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Posted on 19 avril 2012 in Tendance

Les mauvais chiffres 2011 de la consommation de vin

Les mauvais chiffres 2011 de la consommation de vin

Les chiffres des vins suisses 2011

Avis de gros temps sur le vignoble

Les chiffres de la consommation des vins suisses de l’année passée sont un peu la météo de l’année à venir. Avec une consommation des vins «en léger recul» en 2011, on frise déjà l’avis de tempête. Car, avec une consommation totale de 274 millions de litres en 2011, seule l’année 2006 a été inférieure, depuis que Berne a la bonne idée de comptabiliser les statistiques sur les 12 mois d’une année civile (avant 2004, à cheval sur deux ans). Plus grave, cette baisse, ce sont les vins suisses qui l’encaissent de plein fouet et perdent un point par rapport aux vins étrangers: 37% des vins consommés en Suisse sont indigènes (contre 63% importés).
Par Pierre Thomas
La consommation des vins rouges suisses baisse de 2,8 millions de litres, alors que les vins rouges étrangers régressent «seulement» de 2,3 mios. Pour les vins blancs suisses, la baisse est de 2 millions de litres, contre une augmentation de 0,8 million de litres pour les vins blancs étrangers, régulièrement en hausse depuis l’ouverture des frontières au début des années 2000.
Ce qui paraît plus inquiétant, c’est que cette double baisse intervient juste après des vendanges 2011 plus importantes de 8,6%, soit 9 millions de litres, qu’en 2010. Corollaire, les stocks de vins suisses à fin 2012 ont augmenté de 10,4 millions de litres (4,8 en rouge et 5,6 en blanc).
En résumé, les Suisses boivent moins de vins suisses, les caves des producteurs sont pleines et les marchands ont de la réserve. Exemple : dans le canton de Vaud, selon les chiffres cantonaux, un peu moins pessimistes que les fédéraux, on compte en moyenne pour les vins blancs, 19,38 mois de consommation à disposition, et 21,48 en rouge. On n’est pas loin des deux ans…
Valais – Vaud: une mauvaise année
Voici, pour les deux plus grands cantons viticoles, Valais (39% de part de marché des vins suisses) et Vaud (26%), quelques chiffres de la consommation 2011 :
— en blanc, le Valais passe sous la barre des 16 mios (15,9) mais fait mieux qu’en 2008 et 2009 ;
— en rouge, il repasse sous la barre des 24 mios, comme jusqu’en 2007, mais entretemps, le vignoble s’est reconverti et du chasselas a été arraché ;
— au total, la consommation des vins valaisans passe sous la barre des 40 millions de litres, pour la première fois depuis 2007 (alors que 2010, avec 42 mios, avait été son meilleur résultat depuis 2005). Pour 2011, la vendange valaisanne est plus importante de 8,9% à la 2010.
— en blanc, Vaud repasse sous la barre des 20 millions de litres et même sous les 19 mios de 2009, avec 18,9 mios ; en 2006, 07 et 08, les vins blancs vaudois se buvaient à hauteur de 22 mios;
— en rouge, Vaud passe sous la barre des 8 millions de litres, enregistrés en 2009 ; là aussi, la surface et la production de rouge a augmenté depuis les années 2005 – 2006 (7,5 mios consommés) ; en 2010, Vaud avait enregistré 8,6 mios de consommation, dépassé seulement par 2008 ;
— au total, la consommation des vins vaudois passe pour la première fois sous les 27 millions de litres ; jusqu’ici, elle avait frisé (comme en 2010 et 05 et 06) ou dépassé les 30 millions de litres, sauf en 2009. Pour 2011, la vendange vaudoise est plus importante de 7% à la 2010.
Les Suisses achètent directement à l’étranger
A quoi attribuer ce recul? Le président à la fois de la Fédération suisse des vignerons et de l’Interprofession de la vigne et des vins suisses, le conseiller national radical neuchâtelois Laurent Favre, dans son rapport sur l’année 2011 à l’adresse des vignerons, estime que ce recul de la consommation est à mettre au compte non pas d’une baisse réelle, mais d’achats de bouteilles directement dans les zones frontalières ou en Europe, en raison du «franc fort». Les Suisses auraient consommé plus de vins étrangers achetés à la propriété ou dans les supermarchés périphériques.
Climat économique intérieur morose et baisse du tourisme extérieur (également de 2% pour les nuitées, surtout en raison du deuxième semestre 2011) sont des facteurs qui jouent aussi leur rôle. Pour les vins indigènes, la guerre aux «prix bas permanents» pour contrer les parts de marché prises par les «hard discounters» Aldi et Lidl, au détriment d’actions ciblées sur les vins suisses, est aussi montrée du doigt.
Vive le protectionnisme? Ou à bas les quotas?
Quels remèdes apporter, pour relancer la consommation des vins suisses? Du côté de Genève, on n’a pas hésité à relancer l’idée de se battre pour abaisser le contingent douanier à tarif bas des vins étrangers, de 170 à 120 mios de litres. Laurent Favre écarte cette (fausse) solution: le contingent a été notifié à l’OCM et il faudrait des années de renégociation, avec le risque de devoir cèder dans d’autres domaines économiques, et des effets collatéraux en cascade.
La baisse des quotas viticoles? Le cadre légal fédéral n’a pas bougé depuis vingt ans (1991), avec 1,4 kg au m2 pour les blancs et 1,2 kg au m2 pour les rouges. Les cantons, souverains en matière d’appellation d’origine contrôlée (AOC), peuvent être plus sévères, et même régionalement. Au niveau fédéral, il ne paraît pas dans l’air du temps que la production réclame une telle baisse des quotas qui, en raison du marasme économique, se paierait au prix coûtant par le viticulteur.
En Valais, la question de revoir les quotas est sur la table des négociations. On peut imaginer aussi un système de «plafond limite de classement» (PLC) et de mise en réserve des vins en attendant des jours meilleurs: le Chianti, la Rioja, pour citer des régions et des vins célèbres, procèdent de cette manière.
Au fond, les chiffres de 2011 dépendront beaucoup de ce qui va se passer durant l’année 2012. Mais avec des stocks importants, une production en hausse et une consommation en baisse, la météo, c’est sûr, n’est pas bonne…
Reste la promotion des vins suisses en Suisse, pour faire comprendre aux indigènes l’excellence des crus locaux. Comme pour le tourisme, naguère, Laurent Favre cite en exemple l’Autriche: notre voisin du nord-est couvre 76% du marché local avec ses vins et réussit même à exporter 60 millions de litres. 60 millions de litres? C’est 53% de la production helvétique 2011, celle d’un pays qui exporte, lui, 1% de ses vins. Et qui se prive d’une belle poire pour la (trop petite) soif… des Suisses.
©thomasvino.ch