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Posted on 5 novembre 2006 in Tendance

Les Thürler à Bulle: le plaisir plutôt que les étoiles

Les Thürler à Bulle: le plaisir plutôt que les étoiles

Marcel et Bernadette Thürler à La Tour-de-Trême
Le plaisir plutôt que les étoiles
Cet été, que les tenanciers du Restaurant de La Tour renoncent à la «haute gastronomie» a fait grand bruit. Retour sur une décision mûrement réfléchie, avec Marcel et Bernadette Thüler.
Pierre Thomas
Les Thürler, tous deux cuisiniers de métier, ont passé six ans à Fribourg (au Raisin d’Or) et treize à la Tour-de-Trême : un parcours de plus de vingt ans — avec les années d’apprentissage, ici même, chez Orlando Grisoni — consacré à faire le meilleur au plus haut niveau. Le Guide GaultMillau Suisse était prêt à leur accorder 17 points et trois toques, pour l’édition 2007, quand l’éditeur a été informé du changement de formule. Du coup, le restaurant n’est plus mentionné dans l’édition récemment parue. Quid du Michelin Suisse, en décembre ? «Un inspecteur est passé en janvier et on leur a écrit en été», confie Marcel Thürler. En jeu : une étoile et un «bib gourmand» pour le bon rapport qualité-prix du menu au café.
Une décision réfléchie
Les Thürler n’ont pas envie de passer pour des émules du chef parisien Alain Senderens, qui, avec fracas, avait dit renoncer à sa troisième étoile, l’an passé. «Nous avons pris cette décision par rapport à nous et à notre cheminement personnel. Ils nous a fallu deux ans de réflexion et nous avons fait cent cinquante projets», expliquent Marcel, 44 ans, et Bernadette, 42 ans, propriétaires de leur établissement, qui comprend cinq chambres.
En visant une formule «avec un seul restaurant et une seule carte réduite à douze plats (quatre entrée, quatre plats et quatre desserts), renouvelée tous les quinze jours», l’équipe est moins nombreuse. «On a eu été jusqu’à quinze à plein temps. On n’est plus que six en cuisine et trois au service», détaille Marcel Thürler, appuyé dès décembre par un jeune second.
Le couple a relooké son établissement et fait tomber une paroi qui séparait le café de la salle à manger. Le café est devenu un salon à l’ameublement «rustico-colonial», la salle à manger, jadis un rien austère, a pris des couleurs ocre provençales. «On a investi pour faire moins de chiffre d’affaires.». Adieu les menus à rallonge à 125 francs ! La formule qui a le plus de succès, midi et soir, s’articule sur «une entrée, un plat, un dessert» pour 68 francs (avec une entrée supplémentaire, 88 fr. et un plat seul, 38 fr.). L’eau minérale et le café sont inclus dans ces prix. Et Bernadette Thürler, fine dégustatrice, sert au verre (de 4,50 fr. à 8 fr.) et en bouteille (de 40 à 110 fr.) une sélection de vins tirés d’une très belle cave.
Moins de plats, même qualité!
«On avait de la pression sur nos épaules… Aujourd’hui, j’achète toujours les meilleurs produits chez les mêmes fournisseurs. Avec une carte réduite, je gère mieux les incertitudes de la fréquentation. On fera le bilan à Noël, mais j’ai l’impression qu’on travaille mieux qu’avant et souvent à guichet fermé ! Les clients sont contents à 99%. Nous sommes plus accessibles, notamment aux jeunes de 25 à 35 ans. Et puis, «gastro», c’est quoi ? Une étiquette qu’on nous a collée. Nous n’avons pas besoin de nous définir : en cuisine, il y a le bon et le pas bon. Nous essayons de faire plaisir en en ayant aussi, nous, du plaisir ! J’ai jamais été aussi bien qu’à l’heure actuelle. Je respire !», confie le chef. Il sera du reste fidèle au poste dans la brigade de choc de l’«Espace convivial» de Gastronomia, à Lausanne, jusqu’à mercredi prochain. S’il a renoncé aux «Grandes tables de Suisse», il demeure «Jeune restaurateur d’Europe», «pour six mois, le temps d’atteindre la limite d’âge et d’être nommé membre d’honneur», rigole-t-il. Heu-reux, on vous le dit…

Paru dans Hotel + Tourismus Revue du 2 novembre 2006.