Valais — Aoste ou Sierre capitale des vins de montagne?
Les sixièmes rencontres vinicoles de Sierre ont eu lieu le week-end passé. En vedette, le «Mondial» du pinot noir et les vins de montagne.
Par Pierre Thomas
C'est, désormais, un rendez-vous annuel que l'on qualifiera d'«incontournable»: les rencontres vinicoles de Sierre allient l'esprit festif d'une dégustation publique à ciel ouvert dans l'avenue principale de la «cité du soleil» et des réunions de prestige autour de thèmes plus confidentiels, qui intéressent œnophiles et œnologues. Par exemple, cette année, la Société suisse des exportateurs (SWEA), avec les frères Rouvinez, de la Colline de Géronde, invitaient une brochette de journalistes étrangers pour apprécier des flacons de vieux millésimes, héritage de la maison Orsat, à Martigny, que la famille sierroise a rachetée.
L'échelon manquant
Ca n'était pas la seule ouverture sur l'étranger. Bénéficiant du patronage de l'Office international de la vigne et du vin (OIV), le concours des vins a pris du galon: il se proclame désormais «Mondial du pinot noir». Au total, 525 vins ont été présentés, avec 18% d'étrangers, en progression, 37% de valaisans, où le pinot noir reste solidement accroché aux pentes et terrasses, et 45% de vins suisses.
Entre la «vitrine des vins valaisans» et la «mondialisation» de la compétition, la seule chose qu'on pourrait reprocher à la manifestation sierroise, c'est d'ignorer l'échelon intermédiaire. Les Vaudois et les Romands en général ont de la peine à considérer Sierre comme une destination, un mois avant les vendanges. Dommage! Et les organisateurs sierrois ne font pas grand'chose pour attirer ce public potentiel.
Quels vins de quelles montagnes?
L'autre signe d'ouverture, c'est la session qu'a tenue, la semaine passée, le CERVIM (Centre de recherches, d'études et de valorisation de la viticulture de montagne). L'enthousiasme des Italiens pour la défense des «vins de montagne» ne les soulèvent guère au nord des Alpes… Les Valaisans, cultivant l'image d'une Californie de l'Europe, au climat certes alpin, où les coteaux sont complétés par une plaine indéniable, dédaignent d'être classés dans cette «viticulture héroïque», comme la nomme un professeur italien.
La notion de «vin de montagne» a, du reste, été notablement élargie: il s'agit de vins provenant de vignes cultivées à plus de 300 m. d'altitude (donc presque partout en Suisse!) ou dans des pentes de plus de 30%. Sur les 200'000 ha de vignes répondant à ces critères (soit 5% de la surface européenne…), l'Italie en revendique 93'000, l'Autriche 31'000, l'Allemagne 23'000, la France 12'000, le Portugal 6'000 et la Suisse 3'800. Les Vaudois de Lavaux pourraient présenter leurs vins au concours d'Aoste (voir encadré). Mais, ironise un producteur valaisan, on verrait mal les «seigneurs du Dézaley» s'accommoder de l'étiquette de «vin de montagne» qui longtemps en Suisse a qualifié sous le vocable de «montagne supérieur», le pire des vins de table…
L'Europe hors-jeu
L'enjeu de la viticulture de montagne tourne autour d'une «exception» culturale et culturelle que ces vignobles entendent défendre dans l'Europe communautaire, avec des subventions à la clé. Vu de Suisse, le CERVIM, basé en Vallée d'Aoste, auquel l'Etat du Valais a décidé d'adhérer cette année, ne présente pas le même intérêt. Le «sondernfall» helvétique a, du reste, causé une désillusion: pour des raisons douanières, les bouteilles primées à Aoste n'ont pu être que vues et non bues à Sierre! Pleines elles étaient entrées en Suisse, pleines elles devaient retourner en Italie.
Eclairage
Deux concours, deux impacts
Sous l'œil expert de Mike Favre, secrétaire de l'Union internationale des œnologues, le «Mondial du pinot noir» vise la reconnaissance internationale. Sur 525 vins présentés, un jury de plus en plus professionnel a attribué 24 «Cépages d'or».
Pour la Suisse, la Thurgovie a fait très fort, avec 4 distinctions, autant pour les Grisons et 6 pour le Valais (qui présentaient plus de vins), 2 pour Argovie, 1 pour Schaffhouse. Ni pinot vaudois, ni neuchâtelois… L'Argentine, l'Autriche, la Bourgogne, l'Italie (avec deux pinots du Haut-Adige), le Luxembourg et les Etats-Unis complètent le palmarès. 133 vins ont obtenu un accesit, un diplôme d'argent, portant à 33% le nombre des vins primés, en conformité des normes de l'OIV.
A Aoste, pour le même nombre de vins présentés (539), les médailles d'or sont près de trois fois plus nombreuses qu'à Sierre (66). Cinq blancs, tous du Haut-Valais, sept merlots tessinois (dont 4 de la Cantina Giubiasco) et six rouges valaisans décrochent la distinction suprême. Ensuite, c'est l'inflation des médailles d'argent (234) et de bronze (191), portant à 91% le taux des vins primés…
Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue en septembre 1999.