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Posted on 2 juillet 2007 in Vins suisses

Fribourg — Le Vully en noir et blanc

Fribourg — Le Vully en noir et blanc

Dégustation
Le Vully en noir et blanc

Entre les lacs de Morat et de Neuchâtel, le Mont Vully, d’un seul tenant, est partagé entre les cantons de Vaud et Fribourg. Coup de projecteur sur les vins fribourgeois.

Pierre Thomas

Après Vullyssima, à Salavaux, ce printemps, on les croyait unis, les vignerons vaudois et fribourgeois, qui se partagent les 150 hectares de ce petit vignoble. Pas encore… Les législations propres aux deux cantons s’appliquent toujours. Détails ? Les Fribourgeois, qui cultivent les deux tiers du vignoble, sont souvent négociants et achètent du raisin vaudois ; ils comptent leur vendange en kilos, les Vaudois, en litres. Chaque canton est souverain pour fixer les limites de rendement. Les Fribourgeois en parlaient cette semaine et le tout neuf président de l’association des seize encaveurs de cette partie, Sébastien Schmutz, 35 ans, tient à cette autonomie.
Un partage de couleurs

Il faut dire qu’avec une forte de clientèle alémanique, dont les plus fidèles sont les Bernois et les Soleurois, le Vully fait, mine de rien, des envieux. «On est une petite région de grand renom», sourit Jean-Bernard Derron. Par-dessus les limites cantonales, les vignerons organisent une «sélection des vins du Vully».
Selon cette dégustation professionnelle, cette année, les trois meilleurs chasselas sont fribourgeois (à quoi s’ajoute celui de Roger Matthey, de Vallamand (VD), troisième ex-aequo) et les trois meilleurs pinots noirs, vaudois (André Parisod à Bellerive, Alain Besse à Mur et Roger Matthey, également meilleur rosé).
Curieux partage de couleurs! Les Fribourgeois se rattrapent avec les spécialités. Car, si le chasselas reste majoritaire (57 des 100 hectares fribourgeois), gamaret et garanoir se profilent en rouge, alors que depuis longtemps, le Traminer (en fait, le gewurztraminer), et le Freiburger (le freisamer, croisement de sylvaner et de pinot gris), outre le pinot gris et le Müller-Thurgau, sont bien présents. Et ces «spécialités» valent le détour (lire ci-dessous). Une relève assurée
Rayon rouges issus de plusieurs cépages, on en est encore à des tâtonnements. L’un de ces assemblages les plus prometteurs est celui de Jean-François Biolley. Pour celui-ci, Roger Matthey, le vigneron vaudois qui est aussi un des derniers tonneliers de Suisse, a façonné trois fûts de 400 litres en chêne de la forêt de Galm, près de Morat. Contenant local pour un assemblage inédit de gamaret, de diolinoir et de pinot noir, en attendant le gallotta, autre «nouveau cépage» rouge. Ex-agriculteur, Jean-François Biolley s’est reconverti à la viticulture, en louant cinq hectares de vignes à des collègues. Et son fils, Lionel, 20 ans, suit les cours de viticulture à Marcelin sur Morges. Bel exemple de professionnalisation de la vigne !
Dans toutes les caves, la relève est assurée. Exemple au Château de Praz, bâti en 1520 : ingénieure en viticulture et œnologie de la HES de Changins, Marylène Chervet, 27 ans, a rejoint ses parents. En 2006, elle a mis la main à deux vinifications : une en Nouvelle-Zélande, l’autre au Vully. Et plutôt délicate ici : la pluie et la chaleur en alternance n’ont pas épargné la région, obligeant les vignerons à trier sévèrement leurs raisins. Les meilleurs s’en sont bien tirés.
De grands vins riches
A la tête de la Cave de l’Hôpital, de la bourgeoisie de Morat, le jeune œnologue Christian Vessaz a signé un somptueux traminer, une référence du Vully. Et, s’il a la quarantaine, Jean-Daniel Chervet reste le «leader» du renouveau du Vully. Ses vins se sont classés trois fois premiers de leur catégorie, aussi bien en chasselas, qu’en traminer (plus immédiat d’arômes que celui de l’Hôpital) et un rare (et osé) vin doux. A la tête d’une quinzaine d’hectares, dans une région trop peu connue des œnophiles, il confirme qu’il est un des meilleurs vignerons du pays. De Suisse, s’entend !

En dégustation

Pinot blanc 2006

Château de Praz
Nez citronné ; beau volume en bouche, arômes de fruits blancs, poire et pêche ; belle maturité de fruit ; riche (13°6 d’alcool) mais sans lourdeur.
11,75 fr. ; www.chateaudepraz.ch, tél. 026 673 18 18

Traminer 2006
Cru de l’Hôpital
Nez discret de pétale de rose ; attaque ample, magnifique volume en bouche ; à la fois corsé et sec ; finale sur le poivre blanc. Médaille d’or au Concours de Ljubljana 2007.
18 fr. ; www.cru-hopital.ch, tél. 026 673 19 10

Sauvignon blanc 2006
A. Derron et fils, Vieux-Moulin, Môtier
Nez typé de buis ; note fumée; on retrouve l’arôme caractéristique du cépage en bouche ; bonne longueur et agréable vivacité.
17,20 fr. ; www.derronvins.ch, tél. 026 673 18 41

Tryptique 2005
Jean-François Biolley, Cave de La Tour, Môtier
(gamaret, diolinoir, pinot noir à parts égales)
Nez de fruits rouges frais, légèrement boisé ; attaque souple, sur le fruit ; notes poivrées, acidité rapicolante.
16 fr. ; tél. 026 673 21 49

Trio 2005
Jean-Bernard Derron, Nant
(gamaret 60%, pinot noir 30%, garanoir 10%)
Nez de fruits rouges ; attaque souple, sur la fraise ; nuance boisée (50% en barriques de trois ans) ; bonne fraîcheur en bouche ; pointe végétale en finale.
9,50 fr. (50 cl), 13 fr. (75 cl), tél. 026 673 11 80

Goutte d’Or 2005
Domaine Chervet, Praz
(vin liquoreux de freisamer, traminer, pinot gris, cueillis à maturité, puis passerillés (séchés) sur claies 6 semaines, pressés ensemble et fermentés en barriques)
Beau nez d’ananas frais, de vanille ; en bouche, douceur bien balancée par l’acidité ; belle élégance ; sur la fraîcheur du fruit, mais bon potentiel de garde (5 ans).
18,50 fr. (37,5 cl) ; www.domainechervet.ch, tél. 026 673 17 41

Vins dégustés lors de la «présentation du millésime 2006», au Château de Villars-les-Moines (Münchenwiller), le 11 juin 2007.

Deux «routes gourmandes»
Demain, samedi 30 juin 2007, dès 15 h. (dernier départ : 18 h.), à Praz se déroule la septième «route gourmande» du Vully. Un parcours de 2 km dans le coteau du Mont-Vully, jalonné de stands de vignerons et de spécialités culinaires locales. Verre souvenir. 40 fr. par adulte (enfant, 20 fr.). Infos sur www.levully.ch. Particularité : pas d’inscription. L’an passé, la participation a frôlé les mille personnes. Un vrai pèlerinage ! Le dimanche 15 juillet, c’est au tour du Vully vaudois de proposer le même scénario, mais sur inscription cette fois (57 fr. par adulte, 20 fr. par enfant). Infos sur www.avenches.ch et au 079 459 75 72.
Page parue dans le quotidien 24 heures, Lausanne, le 30 juin 2007.