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Posted on 13 juillet 2005 in Conso

La salade des vinaigres balsamiques

La salade des vinaigres balsamiques

Test de produits achetés en supermarché
La salade des balsamiques

Le vinaigre balsamique est partout. Préféré des Suisses, il rehausse les plats d’été, de la salade au dessert. Mais qu’est-ce qu’un bon balsamique ? Le jury du magazine de consommation «Tout Compte Fait» tente d’y voir clair.
Par Pierre Thomas
L’honneur du «vinaigre balsamique de Modène» paraît sauf. C’est un produit estampillé d’un label qui l’emporte. Hélas, ce liquide, même s’il en approche, n’a pas grand’chose à voir avec l’«Aceto balsamico tradizionale di Modena» (lire dessous). Car ce précieux condiment est victime de la même confusion qui menace le fromage à raclette. Rappel : les producteurs valaisans ont réussi, en 2003, à convaincre l’Office fédéral de l’agriculture, à Berne, que le mot raclette, et non l’adjectif valaisan, doit être protégé. Au grand dam des industriels suisses qui produisent 85% du fromage à racler et qui épuiseront les voies de recours.
Une notion non protégée
En Italie, aucun mot du trio «Aceto balsamico di Modena» n’est protégé. Pour preuve, on trouve en supermarché des produits de tous horizons qui s’en réclament, allant de 6,60 fr. le litre à 143,60 fr. dans notre test. Le moins cher bénéficie également du label du «Consortium du vinaigre balsamique de Modène» (CABM). A la différence du premier classé, vieilli plus de trois ans dans des fûts, celui-ci a passé au maximum trois ans. Notre jury, formé d’une majorité de sommeliers, a estimé qu’il ne s’écartait guère, tant dans la consistance qu’au goût, d’un vinaigre de vin normal.
Pourquoi payer 3 à 70 fois le prix d’un vinaigre ordinaire (vendu autour de 2 francs le litre dans les mêmes supermarchés) un liquide dont l’usage ne dépassera pas la salade ? C’est là l’astuce ou le génie des élaborateurs italiens. Et ça marche : l’an passé, les Suisses ont acheté 3,3 litres de vinaigre par habitant (12 fois moins que le vin, certes !). Selon l’institut de recherche sur la consommation ACNielsen, qui donne ce chiffre, le «balsamique» est le préféré de 44% des Suisses, devant le vinaigre de vin (32%) et celui de pommes (14%). La majorité des ventes a lieu entre mai et août.
Un label «B»
Pour être un condiment original qui permette un usage subtil en cuisine, le vinaigre doit posséder des qualités particulières. Au début du 19ème siècle, un spécialiste distinguait le vinaigre tiré de moût cuit, jugé «sublime», de celui obtenu par moût fermenté ou à partir de vin. Les producteurs de l’Emilie-Romagne font valoir leur savoir-faire depuis le Moyen-Age. Mais la codification de la recette la plus courante ne date que de quarante ans (1965). Les producteurs réunis dans le CABM depuis 1993 garantissent que «leur» vinaigre a été produit et mis en bouteilles dans la zone d’origine. Depuis douze ans, ils courent après l’indication géographique protégée (IGP). Le dossier paraît enlisé et le label demeure un «label B»…
A l’exception de deux vinaigres bio et de celui muni du label CABM rouge, tous les produits de notre test mentionnent l’adjonction de caramel et/ou d’antioxydant, et un taux d’acidité de 6%. On est loin de l’élixir dont le compositeur Rossini disait : «Une seule goutte de vinaigre de Modène, à l’efficacité rafraîchissante et balsamique, réussit à me redonner la santé et la paix de l’esprit.»

Eclairage
Le seul vrai:
l'«Aceto balsmico tradizionale di Modena»

C’est fou ce que les flacons de balsamique sont inventifs ! Le seul, l’unique, «Aceto balsamico tradizionale di Modena», se reconnaît lui aussi à une petite bouteille, courte et ventrue, de 100 ml (1 dl), estampillée d’un sigle. Il a obtenu la DOP (dénomination d’origine protégée) depuis avril 2000. Ce vinaigre est à base de moût de raisin cuit d’ugni blanc (trebbiano), le frère italien du raisin du cognac. La cuisson caramélise naturellement les sucres du raisin et réduit le volume d’un à deux tiers. Ce liquide fermente très peu et se transforme en vinaigre dans de petits tonneaux. Il est transvasé de fûts en fûts, passant du chêne au châtaignier, au cerisier, au frêne, au mûrier, voire au génévrier, selon un système dit de solera, connu pour le xérès. Ces opérations donnent sa patine complexe au liquide, qui continue à s’évaporer. Le lent processus se déroule sur douze ans au moins et la mention «extra-vieux» exige vingt-cinq ans de vieillissement. Aucun vinaigre d’un tel «pedigree» ne figure dans notre test.

Le jury de TCF
Nathalie Borne, meilleur sommelier romand 2004
Frédéric Compain, sommelier, Vétroz (VS)
Claudio de Giorgi, président Association romande des sommeliers
Jean-Christophe Ollivier, chef sommelier, Beau-Rivage, Genève
Jean Solis, double champion suisse de dégustation

Le classement des 12 vinaigres dégustés
1) Antica Modena Acetum, Coop, 14,6 points sur 20
2) Nabucco, Manor, 13 pts
3) Villa Bellentani, Aligro, 12,8 pts
4) Mussini Serie 9, Manor, 12,8 pts
5) Carapelli, Aligro, 12,4 pts
6) Ponti en barrique, Migros, 12,2 pts
7) Ponti (normal), Migros, 11,2 pts
8) Carlotta, Denner, 11,2 pts
9) De Nigris, 4 stars, Casino, 11 pts
10) Sasso, Casino, 10,8 pts
11) Bertolli, PickPay, 10 pts
12) Bio Naturaplan, Coop, 10 pts

Les commentaires détaillés sont publiés dans le numéro de juillet-août de Tout Compte Fait, www.toutcomptefait.ch