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Posted on 14 janvier 2005 in Adresses, Restos

Saint-Léonard (VS) — Buffet de la Gare

Saint-Léonard (VS) — Buffet de la Gare

Buffet de la Gare de Saint-Léonard (VS)
Coup de soleil au buffet

Redistribution des cartes dans ce bistrot de village, juste à côté de la station CFF où les trains s'arrêtent à nouveau. Les Bovier les regardent passer depuis 1915. Grand-père, puis père (dès 1958), puis frère cadet (dès 1992) et enfin sœur (depuis huit mois) d'Edgard Bovier. Pourquoi parler de lui, qui ne fait ici qu'une escale? Parce que ce chef, monté quatorze ans au bord du lac de Zurich, à l'Ermitage de Küsnacht, y avait obtenu la consécration le propulsant parmi «les grandes tables de Suisse». Ce presque quinquagénaire ne terminera pas sa carrière en Valais… A la veille d'un nouveau challenge comme chef exécutif du Lausanne-Palace, il dit «C'est ma maison. Je vais garder un œil dessus». Il y a surtout installé deux jeunes cuistots qui l'ont côtoyé durant sept ans, Julien Réguillon et Michel Leloup.
Dehors, comme dedans, la maison a reçu un sacré coup de soleil. Et de badigeon: peinte en rouge brique, elle rappelle Nice ou Gênes. La cuisine est au diapason, résolument méditerranéenne. Genre bon chic, bon genre… Si le volume de l'ancienne salle, et son splendide parquet où les Valaisan(ne)s guinchaient le samedi, n'ont pas changé, le plafond a viré du blanc au noir. Le mobilier demeure genre brocante et les murs, ocres, font toujours office de cimaise. Seul un gros meuble, «une drapière», occupe le centre de la salle pour diviser ce vaste espace.
Du Sud très tendance
Avec ses deux menus à 48 et 66 francs (allongé d'un plat, à 84), des entrées entre 19 et 27 fr., des plats autour de 35 et des desserts à 10 fr., le créneau visé fait très tendance. Le tout servi avec entrain et bonne humeur! Balsamique, dans la fraîche salade, huile d'olive du patron, venue en droite ligne de Ligurie (Tagiasca), jambon d'Espagne ou fleur de sel de Guérande sont au rendez-vous.
Côté soleil toujours, la ricotta, les tomates séchées et les artichauts sous une lasagne. Et, sortant des sentiers battus, des canneloni qui s'acoquinent à une farce de daube et du fromage d'alpage. Le cabillaud tombe dans l'assiette en gros pavé, et justement cuit. Un beurre moussu adoucit des crevettes, escortées d'artichauts. Tandis que la daube a l'accent niçois, avec ses «panisses», des palets à la purée de pois chiche. Parmi les desserts, des souvenirs gruériens (meringues au feu de bois!) le disputent à une classique crème brûlée ou à une «arlette» (un peu tarte) mariant dattes, mascarpone et confiture de lait.
Tout cela est habilement tourné, alternant fraîcheur et mijoté, simplicité et sophistication. Edgard Bovier est est fier: «C'est ma touche.» Donc, pas touche!

La bonne adresse
Buffet de la Gare, Saint-Léonard (VS)
tél. 027 203 43 43
fermé dimanche soir, lundi et mardi à midi

Le vin qui va avec…
Un vin plus par moins

De bons flacons, les Bovier n'ont pas eu à aller les chercher bien loin. Par exemple, juste à côté, chez leurs cousins, les frères Christophe et Antoine Bétrisey, de Saint-Léonard. Des passionnés, ces deux-là! Ils ne font pas moins de dix barriques de diolinoir, passé en fûts durant dix mois. Ce «nouveau cépage» a été croisé à Changins dans les années 1970 entre le Rouge de Diolly — en fait du robin noir que le Dr Wuilloud avait planté en son domaine sédunois — et le pinot noir de même extraction. Résultat, une variété «qu'on ne trouve qu'en Suisse et qui mûrit surtout en Valais», souligne Christophe Bétrisey. Il donne un vin moins fruité que le pinot, moins végétal que l'humagne et moins épicé que la syrah. Mais tous ces moins font un plus, habillé d'une belle robe foncée, avec des accents sudistes de jus corsé. Celui des Bétrisey affiche une rare élégance, loin de la réputation de «vin d'assemblage» qu'on fait au diolinoir. Même si le duo l'a aussi utilisé en 2003 pour son premier «Sang de reine», à majorité de pinot, enrichi de gamay, de gamaret et de diolinoir, une dôle qui rend hommage aux vaches valaisannes, ces «lutteuses».

Chronique de Pierre Thomas, parue dans Le Matin-Dimanche, en mars 2004