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Posted on 5 mars 2006 in Adresses, Restos

Sion (VS) — La Sitterie

Sion (VS) — La Sitterie

La Sitterie à Sion
Grande table de poche

A force qu’on nous réponde «complet !», il nous a bien fallu un an et demi avant de nous attabler à la Sitterie, en face de la «Brasserie valaisanne», sur la route de Savièse. «C’est un des derniers points de chute à la sortie de la ville», constate Jacques Bovier. Le cadet des Bovier, famille de restaurateurs, talentueux à la Table d’Edgard, au Lausanne-Palace, et au Buffet de la Gare de Saint-Léonard (VS), que Jacques a quitté après dix ans en cuisine. «Là-bas, la cuisine totalisait 120 m2. Ici, le resto en fait 60 m2.» Singulier raccourci.
Mais le chef n’est pas tout seul, ni en cuisine, où il travaille avec un pro et forme une apprentie, ni en salle, où une femme et un homme, sont de parfaits hôtes qui connaissent leur métier. Avec son «look», lounge tendance pop, La Sitterie, est devenue une sorte de grande table de poche. Elle s’était égarée un temps en bistrot de quartier, après le joli parcours de Jean-Marie Théler (aujourd’hui au Coq en Pâte à Vétroz), et… beau-frère de Jacques Bovier.
Un adepte des cuissons lentes
On s’y est donc arrêté l’autre midi, alléché tant par le «business lunch», véritable affaire pour 38 francs, et le plat du jour à 20 fr. Et on a finalement opté pour un chassé-croisé dans une carte qui, déjà, respirait le printemps. Peu de liquide dans la minestrone à la livêche et lard des Haudères, mais une pleine assiette de dés de légumes juste croquants (9 fr.). La langoustine, qui fricotait avec une salade aux herbes folles, était juste rôtie, discrètement parfumée au thé noir (ah bon ?) et aux algues nori — au bord de l’assiette (28 fr.). La Bretagne n’avait pas relâché ses céteaux — fillettes de sole —, remplacées par de la daurade, qui manquait un peu d’épaisseur peut-être, mais sur une rapicolante composition d’artichauts et de tomates cerises (45 fr.). Et notre vis-à-vis s’est attaqué à une des marottes du chef, un jarret de veau au gingembre et à la bergamote (38 fr.). Un de ses chocs culinaires d’où jaillit la lumière : la pièce de viande, de belle taille — on la présente au client sur son os avant découpage —, est cuite douze heures à 100°. Caramélisée dans les effluves de gingembre et de bergamote, en grasse feuille, et non en fruit, dont l’essence aromatise le thé Earl Grey… Plus tôt dans l’hiver, le chef avait reconduit son épaule d’agneau confite du même genre, grand classique de Saint-Léonard, où certains étaient prêts à se rendre à pied, quand le train ne s’y arrêtait plus.
Plats canaille (risotto aux févettes et luganighe ; atriau au suc de viande et lentilles du Puy) ou assiettes fraîches (mesclun «vision du printemps», salade «vitaminée») complètent une courte carte, qui change avec les saisons. La prochaine, fin mars, après une semaine de vacances, annonce déjà l’agneau pascal… Les desserts sont pas mal non plus, avec ce florilège pour «bec à sucre» (14 fr.) : onctueuse crème brûlée, sorbet cacao et moelleux au chocolat de Saint-Domingue et coulis de fruit de la passion.
Les vins du coin…
Belle carte des vins «du coin», évidemment, puisque Sion reste la troisième plus grande commune viticole de Suisse, derrière Satigny (GE) et Chamoson (VS). «On essaie de garder quelques bouteilles, surtout des magnums. Les clients disent tous adorer les belles femmes de 50 ans, mais n’apprécient ni les rides, ni les cheveux gris», commente joliment ce quadra, «Jeune restaurateur d’Europe» depuis cinq ans. On y retournera quand l’agréable jardin sera ouvert. Même si la capacité ne dépassera pas, alors, les deux douzaines de couverts. Avec ou sans terrasse.

La bonne adresse
La Sitterie
41, rte du Rawyl
Sion
Tél. 027 203 22 12
Fermé le dimanche et le lundi
(et du 18 au 25 mars 2006)

Tiré de sa cave…
Boire double (!)
On l’a connue «petite vigneronne», Marie-Bernard Gillioz Praz, dans un Vieux-Pays où les femmes jouent un rôle majeur à la vigne et en cave. Aujourd’hui, cette «quinqua» est à la tête d’un domaine trois fois plus vaste (4 hectares) et plus morcelé, de Montorge, à l’ouest de Sion, à Saint-Léonard, à l’est, avec une cave à Grimisuat, à 1000 m. d’altitude, juste au-dessus de la ville. Ainsi, la talentueuse Valaisanne, présidente de Vitival, peut proposer dans chaque «catégorie» deux vins de terroirs différents. Donc de styles distincts : le fendant de Saint-Léonard se révèle plus fruité, plus minéral que celui de Sion, au terroir plus rustique. Le premier, servi en apéritif à la Sitterie, a été sélectionné, en 2004, parmi les douze meilleurs fendants, au niveau national, même si la Coupe Chasselas a disparu et si, en dix ans, chez Marie-Bernard Gillioz, la proportion de fendant est passée de 80% à 30%. En gamay, elle peut aussi proposer un rouge de ceps quinquagénaires, du lieu-dit Platal, au-dessus de la Sitterie, qui lui a toutefois préféré le Valençon, frais et fruité, à boire sans façon. A l’instar du cornalin des Balettes, à Sion, de jeunes vignes (en, 2004, première vinification en cuve), par opposition au rare et racé Saint-Léonard, élevé, lui, en barriques.

Chronique du Matin-Dimanche du 5 mars 2006