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Posted on 20 décembre 2005 in Conso

Vins suisses — L’image du Valais en jeu

Vins suisses — L’image du Valais en jeu

Vins suisses — Dégustation («Tout Compte Fait», décembre 2005)
L’image du Valais en jeu
Le millésime 2004 n’a jamais autant produit de «spécialités» valaisannes. Immanquablement, elles se retrouvent dans les linéaires des supermarchés. Et ces vins, hélas, sont décevants. Mais ça s’explique !
Pierre Thomas
Depuis 2000, jnous n’aurions pas pu réunir autant de petites arvines et d’humagnes rouges de supermarchés. Le volume du cépage blanc a bondi de 50% en 2004, par rapport aux quatre années précédentse, et celui de l’humagne rouge de 25%. Entre 1982 et 1991, l’arvine et l’humagne rouge n’avaient produit que 0,3% des vins valaisans. En 2004, le volume du cépage blanc s’est multiplié par six (près d’un million de litres), et le rouge, par quatre (830.000 litres). En 2004, l’arvine représentait 30% des spécialités blanches, l’humagne 21% des rouges. Mais, rassure le vigneron-encaveur Jacques Disner, président de l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV), 2005 marquera un retour à la normale, avec «un tiers de moins qu’en 2004». Et, promis, juré, de grande qualité ! (Lire l'article sur les vendanges en Valais 2005)
Un bon rapport qualité-prix
Il fallait planter ce décor pour expliquer le tableau, peu flatteur, de notre dégustation. Les supermarchés servent d’exutoire au trop-plein des spécialités valaisannes 2004. A ce jeu, ceux qui maîtrisent le mieux la qualité sont des habitués. Pas étonnant de retrouver les Caves Orsat, de Martigny, en tête des petites arvines, suivi de la Cave Taillefer à Charrat, des frères Jacques-Alphonse et Philippe Orsat, et Provins-Valais. Pour l’humagne rouge, Taillefer s’impose, devant le Chablaisien Bernard Cavé pour la ligne exclusive de Casino, suivi de Jacques Germanier (Cave du Tunnel, Conthey). Ces acteurs du marché sont régulièrement référencés dans les grandes surfaces et connaissent les limites d’un honnête rapport qualité-prix.
Faut-il s’appesantir sur une telle dégustation ? Directeur de l’IVV, Pierre Devanthéry remarque : «Chaque vin mal noté par un jury est préjudiciable à l’image globale des vins du Valais, qui est une marque collective.» Et celle-ci consent de gros effort pour promouvoir les «cépages autochtones et traditionnels» (lire ci-contre). Jacques Disner, confirme que le Valais, passé de moins de 5% de l’encépagement en-dehors des pinot noir, chasselas et gamay, à près de 20% en dix ans, «doit apprendre à gérer une production plus abondante».
Des cépages délicats
Vigneron-encaveur à Chamoson, il précise que, «plus qu’à l’accoutumée, les spécialités ont donné des vins moyens en 2004, année délicate.» Et de rappeler : «Les deux cépages, les plus tardifs en blanc comme en rouge, où la maturité du raisin est capitale, se réussissent d’abord à la vigne. L’arvine doit être plantée dans les meilleures zones. Sa vivacité et sa note finale saline s’expriment mieux si le vin est sec (réd. : sans sucre). L’humagne rouge doit être surveillée de très près ; elle peut produire facilement 1,5 kg au mètre carré. Le vin est rustique et sauvage, mais si la maturité n’est pas optimale, on tombe dans la verdeur et les notes herbacées.»
C’est exactement à ces qualités (et à ces défauts !) que le jury de Tout Compte Fait s’est attaché. Le résultat est représentatif du millésime, mais du vignoble aussi où le plafond de production pour les «spécialités» AOC est fixé à 1,2 kg au m2, avec de nombreuses jeunes vignes. Maladie de jeunesse? N’empêche : quand le vin est tiré, il faut le boire.

Eclairage
2,4 millions de francs pour accroître la notoriété
Selon l’enquête de l’Institut MIS-Trend 2004 sur le vin suisse, la notoriété des «spécialités» valaisannes est faible : 20% des Suisses sondés citent spontanément le johannisberg, 14% la petite arvine, 12% l’humagne rouge, 9% la syrah, 8% la malvoisie et 4% le cornalin. L’IVV a donc décidé d’étaler une campagne de promotion, axée sur ces cépages, durant trois ans, à coup de 800'000 francs par an entre 2004 et fin 2006. Reste que la présence des 2004 dans les supermarchés «pose un problème de positionnement», explique Pierre Devanthéry. Car, dans l’esprit de l’IVV, les spécialités sont des «produits de haut de gamme».
«On ne peut pas faire rêver le consommateur si la qualité n’est pas au rendez-vous», constate le directeur de l’IVV. L’interprofession a repris à son compte les dégustations de l’AOC (appellation d’origine contrôlée). 727 vins ont été dégustés en 2005. Ce que les Français nomment le «suivi aval de la qualité» reste pourtant marginal : 90% des échantillons dégustés ont été prélevés chez le producteur. Et 10% dans les lieux de vente. Seuls 5% (une quinzaine de vins) ont été recalés, sous réserve de recours.

La dégustation
(commentaires dans l'édition papier de «Tout Compte Fait», décembre 2005

6 petites arvines de supermarchés
Petite Arvine La Thébaine 2004, Caves Orsat, Denner, 11,95 fr., 14/20
Petite Arvine 2004, Taillefer, Aligro, 12,80 fr., 13/20
Petite Arvine 2004, Provins Valais, PAM, 16,90 fr., 13/20
Petite Arvine 2004, Jacques Germanier, Aligro, 13,50 fr., 12,4/20
Petite Arvine 2004, Soleil d’Automne, Famille Thétaz, Manor, 15,95 fr., 12,2/20
Petite Arvine 2004, Bibacchus, Bonvin et Varone, Coop, 18,50 fr. (bouchonnée)
6 humagnes rouges de supermarchés
Humagne rouge 2004, Taillefer, Aligro, 12,90 fr., 14/20
Humagne rouge 2004, La Scala, Sélection B. Cavé, Casino, 12,70 fr., 13/20
Humagne rouge 2004, Jacques Germanier, PAM, 13,70 fr., 12,6/20
Humagne rouge 2004, Jacques Germanier, Aligro, 18,90 fr., 12,2/20
Humagne rouge 2004, Bibacchus, Bonvin et Varone, Coop, 17,90 fr., 12/20
Humagne rouge 2004, F. et D. Giroud, Manor, 18,95 fr., 11,6/20

Le jury de «Tout Compte Fait»
Nicolas Bourassin, sommelier, Le Jaan, Montreux
Nathalie Borne, meilleur sommelier romand 2003
Frédéric Compain, sommelier, Vétroz (VS)
Jean Solis, double champion suisse de dégustation
Pierre Thomas, journaliste spécialisé