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Posted on 26 janvier 2005 in Conso

Les divers styles de portos

Les divers styles de portos

Un seul porto, divers styles
Comme le champagne ou le xérès, le porto intrigue. Il se décline en plusieurs styles, loin de l’image (française) du vin doux à siroter glacé à l’apéritif. Et comparaison n’est pas toujours raison.
Par Pierre Thomas
Le quinté en tête de notre dégustation résume bien l’offre des portos en supermarchés. D’abord, le vainqueur, venu d’où on ne l’attendait pas : le seul Ruby de la dégustation. Pas bon marché — près de 20 fr. — pour du bas de gamme, mais d’une excellente maison — Niepoort. Ensuite, un vieux Tawny de 10 ans, le plus cher de la dégustation (plus de 30 fr.), d’une bonne maison lui aussi (Dow, du groupe Symington). En embuscade, deux portos courants, d’une honnête fraîcheur d’arômes. Et au cinquième rang, un vin qui a divisé le jury : le Tawny 10 ans d’âge d’Osborne, un des grands producteurs de xérès espagnol, qui porte la signature gustative des vins oxydatifs, jugés désuets aujourd’hui. Soit pour cinq portos, quatre styles (lire ci-dessous).
Un vin muté à l’alcool
Pourquoi le porto fascine-t-il l’amateur de vins éclairé ? Parce que, comme pour le champagne et le xérès (grand vin sec d’Andalousie), le talent des hommes y est plus important que la matière première. Jusqu’il y a peu, on croyait qu’un bon porto se faisait à la cave et non dans la vigne…
Rappel utile : les portos titrent entre 19° et 20° d’alcool et figurent au rayon spiritueux des grandes surfaces. Le mutage, soit l’ajout d’alcool pour bloquer la fermentation du moût afin d’en garder les arômes jeunes et fruités et une certaine douceur (plus de 30 g. de sucre résiduel), est un procédé aussi habile que la prise de mousse pour valoriser les (petits) vins de champagne. Comme à Reims, la maîtrise technique du processus et la nécessité de stocker une grande quantité de vin a engendré une mainmise négociants-éleveurs. Pour se singulariser, ils développent un style «maison» pour un produit non millésimé. A porto, le long vieillissement en fûts facilite ce contrôle.
Une vallée à grands vins rouges
Mais la vallée du Douro est en train d’exploser. Deux siècles et demi après que le marquis de Pombal fut le premier au monde à délimiter la région de production, les viticulteurs (ils sont plus de 40'000 pour 40'000 hectares, une surface qui a presque doublé en 20 ans !) s’intéressent enfin aux raisins. Souvent, les cépages originaux (touriga franca, touriga nacional, tinta barroca, tinta roriz, tinta cào, bastardo) se mélangeaient sur les terrasses abruptes qui dominent le fleuve Douro, dans ce paysage d’une rare beauté, classé au patrimoine mondial par l’UNESCO.
Aujourd’hui, nombre de domaines (les «quintas») font de grands vins rouges secs, minéraux  — les ceps poussent sur des terres mêlées de granit et de schistes —, à la fois puissants et élégants. D’autres élaborent leur porto haut de gamme millésimé «à domicile», alors que depuis des siècles, le jeune vin prenait le chemin de Villa Nova de Gaïa, en face de la magnifique ville de Porto, où se situent les entrepôts de vieillissement du précieux breuvage.
Un conseil : il vaut la peine de s’initier à la dégustation des portos à travers leur diversité. Il existe une hiérarchie au-delà des tawnies, fond de commerce des grandes maisons. De l’apéritif au digestif, en passant par des plats riches, la cuisine asiatiques ou les desserts, un porto peut convenir à chaque moment.

Les styles de porto et leur durée de vie
Ruby — Bas de gamme des portos ; assemblage de jeunes vins (2 à 4 ans), d’où la couleur homonyme. Flacon ouvert + 1 mois.
Vintage Character — Assemblage de ruby de 3 à 4 ans en fûts. Ce type devrait disparaître. Flacon ouvert + 1 mois.
Tawny — Roux en anglais, pour une robe qui pâlit après 3 à 5 ans de fûts. Flacon ouvert + 2 mois.
Tawny + 10, 20, 30 et plus de 40 ans — L’âge avoué est une moyenne des vins en fûts. Type oxydatif affirmé. Flacon ouvert + 2 mois.
Colheita — Un tawny d’un seul millésime. A ne pas confondre avec un «vintage». Flacon ouvert + 1,5 mois.
Vintage — Vin d’une seule année, mentionnée sur la bouteille. N’a mûri que deux ans en fûts (non oxydatif). Elaboré avec les meilleurs raisins des meilleurs domaines ou d’un seul («single quinta», très à la mode !). Le «top» du porto. Paradoxe : doit se consommer rapidement comme un grand vin rouge sec.
LBV – Late Bottled Vintage — «Vintage» de 4 à 6 ans d’âge, non oxydatif, prêt à boire dès sa mise en vente. A boire rapidement.
Porto blanc— Issu de raisins blancs, en fûts ou en cuves deux ou trois ans. Très sucré. Pour l’apéritif, avec des glaçons (les rouges se consomment frais mais pas glacés, pour ne pas «tuer» les arômes).
A lire : «L’Esprit du Porto», Alain Leygnier, Hachette

Article paru dans Tout Compte Fait en décembre 2004