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Posted on 25 février 2007 in Adresses, Restos

Perroy (VD) —La Passade

Perroy (VD) —La Passade

La Passade à Perroy (VD)
Une (belle) histoire qui dure

La nouvelle? Une des plus agréables pintes vaudoises vient de changer de patron. L’événement ? Rien ne devrait être modifié, ni le cadre, ni l’offre. Ouf! Ainsi donc, mi-janvier, Olivier Dalmier, 46 ans, a succédé à Nicolas Sautebin, 60 ans sonnés. Ces patrons successifs partagent une origine hors milieu de la gastronomie. Le second a exercé plusieurs métiers avant de s’installer dans cette pinte au cœur du village de Perroy, aux nombreuses cours qui lui donnent un air bourguignon, avec, en prime, une vue époustouflante sur le Léman, côté sud.
Terrible salade maison
Le nouveau patron, originaire de la région toulousaine, était restaurateur, certes, mais de vieilles voitures. Converti à l’honnête cuisine, il a un long parcours derrière lui, du Vieux-Lausanne à l’Auberge de Montherod, son dernier bail, de huit ans. Il a emmené avec lui son chef, Alain Torrens, un Catalan français. Subrepticement, celui-ci a glissé sur la carte de La Passade un confit de canard aux champignons… Et le nouveau patron, après avoir juré, les yeux dans les yeux, qu’il ne changera rien aux standards de la carte, admet volontiers qu’une évolution va se dessiner. Sans rien brusquer, promis…
On peut donc continuer à aller à Perroy pour la pantagruélique salade «maison», servie sur plat métallique (14 fr.). Riche en verdure, certes, mais aussi en dés de jambon fumé, de noix, en échalote et relevée d’une sauce diabolique. De quoi tuer «le roi chasselas», dont la cave déborde… Et inciter à tenter une échappée sur un cépage inconnu même des œnologues les plus avisés (lire ci-dessous), d’une carte des vins qui fait la part belle aux vignerons du coin et aux meilleurs de Genève au Valais.
Frais du lac, sinon rien…
Une ardoise signale les filets de perches «frais du lac». «Si mes pêcheurs m’en livrent, j’en sers, sinon, nous avons un peu de filet congelé par nos soins. Ou alors, si nous devons servir des perches d’ailleurs, nous le signalons», explique Olivier Dalmier. Proposé dès deux personnes, un menu à 65 francs, affiche les incontournables: salade «maison», filets de perche meunière, filet de bœuf, sauce au pinot noir, avec un gratin de pommes de terre et des légumes, des fromages et une tartelette maison (au citron, à la carte à 8 fr.). Des standards complétés par des mets de brasserie, saucisse aux choux et papet vaudois, jambon à l’os et gratin (les deux à 22 fr.), et, par exemple, une fondante langue de veau aux câpres (20 fr.). Ici, le réchaud est encore de mise et le mets cher à Esope est escorté d’un riz cuit dans son bouillon. Sauce au vin blanc à la touche aigrelette — comme il se doit —, pour les filets de féra, le poisson dont regorge le Léman, mais que boude la clientèle, effarouchée par ses arêtes (28 fr.).
Agrandie petit à petit par le patron sortant, La Passade conserve tout son charme, entre tradition et originalité patinée par trente ans de collection de tableaux qui occupent les moindres recoins des salles. Nicolas Sautebin a confié ce décor à son successeur. Mais il ne peut s’empêcher, comme l’autre jour, d’y ajouter un nouveau tableau… Et, au passage, de livrer le secret du lieu. Passade pour un bref épisode amoureux, bien sûr. Mais aussi pour rappeler une tradition vaudoise : autrefois, les communes hébergeaient les gens de passage pour une nuit. A l’arrière de ce qui fut l’ «Hôtel de commune», dès 1820, puis le «Café du centre de la Côte», il y avait des stalles pour assurer ce service minimum, moins généreux qu’il n’y paraît. Car ces gens, une fois logés à l’œil, étaient taillables et corvéables à merci. N’est pas feu l’abbé Pierre qui veut…

La bonne adresse
La Passade
Grand’Rue
Perroy
Tél. 021 825 16 91
Fermé lundi et mardi

Le vin tiré de sa cave…
Blanc d’exception
Le Guide des vins suisses ne mentionne que quatre domaines viticoles à Perroy. La cave de La Passade est plus généreuse, avec des vins d’une douzaine de vignerons locaux. Et quelques raretés, tel ce Kerner de Jean-Marie Roch et fils. Ce cépage blanc, importé d’Allemagne, figure au 29ème et dernier rang des cépages plantés dans le Pays de Vaud sur plus d’un hectare (pour 2429 hectares de chasselas). Un blanc 2004 joliment structuré, avec une nuance muscatée au nez, qui en fait un «vin de gastronomie», plus que d’apéritif. Appelé aussi Herold blanc, du patronyme du scientifique qui l’a croisé à partir de trollinger et de riesling, ce cépage rappelle la mémoire d’un poète, médecin et ami du vin, Justinus Kerner. On en compte 1382 m2 sur la seule commune viticole de Perroy, cinquième du canton en surface, répartie majoritairement sur les appellations d’origine (AOC) de Mont-sur-Rolle et de Féchy, tandis que l’AOC Perroy bénéficie de l’apport d’Allaman. Le vignoble vaudois se fait un malin plaisir de défier la logique…

Paru dans Le Matin-Dimanche du 25 février 2007.