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Posted on 10 octobre 2005 in Adresses, Restos

Estavannens (FR) — Café des Montagnards

Estavannens (FR) — Café des Montagnards

Café Les Montagnards, Estavannens (FR)
Chasse de (première) saison

La question revient, pile poil, à chaque automne : «Auriez-vous une bonne adresse pour la chasse?» Disons-le d’emblée: les «bonnes adresses» généralistes n’ont pas pour habitude de rater le gibier. Et, comme il y a une justice pour les braconniers, peu de restaurants se révèlent d’un coup de cartouche ou d’un tour magique de gibecière quand passe (à portée de frigo) un chevreuil en selle ou en civet.
Pilote…de chasse
L’autre jour, on est donc tombé sur une adresse un peu hors des sentiers battus. Les Montagnards, dans le petit village gruérien d’Estavannens d’en Bas, se taillent une réputation locale, qui tient encore du «round» d’observation. Hélène Mossu et Bernard Perdrisat n’y sont installés que depuis quelques mois. «Tous les jours, c’est une découverte et nous n’avons pas encore fait le circuit d’une année», explique la patronne, bien connue dans la région. Elle avait notamment tenu la buvette de l’aérodrome de la Gruyère, à quelques kilomètres à vol d’oiseau. Quant à Bernard Perdrisat, il ne se contente pas de signer les aquarelles de la belle salle à manger boisée à l’étage, mais est également aux fourneaux. Une nouvelle vocation pour ce fils de boulanger-pâtissier genevois, lui-même confiseur, chocolatier et glacier, ravi à son premier métier par la passion aérienne. Très jeune, il a troqué le fouet à crème contre le manche à balai. Quelques centaines d’heures de vol plus tard, voilà le pilote-instructeur avec sa compagne aux commandes d’une cuisine. Un «looping» professionnel où il ne vaut mieux pas se louper…
Sous son auvent en berceau, la maison a bien du charme. Au café du rez, comme dans la salle à manger, restaurée et décapée après un incendie, il y a cinq ans, le cadre est accueillant et confortable. Outre un menu du jour à 16 fr., le midi, la carte est courte — bon signe ! — servie midi et soir.
Faux clin d’œil à Irma Dütsch
Malgré «la chasse», le duo en cuisine a maintenu, à un prix d’ami (32 fr.), la «pintade au foin». Retraitée du Fletschhorn à Saas-Fee, Irma Dütsch, née Grandjean à Estavannens, proposait dans son album «Esprit de cuisine» (AT Verlag 1998) une «poularde de Gruyères en cocotte luttée» et poignée de bon foin… Pure coïncidence ! Car c’est plutôt du côté du Genevois Philippe Chevrier qu’a soufflé l’inspiration. Mais avec un authentique produit du coin, une pintade «Belle-Luce» d’Epagny-Gruyères, enrichie de foin local. L’autre jour, cuisse et filet n’ont pas échappé à une légère sécheresse, mais avec un goût de reviens-y, teinté d’estragon : une bien jolie sauce. Comme celles du gibier. Ici, les fonds sont maison. Un trait de sureau, sans mièvrerie, pour des médaillons de filet de cerf parfaitement cuits et tendres (30 fr.), du poivre vert et noir pour souligner un râble de lièvre (32 fr.). Garniture classique, avec des spätzlis (maison aussi…), du chou rouge, des châtaignes parfumées à l’anis et une poire aux airelles. D’accord, le gibier, livré frais, n’a pas été tiré dans les verts sapins qu’on aperçoit des fenêtre à carreaux et le fusil de chasse de l’entrée fait partie du décor, à côté d’une gravure de braconnier de Frédéric Rouge et quelques trophées…
Ajoutez, en entrée, une excellente terrine de foie gras aux raisins et pignons (20 fr.) ou une terrine de canard vigousse au poivre vert, gelée à la cannelle (13 fr.), et, en sortie, un parfait (glacé) au chocolat et crème de whisky (12 fr.) ou des meringues, vin cuit et crème double (8 fr.), pour faire bonne mesure… Ce dimanche, vous tombez sur la Bénichon et son repas traditionnel. Ensuite, chasse jusqu’au début novembre, puis la cochonnaille. Que demandent de plus les montagnards, bon pied, bon goût?

La bonne adresse
Café-Restaurant Les Montagnards
Estavannens
Tél. 026 921 19 19
Fermé lundi et mardi

Le vin tiré de la cave
Un si tendre malentendu

L’humagne rouge, cépage rouge valaisan, cultive les malentendus sur 132 hectares. D’abord, ses défauts — une rustique verdeur — sont pris pour des qualités. C’est que l’humagne n’est pas seulement tardive, mais encore prolifique… Et quand vous tombez sur une humagne sans défaut, comme cette «Réserve des Administrateurs» 2004 de la Cave Saint-Pierre, à Chamoson, (groupe Schenk) où la matière est souple et les tanins policés, vous vous demandez ce qu’elle peut bien faire avec des plats de gibier! Re- malentendu: alors que les Valaisans vous diront volontiers qu’ils servent l’humagne sur de l’agneau, elle récolte son succès commercial comme «vin de chasse». Une syrah plus charpentée, plus épicée, réussira mieux son coup… Pour mémoire, les dégustateurs valaisans du Label Nobilis ont donné de l’or, cette année, aux humagnes rouges 2004 de La Tornale à Chamoson, La Régence-Balavaud à Vétroz, Desfayes-Crettenand à Leytron, les frères A. et C. Bétrisey à Saint-Léonard et Les Montzuettes, à Flanthey.

Paru dans Le Matin-Dimanche du 10 octobre 2005.