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Posted on 16 janvier 2005 in Vins suisses

Valais — Nicolas Bagnoud, proviniste reconverti

Valais — Nicolas Bagnoud, proviniste reconverti

Nicolas Bagnoud,
au bout de sa passion

«On ne dort pas toujours tranquille, mais je ne l'ai jamais regretté», confie Nicolas Bagnoud. A 49 ans, il n'est pas un «jeune» vigneron, «mais un nouveau vigneron». Livreur de raisin durant près de vingt ans, il s'est retiré de la coopérative Provins en 1999 pour devenir vigneron-encaveur. Un parcours singulier en Valais.
Par Pierre Thomas
«J'ai une démarche très viticole: je fais un vin de viticulteur, pas d'œnologue», explique Nicolas Bagnoud dans sa nouvelle cave, bâtie dans un style de mazot valaisan climatisé, sur ce «plat de Valençon», terrasse naturelle qui surplombe la vallée du Rhône.
Ses vins, le vigneron-encaveur les étiquette tous sous le nom de «Coteaux de Sierre», la plus vaste AOC de Suisse. Sur son patchwork de 5 hectares — 1,5 ha de vignes familiales, 2 ha de vignes en location, le reste en vignes reprises de la coopérative — il reste du chasselas. Qui donne un fendant minéral et gras, gorgé du soleil sierrois, mais à 700 m. d'altitude. «Je vais toujours en garder. 4000 m2 me suffisent pour faire un bon produit. Le fendant, à mes yeux, reste un vin d'accueil irremplaçable.»
Une seule et même profession
La promotion d'un produit de qualité, c'est déjà une réponse aux enjeux de la viticulture. Nicolas Bagnoud, un des rares viticulteurs à vivre de son métier chez Provins — ils ne sont qu'une petite vingtaine sur près de cinq mille sociétaires… —, s'est toujours beaucoup investi dans la défense professionnelle. Du jour au lendemain, il s'est même retrouvé, dans l'Interprofession du vin du Valais, représentant des fournisseurs de raisin, puis des vignerons-encaveurs. Aux antipodes de l'éventail vitivinicole, donc… A-t-il pour autant changé de camp? «Non! On fait partie de la même profession. Comme fournisseur de raisins, je me suis toujours considéré comme un indépendant. Seulement, quand on commence à avoir un niveau technique dans la vigne, on a besoin de reconnaissance», confie celui qui, après un apprentissage de paysagiste, a décroché en cours d'emploi son CFC de viticulteur, parachevé par une maîtrise fédérale en viticulture.
Une gamme tout en fruit
«Et si la reconnaissance ne vient pas, la motivation se perd. Il faut donc aller chercher plus loin l'épanouissement… Avant, je n'avais plus de souci après la livraison du raisin. Aujourd'hui, il y a la cave et toute la partie commerciale. Et surtout la satisfaction de réaliser le travail de bout en bout. Mais la qualité de vie est difficilement comparable» constate-t-il, trois vendanges après avoir sauté le pas. Et ce père de famille de quatre enfants encore jeunes rend hommage à son épouse, enseignante à plein temps: «Son revenu régulier nous a permis de démarrer et d'avoir la confiance de la banque.»
En cave, Nicolas Bagnoud, ne cherche pas midi à quatorze heures. «Tout est question d'équilibre. Le vin me sert à mettre en valeur le travail à la vigne». Toute la gamme joue donc sur le fruit. Du pinot noir «qui se plaît bien ici, à mi-coteau» au cornalin, petit dernier de la cave: «On en livrait depuis dix ans à la coopérative. J'ai dû l'apprivoiser: je le vinifie comme le pinot, en version fruitée».
Viticulteur d'abord, il a été surpris par le comportement des divers cépages durant les fermentations: «Prenez la petite arvine, elle est presque impossible à gérer, tandis que la malvoisie, on ne l'arrête pas. C'est comme ça: certains vins nous dictent la marche à suivre!»
«En Valais, il y a de la marge!»
Gamay, assemblage rouge en cuve — très frais, revendiqué comme un «rouge du Sud» avec son apport de diolinoir et de cabernet sauvignon, en plus du pinot noir —, humagne blanche, assemblage blanc et deux vins surmaturés, un mariage insolite de pinots blancs et gris, et une splendide vendange tardive d'ermitage complètent l'éventail. N'est-ce pas trop? «Je veux garder une taille critique et faire avec ce que j'ai…» Ses cinquante parchets disséminés sur le coteau, le vigneron les travaille avec un employé portugais à plein temps et des renforts temporaires de mai à juillet.
Et comment Nicolas Bagnoud voit-il l'avenir de la viticulture valaisanne? «On peut descendre à mille hectares de chasselas (réd.: soit 500 de moins qu'aujourd'hui). Toutes les vignes de fendant en trop peuvent être transformées en spécialités. On en parle plus qu'il y en a réellement: à 60 hectares, la petite arvine reste confidentielle. Pour ouvrir un marché, il en faudrait dix fois plus! Il y a encore de la marge, j'en suis convaincu. Le seul risque, c'est l'erreur d'encépagement. Si la vigne est mal travaillée, c'est momentané. Si on a mal planté, c'est plus grave!». Viticulteur, toujours. Et qui oserait prétendre aujourd'hui qu'un bon vin ne se fait pas d'abord à la vigne?

Portrait paru dans Terre & Nature en septembre 2003.