La Chaux-de-Fonds (NE) — Casa Pagni
Retour à la Casa départ
Il y a dix ans, à l’Enoteca, devenue la Parenthèse, à l’entrée de La Chaux-de-Fonds, Yves Pagni avait converti les Montagnons à la meilleure des cuisines italiennes. Puis, avec son épouse locloise, le couple était parti ouvrir une maison d’hôtes entre Grosseto et Montalcino, en Toscane. Un fils (de 4 ans) plus tard, les voilà de retour sur la place du Marché, centre névralgique de La Chaux-de-Fonds. Ils ont investi les locaux de l’ex- boucherie «La Sociale». Le décor, signé Peggy Pagni, avec des silhouettes de son père, le peintre Zaline, est sobre, avec son revêtement des murs en inox, son carrelage à grandes plaques blanc cassé et son plafond à lamelles, grises aussi. Le bar-dressing est zébré de rose ; le mobilier zen. A l’entrée, un rayon épicerie, avec de l’huile d’olives — les Pagni s’en vont la presser tout soudain dans leur verger… — miel, farine de châtaigne, crus toscans, prémisses ou prolongement du restaurant, inauguré en septembre.
Vraie «trattoria toscana»
Voilà une vraie «trattoria toscana», si le mot n’était aussi galvaudé que «taverne grecque». Le talent d’Yves Pagni enchante et sa Casa ne désemplit pas. La «faute» à une formule à l’italienne qui permet d’adapter le repas à sa faim ou à son porte-monnaie. A midi, chaque jour, pour 17 fr., il est possible de choisir entre trois plats de pâtes et trois viandes : les suggestions changent chaque semaine. Puis, la carte, qui tourne sur trois semaines, agrémentée de plats particuliers, le soir. A 38 ans, le chef a déjà passé les deux tiers de sa vie en cuisine. «J’ai débuté à Florence, à 14 ans, et j’ai ouvert mon restaurant en Toscane en 1993, avant de venir en Suisse, où j’ai travaillé au Relais de Céligny — un restaurant italien désormais fermé, au bord du Léman — et à Zoug, avant de m’installer à La Chaux-de-Fonds», explique ce Toscan né à Genève.
Sa cuisine participe à ce mouvement perpétuel qui réjouit les papilles, en Italie : des recettes renouvelées sur des bases où le produit frais joue un rôle primordial. Ce produit là peut s’appeler «pâtes», bien sûr : chez Pagni, elles sont faites à la Casa. A 12,50 fr. (petite portion, en «primi»), on y a goûté d’excellents «strozzapreti», sorte de lasagne coupées en lamelles, à la chair d’oie, un plat rustique, et des demi-rigatoni (12.50 fr.), servis «al dente», à la crème de haricots blancs, après une rapicolante salade de poulpe et son croûton vivement aillé (9 fr.) et des fleurs de courgette farcies à la viande (9 fr.), remarquables. En «secondi», à midi, un délicieux filet de porc, tendre, avec une purée de céleri (23 fr.) et un canard au coulis d’herbes aromatiques et polenta grillée (23 fr.).
Le parmesan en signature
Détail: on retrouvait des copeaux de parmesan généreusement distribués sur la fleur de courgette et le filet de porc, ceint d’un filet de balsamique. Avec la tomate, une signature un rien convenue pour des plats inventifs… Et sans lourdeur : «J’ai une ligne pure. Chez nous, on ne connaît ni la crème, ni le beurre.» Enfin, au dessert, un délicieux caramel amadouait des poires cuites, avec un biscuit aux noix (8 fr.), tandis que dans un verre, une mousse à la vanille dissimulait un coulis d’«uva fragola», le raisin fraisier.
En cuisine, ils sont quatre pour apprêter cette suite de bons petits plats. Le service est efficace dans ce local de quarante couverts. Le jeune serveur, d’autorité, a versé dans une carafe le vin choisi (lire ci-contre), importé de Toscane, et qu’on peut acheter à l’emporter. Un authentique coin d’Italie à mille mètres d’altitude. Courez-y ! Et, pensez donc, l’ancienne façade bleu délavé de l’Impartial, en diagonale, vient de retrouver une couleur entre terre de Sienne et lie de vin.
La bonne adresse
Casa Pagni
Place du Marché 6
La Chaux-de-Fonds
Tél. 032 968 18 08
Fermé le dimanche et le lundi
Le vin tiré de sa cave…
Le dernier des toscans
Patrie du Chianti Classico, la Toscane compte une quarantaine de dénomination d’origine contrôlée (DOC). Parmi les dernières, lancée en 1998, Montecucco, entre Montalcino et Scansano. Montesalario, un des trois domaines de cette jeune DOC tenus par la Casa Pagni, passe pour une valeur montante, avec son Montecucco pur sangiovese 2003, un des mieux notés par le «Guide de l’Espresso». Même si 2002 fut très arrosé, comme sur tout le pourtour de la Méditerranée, on a bien aimé, du même domaine, le Cadus, assemblage de sangiovese, de merlot et de cabernet sauvignon. Un vin à la robe noire, aux effluves de café et de torréfaction, et aux notes de cuir, dénotant des raisins bien mûrs. Un vin classé non pas Montecucco, mais Maremma, indication géographique typique (IGT) de Toscane, qui exprime une certaine rusticité, dans un millésime difficile. Et néanmoins cuvée de prestige du domaine, puisque «cadus», en latin, désigne l’amphore de vin dédiée aux généraux romains lors de leurs victoires.
Rubrique du Matin-Dimanche du 29 octobre 2006.