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Posted on 18 juin 2012 in Récemment dégusté

Chappaz-Grognuz, deux exemples valaisans et vaudois

Chappaz-Grognuz, deux exemples valaisans et vaudois

Vins de concours et bon vignerons

Les exceptions
qui confirment la règle

La  multiplication des concours, régionaux (sélections cantonales), nationaux (Grand Prix du Vin Suisse), internationaux (Mondial de Bruxelles, Vinalies de Paris), de cépages (rien qu’en Suisse, Mondial du Chasselas à Lausanne-Aigle, Mondial du Pinot Noir et, dans la foulée, pour la première fois cet été à Sierre aussi, et non à Lugano, Mondial du Merlot) engendre une grande dispersion qui réduit la représentativité de ces compétitions.
Parallèlement, de plus en plus de vignerons, parmi les meilleurs de Suisse, renoncent à payer 150 à 200 francs par vin inscrit à ces compétitions, souvent trop généreuses en distinctions (14% de médailles d’or au premier Mondial du Chasselas!) pour faire la différence, même aux yeux de l’acheteur lambda. Il faut donc débusquer ces vignerons talentueux, à Arvinis, à Morges, aux Quatre Glorieuses, réservées aux professionnels, en mai, à Martigny, à VINEA (qui a renoncé à la dégustation du premier dimanche de septembre, conservant le vendredi soir et le samedi, cette année) ou au gré des circonstances.
Ainsi, lors d’un excellent repas au Grand Hôtel du Lac, à Vevey, concocté par le jeune chef Thomas Neeser (une étoile au Michelin, 15 points au GaultMillau), on a passé en revue la gamme complète des Grognuz, père et fils, Marco et François, vignerons à Saint-Saphorin (Vaud) et aux Evouettes (Valais), avec cave à mi-chemin, à Villeneuve. Depuis longtemps, le duo réalise quelques uns des meilleurs vins suisses. Ils ont osé prendre des risques, comme de passer deux de leurs chasselas, «Les Chevaliers», un  Saint-Saphorin Grand Cru, et «Les Rois», Villeneuve, sous bois — des barriques de troisième et quatrième passages. Leur parc à barriques sert à élever un excellent chardonnay, moderne, vanillé, gras et de structure moyenne, d’une grand élégance en 2011, mais aussi le fameux pinot noir «Sang-Bleu», un des rares pinots romands à mériter la comparaison avec des bourgognes, ne serait-ce que par la subtilité de l’élevage. Le 2009, marqué par la cerise confite, la griotte mûre, est parfait aujourd’hui, un tantinet moins puissant que le 2007 (VINEA d’or). S’ajoute un viognier, lui aussi très élégant, passé dans des barriques usagées, auquel il faut laisser un peu de temps pour s’épanouir pleinement, et un rare liquoreux, «Nobles Caprices», mi-viognier, justement, et mi-gewurztraminer surmaturé. Mais leur grande réussite, cette année, c’est un sauvignon des Evouettes 2011, aux arômes de fleurs de sureau somptueux, bien balancé entre la puissance aromatique et l’acidité (sans malo!). Le secret de ce grand vin? Un changement dans la vinification, avec une macération à froid du raisin,  préfermentaire, de 12 heures, pour extraire tous les arômes du sauvignon blanc. Jusqu’ici, leur sauvignon se développait sur des arômes de fruits exotiques, de mangue, moins profonds qu’en 2011.
Des risques, la Valaisanne Marie-Thérèse Chappaz, à Fully, a dû en prendre à la vigne, avec son pinot noir, elle qui s’est convertie intégralement à la viticulture en biodynamie. Ainsi, elle signe un magnifique Grain Pinot 2011, alliant puissance et élégance, avec de magnifiques arômes frais de griottes, et des notes d’élevage en bois de belle noblesse. Mais à quel prix! Elle a dû trier ses raisins à la vigne déjà, selon le système des deux cagettes : le meilleur raisin d’un côté (un quart, à peine), l’autre dans un autre récipient. Outre sa dôle, toujours réussie, elle a donc élaboré en 2011 une grande quantité de rosé, selon le bon principe qui prévaut à Neuchâtel, où les années de pinot noir moyen sont très favorables à l’œil-de-perdrix. De fait, le rosé 2011 de La Liaudisaz est un excellent œil-de-perdrix, vif et crémeux, bient typé pinot. Dans les blancs, on a bien aimé son trio de chasselas-fendants, avec une prime au Plaimont, d’une belle vivacité (sans malo), mais avec de la minéralité; le Liaudisaz est plus puissant et le Président Troillet, taillé pour tenir quelques années, comme d’habitude — il s’exprimera plus tard! L’arvine et le Grain Cinq ont un peu de sucrosité… Les rouges sont magnifiques, à l’instar d’un Grain Mariage 2011 bien marqué par la typicité de l’humagne (70%) et lesté par la grande matière du cornalin (30%). Le Grain Cornalin 2011 est bâti sur le binôme d’une grande matière quasi confite et une acidité présente, avec des arômes de mûres, de myrtilles et de sureau ; cette magnifique matière évolue vers des notes denses et chocolatées. Le Grain Syrah 2011 devrait se révéler avec le temps : ce vin, à la robe noire, est encore recroquevillé sur une matière très extraite. Quant au Grain Noir 2011, assemblage de style bordelais, il exhale des senteurs de café, de cassis, sur une trame tanique serrée, d’un vin puissant et gras, qu’il faut aussi laisser évoluer sur plusieurs années pour en apprécier la pleine mesure.
Voilà, en-dehors des concours, médailles, des vins qui font honneur au terroir, et plus encore aux hommes et aux femmes qui savent les élever.
©thomasvino.ch