Champéry (VS) — Chez Coquoz
A la chasse aux champignons
D'accord, l'adresse n'est pas nouvelle. Elle a même traversé la deuxième partie du 20ème siècle en surfant sur les modes. Premières vacances? Le téléphérique de Champéry à Planachaux emmène les touristes aux dortoirs du chalet Coquoz, des 1952. Les Portes du Soleil s'ouvrent-elles sur des champs de neige franco-suisses, et hop, voilà une assiette-skieur en self-service dès 1966…
Et puis, les sportifs aiment bien un petit remontant: la fille des fondateurs, Agnès, a découvert le charme des vins lors de son cours de cafetier, en 1985. L'ex-dortoir s'est mué en coin-vinothèque. Sous la maxime américaine «Life is to short to drink bad wine» — la vie est trop courte pour boire de mauvais vins — la cave renferme pas moins de 180 références de 22 vignerons-encaveurs, parmi les meilleurs du Valais, des Evouettes à Salquenen. Et les trente-cinq cépages présents sur le marché y figurent. «Je viens d'apprentre qu'un encaveur commercialise du petit-verdot pur. Je l'aurai!», s'exclame Agnès (lire ci-contre).
Mais on ne va pas à Planachaux, à pied, en téléphérique ou par une route en lacets, pour contempler de la terrasse le glacier du Ruant et les Dents blanches en sirotant une amigne de Vétroz. On s'y rend aussi pour la cuisine. Qui dit septembre sous-entend champignons… Il aurait certes fallu d'autres orages que le mémorable vécu là-haut il y a quelques jours pour faire sortir chanterelles et bolets du bois sec. Mais les Gex-Coquoz, Philippe en cuisine et Agnès en salle, vont ameuter tous les mycologues pour apprêter un mois durant soupes, croutes, potées, fondue aux bolets, terrine aux mousserons et autre ragoût d'éperviers. Et sinon, il y a toujours les herbes dont se repaissent les gastronomes. Agnès ramène de ses promenades du rumex alpin, de la livêche sauvage ou de l'aspérule odorante. Le premier se transforme en originaux gnocchis, la deuxième garnit un filet de veau et la troisième enrichit des desserts…
Le restaurant Coquoz est affaire de famille: la sœur d'Agnès, Marie-Paule, y sert aussi. Et son fils, Alban, 23 ans, bardé des triples diplômes de pâtissier, cuisinier et cafetier, donne un coup de main. C'est lui qui tourne les glaces à l'origan, à la myrte odorante de Chavannettes, à la livêche ou à la reine des prés. Eté comme automne, à Planachaux, le bonheur est dans le pâturage…
La bonne adresse
Restaurant Coquoz
Planachaux sur Champéry (VS)
tél. 024 479 12 55
Ouvert tous les jours jusqu'au 10 octobre
(fermé jusqu'à mi-décembre)
Le vin qui va avec…
Un grand cornalin
Pas facile de désigner un vin, quand on en a 180, tous valaisans, en cave. Mais Agnès Gex-Collet cite sans hésiter le cornalin «Quintessence» de Benoît Dorsaz, de Fully. «Je le considère comme un aristocrate parmi les vignerons valaisans. Ce cornalin est superbe! Il est parfait parce qu'il est équilibré.» Et la patronne espère bien pouvoir en réserver quelques (rares) flacons pour les servir à leur apogée, dans cinq ou six ans… Elevé en barrique, ce grand «rouge du pays» valaisan exhale des parfums de mûre et de cerise noire. Il conjugue fraîcheur du fruité, trame tannique serrée et belle longueur en bouche. S'il avait fallu en citer un autre, une mondeuse savoyarde de Louis Trosset aurait fait l'affaire: l'héritier du domaine, professeur lyonnais, a signé la préface d'un savant «Voyage en Val d'Illiez».
Chronique de Pierre Thomas, parue dans Le Matin-Dimanche, septembre 2003.