgeois de la Basse-Ville, qui parlent un langage croisé, allemand X français), on sert quasi naturellement toutes les cuisines d’Asie.
La formule est due au nouveau maître des lieux, Marc Dürst. Le métissage de cultures, ça le connaît… Au Montreux Jazz Festival, il fut en charge des bars, avant de se lancer dans la confection à plus ou moins grande échelle de sushis et autres plats asiatiques à Vuadens (Sushi Mania). Ceci explique cela, direz-vous… Et Marc Dürst avoue que le Belvédère sert de «show room» à l’entreprise semi-industrielle. On vous voit déjà esquisser une moue, que dissipe le patron à double casquette : «Nous préparons ce qui peut être fait, sans plus. Pour la plupart des plats, ça se limite à la fourniture des ingrédients de base, sans apprêt préalable.» Pas question donc de livrer des barquettes qu’on réchaufferait au micro-ondes. Du reste, le Bel’Asia a gardé la cheffe thaïe qui a fait, ici même, sa réputation depuis trois ans, Suchawadee «Minnie» Quartenoud. Deux femmes de même origine règnent sur la cuisine, avec un jeune Français. Ce quatuor propose quatre formules de menus de 49 à 65 francs, selon le nombre de plats ou les ingrédients, déclinés en tout indien, tout thaï, tout chinois ou tout japonais.
L’avantage de la formule saute aux yeux : une table de quatre peut s’offrir toute l’Asie gastronomique en une fois. Encore faut-il que les plats ne se fondent pas dans un concept «fusion» banalisant. Tel ne fut pas le cas ! Ce soir-là, on a préféré les échanges indo-siamois. Parmi les plus subtiles des cuisines asiatiques, la thaïe emprunte l’essentiel à des ingrédients frais — légumes et épices, comme la citronnelle ou le gingembre. Et ce qui nous a été donné de manger à Fribourg valait bien ce que nous avons déjà goûté dans les meilleures adresses du genre en Suisse romande : boulettes de saumon épicées, potage aux crevettes et lait de coco et le fameux émincé de volaille au curry vert — des «must». Le menu indien affirmait ses goûts complexes. L’explication vient de Vuadens, où un consultant malais a dispensé ses conseils. Ainsi les brochettes d’agneau à la sauce à la coriandre fraîche, le potage de pois verts à la même épice, et le très explosif curry indien, bien balancé entre le parfumé et le «hot», valaient le voyage culinaire. Les desserts, beignets d’ananas et «kulfi» (la meilleure glace au monde, quand elle est réussie !), se sont avérés plus faibles. Et bémol : avec la citronnelle thaïe et la coriandre indienne, les menus appuient «fortissimo» sur une tonalité. C’est la déclinaison qui joue la musique…
La bonne adresse
Restaurant Le Bel’Asia
Grand-Rue 36, Fribourg
Tél. 026 919 20 10
Fermé dimanche et lundi
Le vin qui va avec…
Un accord valaisan

Dans un récent magazine Vinum consacré aux accords mets-vins, le rédacteur en chef, Rolf Bichsel, soulignait combien les vins suisses modernes s’accordent avec des recettes asiatiques. Sachant que le thé et la bière sont des boissons traditionnelles, dès qu’on s’en écarte, on peut exclure les vins tanniques. L’exubérance des épices renforce l’amertume jusqu’à la caricature. Les vins blancs légèrement doux aromatiques peut-être ? Les Alsaciens le prétendent, non sans raison. Un temps, la mode fut aux châteauneufs-du-pape, dominé par l’éclat velouté du grenache, puissant et riche. Trop riche, souvent ! Restent les vins fruités. L’assemblage rouge «Gaya» d’Yvon Cheseaux, à Saillon, proposé par le Bel’Asia (à la cave sommaire) tirait son épingle du jeu. Dans la version 2003, le discret poivré de la syrah, allié à la finesse du cornalin et du pinot noir et à la puissance du gamaret, fondus par un an de barriques, jouaient une partition aussi nuancée que le sont les recettes asiatiques.

Texte paru le dimanche 2 janvier 2005 dans Le Matin-Dimanche, Lausanne