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Posted on 29 mai 2012 in Tendance

Directeur d’office des vins? Mission impossible!

Directeur d’office des vins? Mission impossible!

Promotion des vins
Mission impossible

C’était le 13 mars. Un mardi. Ce jour-là, le salon Arvinis présentait son hôte d’honneur, Swiss Wine Promotion. Une quinzaine de journalistes avaient fait le déplacement de Morges, comme tout le gratin du vin vaudois et suisse. La conférence de presse se tenait dans l’arrière-salle du Club nautique morgien par beau temps, de bise toutefois. 15 journalistes, 0 question.
Par Pierre Thomas
Et pourtant, ce jour-là, je savais qu’il y avait de l’eau dans le gaz entre la promotion des fromages à l’étranger et des vins suisses, pourtant liés par un partenariat, non renouvelé en 2012. Je savais aussi que Jacques-Alphonse Orsat, président de SWP, n’allait pas être confirmé à la présidence de cette superstructure établie d’abord de façon volontaire, puis constituée, par-dessus les offices régionaux de promotion des vins. Le Valaisan avait perdu, quelques jours auparavant, le soutien de ses propres troupes — il avait déjà été remplacé dans le comité de l’Interprofession de la Vigne et du Vin du Valais. Quelques semaines plus tard, il cèdera effectivement son poste à Gilles Besse, un des hommes forts de l’IVV. Et je n’ai pas tardé à comprendre, entre deux verres de chasselas pris sur la terrasse, qu’entre Pierre Keller et Nicolas Schorderet, le tout neuf président et le secrétaire général de l’Office des vins vaudois (OVV), ce serait du «lui ou moi». Information confirmée par 24 Heures du 28 mai, à l’issue de la troisième opération des «caves ouvertes vaudoises». Nicolas Schorderet jette l’éponge, après trois ans à la tête de l’OVV.

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Photographiés le 13 mars 2012 à Morges, Jacques-Alphonse Orsat, à g., et Nicolas Schorderet, tout à dr., ne sont plus, pour l’un, à la tête de SWP, pour l’autre de l’OVV. Thierry Walz, deuxième depuis la gauche, est le vice-président de l’Interprofession de la vigne et des vins suisses, et Sébastien Fabbi vient de reprendre le secrétariat de Swiss Wine Promotion. (photo pts)

Quels enseignements tirer de ce faisceau de départs qui secouent le petit monde viticole suisse?
D’abord, que les vignerons, encaveurs et négociants sont de farouches indépendants. Leurs intérêts sont souvent divergents et la promotion doit faire croire que tous les vins de tout un canton sont les meilleurs. Message à faire passer à l’interne, pour galvaniser les troupes, et à l’externe, pour mieux vendre dans un marché exclusivement helvétique, où l’exportation est constituée des deux tiers du pays, la Sarine passée.
Ensuite, que ces mêmes vignerons, encaveurs et négociants, lorsqu’ils s’entendent, finissent par brûler ce qu’ils ont sinon adoré, du moins considéré comme des personnalités aptes à défendre les vins de leur canton. Les deux avant-derniers directeurs des plus grands offices de promotion, Robert Crüll, en pays vaudois, puis Pierre Devanthéry, en Valais, ont dû rendre leur tablier. Enfin, que les organisations professionnelles vitivinicoles ne sont pas à l’abri de la politique, au moment où les cantons ont décidé d’assurer par une taxe obligatoire la promotion des vins. En Valais, le président de l’IVV, choisi hors milieu vigneron, Paul-André Roux, a perdu son siège de conseiller national démocrate-chrétien aux élections de 2011… et le président de l’OVV, hors milieu lui aussi, Pierre Keller, n’a pas obtenu un siège à Berne, non plus.
En Valais, l’IVV paraît mieux structurée que la CIVV, la commission interprofessionnelles du vin vaudois. Il ne suffit pas de personnalités fortes pour assurer la promotion de tous les vins: il faudrait des hommes (ou des femmes…) aptes à rassembler des opinions divergentes pour faire front à l’extérieur. Des perles rares dans les cantons du Valais et de Vaud, alors qu’à Genève et Neuchâtel, les deux responsables des offices de promotion, non limités aux vins, mais étendus à toute l’agriculture, sont en place depuis de nombreuses années.
Avec des moyens limités par l’Etat, par rapport à un premier projet de taxe obligatoire plus centralisateur, avec une structure dépendant soit du Centre patronal, soit à la délégation de mandats, l’OVV paraît bien fragile… Et la CIVV songerait à sortir l’OVV du Centre patronal pour l’installer à la Maison du Paysan. Avec ou sans la défense de la Fédération vaudoise des vignerons?
Reste qu’au fond, la promotion est condamnée au grand écart permanent: elle doit ignorer la cuisine interne de la production — Pierre Keller n’a jamais fait mystère de ne rien comprendre aux 1ers Grands Crus vaudois — et faire bloc aveuglément pour vendre tous les produits du terroir viticole — ce que l’ex-directeur de l’ECAL et grand communicateur a su faire pour mettre sur orbite ces mêmes 1ers Grands Crus.
Partant, les agents de la promotion des vins suisses, valaisans ou vaudois, sont condamnés à n’être que des représentants de commerce, avec, en arrière-fond, l’opinion sans appel de l’œnologue bordelais Michel Rolland: «Dans le métier, on le sait, les appellations n’ont jamais fait les bons vins».
Bonne chance à qui aspire au piédestal: plus dure sera la chute!
©thomasvino.ch