Aclens (VD) – Auberge communale
«Le nez dans le guidon»
De discret «gregario» de cuisine prestigieuse, le «second» ambitionne volontiers de passer chef de file. Ce printemps, Luc Parmentier, 32 ans, fait ses premiers tours de roue comme patron. «Le nez dans le guidon», dit-il devant sa «bécane» toute neuve, un fourneau en inox rutilant. Avec sa compagne, Nathalie Borne, 30 ans, ils se sont vu confier les clés de l’Auberge communale rénovée d’Aclens, 406 habitants, entre Morges et Cossonay. Et ils sont partis pour un bail de huit ans.
Des carrières complémentaires
L’une et l’autre ont déjà un joli parcours derrière eux. Français, elle d’Auvergne, lui d’Anjou, ils se sont connus chez Georges Wenger, au Noirmont. Tous deux s’étaient formés, lui dans une école hôtelière près de Nantes, puis à Angers, elle à Tain-l’Ermitage. Puis Nathalie a exercé son métier de sommelier chez Régis Marcon, le remarquable cuisinier de Saint-Bonnet-le-Froid, et Luc est entré en Suisse par la porte de Châteauvieux. Ces dernières années, après avoir enlevé le titre de meilleur sommelier romand en 2003, Nathalie travailla au Jaan du Montreux-Palace et chez Philippe Rochat, à Crissier, tandis que Luc secondait, quatre ans durant, Carlo Crisci, au Cerf à Cossonay. Un double parcours sans faute de goût, dans des maisons qui brillent non seulement par la qualité de la cuisine, mais aussi par ses à-côtés, de l’accueil à la cave, qui font tant pour qu’on s’y sente à l’aise.
Même si le départ s’est fait sur les chapeaux de roue, le jeune couple a le temps de trouver ses marques à Aclens. La commune n’y est pas allée avec le dos de la cuillère, rénovant lourdement son auberge (pour deux millions de francs). Ceux qui espèrent retrouver l’ambiance d’une pinte de village en seront pour leur frais. Pas de séparation, si ce n’est deux marches d’escalier, entre la salle à manger et le café, avec son long bar où les villageois viennent boire leurs trois décis. Un carrelage et un plafond immaculé constellé de mille trous limitent l’espace, qu’égaie un nappage rose, accordé aux murs, côté salle à manger, et des tables bistrot de plain-pied.
Excellent classique revisité
Pour différencier l’offre, le chef propose au demi-étage, un menu-carte à 60, 79 ou 103 francs, avec une, deux ou trois entrées, plat principal, fromage et dessert. Et au café, outre, le menu du jour à 18,50 fr. (potage, plat principal, dessert), des plats classiques avec une belle touche d’originalité. On a donc zigzagué entre le pressé de pied de veau, jouant avec la texture du foie gras (18 fr.), une terrine de campagne à la graine courge, servie «plein pot» (16 fr.), des pâtes à l’œuf et émulsion de lard paysan (au menu), un aloyau de bœuf au poivre (42 fr.), un râble de lapereau farci et roulé aux champignons (menu) et des quenelles de brochet (27 fr.), revisitées hors de la recette «vieille France», à la crème de brocolis. Polenta crémeuse ou gratin dauphinois complètent les viandes.
Seul au piano, mais aidé de deux dames du village, le chef attend un renfort pour ces prochains jours. Car, après les fromages, choisis chez Jacques Duttweiler, dont un fameux (et trop rare !) Cantal, les desserts (de 10 à 13 fr.), crème brûlée à la vanille, sorbets maison ou exquis biscuit au chocolat noir, ferment le ban. Avec une jeune femme au service, la patronne sort de son rôle de sommelier pour endosser celui qu’un romandisme qualifie de sommelière, bonne à tout faire.
Un bon choix de vins
La carte des vins balance entre les crus locaux, dont ceux de Henri Cruchon (père, fils et frères) à Echichens, où Nathalie Borne a effectué une année complète de stage, et flacons de haute volée adroitement ciblés. Au mur, les photos agrandies de Philippe Dutoit rappellent qu’on est ici à l’orée du vignoble de la plus vaste des appellations d’origine vaudoise, Morges. Et c’est le destin d’une auberge de village (trois chambres d’hôtes) de devenir le «café des amis».
La bonne adresse
Auberge communale d’Aclens
Rue du Village
1123 Aclens
Tél. 021 869 91 17
Fermé dimanche et lundi
Le vin tiré de sa cave…
Sauvignon insolite
A mi-chemin de l’Auvergne et de l’Anjou, non loin de Bourges, Menetou-Salon tient de la «colle» pour le concours du meilleur sommelier… Situer ce vignoble à côté de Sancerre donne une précieuse indication : on y produit un peu de pinot noir, mais surtout du sauvignon blanc. Importé par le fin renard Jean Solis, vins et eaux-de-vie d’exception, à Pully, ce Menetou-Salon, Clos de Ratier 2004, est remarquable de tenue. Des arômes de fruits exotiques (mangue, ananas), de la rondeur et de l’épaisseur, il est loin de l’expression végétale du sauvignon blanc pas mûr, et apte à accompagner les entrées sur un large registre. Le domaine Henry Pellé à Morogues, compte une cinquantaine d’hectares et est dirigé par une femme, Anne Pellé. Ce blanc distingué «donne avec régularité le meilleur vin du millésime, ce qui n’est pas un hasard», selon Bernard Burtschy («GaultMillau Le vin 2005»), qui, pour les 550 hectares de cette AOC confidentielle ne cite que ce seul domaine.
Chronique parue dans Le Matin-Dimanche du 1er avril 2007.